CinéphilieCritiques de filmsdocumentaire

Comment J’Ai Détesté les Maths : Numéros Alimentaires

Tout ce qui nous entoure dans notre société n’est que pétrole, diront les gros malins. Faux, répond David Peyon, avec son nouveau documentaire Comment J’Ai Détesté les Maths : tout ce qui nous entoure est régi par les principes mathématiques.

La discipline est pourtant austère, et redoutée de bien des futurs bacheliers français, mais aussi à travers le monde. Eh oui, comme un collage de vidéos amateurs YouTube et de discussions à bâtons rompus entre ados américains ou français, les peuples sont unis dans leur haine cordiale pour les mathématiques, précepte universel acquis dans les efforts vains de déchiffrage, d’exercices, d’équations ratées… Les maths, ce n’est pas pour tous, et pourtant, ils sont nombreux  à en tomber amoureux.

« Comment J’ai Détesté Les Maths » pourrait s’intéresser au point de vue franco-français sur la discipline, les nécessaires réformes, donner la parole aux écoliers, professeurs et autres. Et c’est le cas, en partie (les séquences sur l’abrupt changement de programme dans les années 1970 sont assez édifiantes à ce sujet). Mais les ambitions de Peyon sont toutes autres, et c’est le caractère dilettante et globe-trotter de « Comment J’ai Détesté Les Maths » qui le rend intéressant, et osons-le franchement : divertissant.

Comment J'Ai Détesté les Maths
Cédric Villani n’a pas de médaille Fields en chocolat. (Crédit : Haut et Court)

On suit un mathématicien français, Cédric Villani, se faire remettre la médaille Fields lors d’un congrès international en Inde ; des homologues allemands cloîtrés entre eux dans un site allemand où même les tables de la cantine font l’objet d’un jeu de probabilités ; et on voit un amateur américain tenter d’inculquer les mathématiques à sa manière à un garçon et une fillette. Les points communs ? Leur passion, que Peyon capte avec curiosité ; les plans sur les pieds qui ne touchent plus terre lors des démonstrations sont discrets mais très convaincants. Peyon nous épargne des exposés pompeux sur les avancées mathématiques, ou développer des thèses anti-maths. Pourtant, si l’équation proposée par « Comment j’ai détesté les Maths » est plus complexe qu’il n’y paraît, le propos de sa dernière partie se perd dans les méandres de la discipline financière des maths. En essayant d’expliquer la crise des subprimes en prenant l’exemple d’un mathématicien devenu milliardaire, Jim Simons. Les parallèles avec la manipulation de la bombe atomique et le montage introductif de Simons façon « Citizen Kane » n’ont pas les mérites de la subtilité. Si cet élargissement du tableau est nécessaire, et que le propos que la peur des inconnues comme le goût pour la spéculation financière peut conduire le monde à sa perte, est beaucoup trop simpliste et arrêtée. Néanmoins, il y a un côté touchant à voir George Papanicolaou, professeur de mathématiques à Stanford et spécialiste des maths financières, évoquer le cas de sa propre famille touchée par la crise grecque à l’insistance de Peyon.

La démonstration de « Comment J’ai Détesté les Maths » est iconoclaste et rythmée. Le travail de recherches (trois ans) pour arriver à cerner les tenants et aboutissants de ce monde volontiers austère et complexe, et surtout les rendre digestibles par le plus grand monde, se voit à l’écran. Mais il est provocateur à plus d’un titre : la fibre artistique et la recherche de beauté du mathématicien sont amenés avec une délicatesse rare; et en prétendant mettre les détracteurs de son côté, Peyon balance beaucoup d’idées et de thèses avec clarté. Si ce film parle de nombres et ses consorts, c’est finalement en y appliquant des lettres et des mots que les protagonistes du film parviennent à séduire. Et pour ce spectateur, le compte est bon.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *