Danish Girl : The Theory of Love
Après la consécration du Britannique Eddie Redmayne qui a reçu l’Oscar du meilleur acteur en début d’année, nous le retrouvons à nouveau dans un rôle complexe et passionnant, celui de Lili Elbe née Einar Wegener dans Danish Girl de Tom Hooper.
Au milieu des années 20, Einar Wegener (Eddie Redmayne), un peintre paysagiste estimé, vit avec sa femme Gerda (Alicia Vikander), portraitiste, à Copenhague. Malgré une union forte et sincère, une véritable réalisation personnelle et professionnelle semble leur faire défaut à l’un comme à l’autre. Tout change le jour où Gerda se voit pressée de terminer un portrait et demande à son mari de revêtir la robe de sa cliente absente et de poser à sa place. L’expérience est troublante et Einar va s’approprier petit à petit cette nouvelle identité féminine pour devenir Lili Elbe, corps et âme.
Tom Hooper nous a prouvé par le passé qu’il savait faire des films à la fois spectaculaire et intimiste, avec entre autres Le Discours d’un Roi en 2011 pour lequel il a gagné l’Oscar du Meilleur Réalisateur et du Meilleur Film et Les Misérables couronné de trois Oscars en 2013. Il revient en 2016 avec ce nouveau tour de force qu’est Danish Girl – inspiré du roman éponyme de l’américain David Ebershoff – un film à la réalisation soignée et à l’histoire poignante. Parlons-en de cette réalisation : il y a un beau travail de mise-en-scène et de l’image ; en effet, Hooper accorde de l’importance aux détails quel qu’ils soient : un geste, un mouvement, une expression du visage, un vêtement ou encore un mot ; la caméra parvient à capturer ces moments furtifs qui en disent long. Si beaucoup reprochait au cinéaste la surenchère de gros plans au détriment des décors grandioses dans son film précédent, ici les plans rapprochés sont utilisés à bon escient et porteur de sens afin d’exprimer toute la complexité de ces êtres transis. A l’image de l’art pictural, la caméra est souvent posée, immobile et prend le temps de filmer ce qui se déroule, ce qui nous offre des plans parfaitement composés – par exemple, lorsqu’elle filme les paysages au début du film que l’on retrouve en peinture ou le personnage de Lili en train de poser.
La reconstitution de Copenhague ou de Paris des années 20 est très réussie. Les décors et les costumes sont travaillés de façon à ce que nous percevions pas à pas la naissance de Lili. Nous remarquons une opposition claire dans le film entre sa première et sa deuxième partie, c’est-à-dire à partir du moment où le couple part vivre à Paris. Dans un premier temps, la vie des deux peintres à Copenhague est soulignée par des couleurs froides et ternes qui expriment l’enfermement de Lili, sous le pseudonyme d’Einar. Tandis que dans un deuxième temps, leur vie à Paris est soulignée par des couleurs chaudes qui expriment la libération du personnage où tout semble possible. L’Art est très présent sous différents aspects dans ce film, et les peintures sont le reflet de la personnalité des personnages ; il y a un contraste fort entre le mal-être de Lili qui tend à s’exprimer et l’excentricité de Gerda qu’on tente d’opprimer. Mais l’amour qu’ils partagent va les sauver et le spectateur ne peut être que touché par cette dévotion.
Le récit est certes assez lent mais, encore une fois, prend le temps de se développer et l’évolution de Lili se fait doucement mais dans une grande justesse – nous percevons chaque étape traversée par le couple et de ce fait, nous nous attachons à leur histoire. Nous avons affaire à deux personnages très forts qui vivent une histoire d’amour pure et complexe et l’amour inconditionnel de Gerda pour son mari est tout simplement beau. Une histoire de courage et d’affirmation de soi où de nombreux éléments font écho à notre époque et abordant des thèmes importants tels que la quête d’identité ou les avancées de la médecine – rappelons que ce film se déroule vers 1920-1930.
Pour porter cet incroyable récit à l’écran, Tom Hooper a de nouveau fait appel à Eddie Redmayne après leur collaboration sur Les Misérables dont la force et la subtilité dans son jeu d’acteur étaient nécessaires pour rendre justice à Lili Elbe. Il s’approprie le rôle admirablement et transcende l’écran en nous livrant une interprétation très émouvante. Face à lui, Alicia Vikander n’a rien à lui envier tant son personnage est le véritable pilier du film, à qui nous nous identifions sans peine. Voilà enfin un rôle de composition dans lequel elle peut exprimer l’ampleur de son talent. Mentionnons les très bons Ben Wishaw et Amber Heard, plus discrets. Nous terminerons par souligner la jolie bande originale du français Alexandre Desplat qui enchaîne les projets à succès.
Tom Hooper affectionne les histoires basées sur le dépassement de soi avec des personnages sensibles mais jamais faibles. Danish Girl est un grand film d’une profonde richesse qui n’en fait jamais trop. Au cinéma le 20 janvier prochain.