Comment fait-on pour regarder autant de séries ? Réponse ici (et chez Numérama)
Des plateformes à droite et à gauche, des séries toutes les semaines, comment fait-on pour choisir les séries que l’on regarde ?
Ce site est majoritairement orienté séries. Et il est vrai que depuis plus de dix ans, je vois le nombre de séries chroniquées baisser sensiblement. La faute à qui ? Il y a pourtant un nombre important de fictions qui sont disponibles chaque année. Alors pourquoi je n’en regarde pas plus ?
J’ai été interrogé pour un article paru chez Numérama titré : « C’est humainement impossible » : quand les fans de séries n’arrivent plus à tout voir.
Je vous propose l’interview en intégralité.
Quand et comment avez-vous commencé à consommer des séries de façon très régulière ?
Dès l’enfance, j’avais mes rendez-vous à la télévision avec le Club Dorothée, Giga, Télévisator 2 puis l’adolescence avec la Trilogie du Samedi, X-Files, les séries du mardi de M6. Les chaines avaient des rendez-vous très réguliers. Et c’était la seule façon de les voir hors magnétoscope.
Comment vous organisiez-vous pour suivre les sorties à l’époque ?
Magnétoscope et programme TV. Les sorties étaient mises en avant dans certaines pages des magazines puis plus tard, Internet et les magazines spécialisés.
À l’époque, essayiez-vous de suivre chaque sortie, notamment pendant la période des renouvellements et des annulations des chaînes traditionnelles ou à la rentrée de septembre ?
Alors mon époque est celle d’avant Internet, les téléchargements et les plateformes. C’était donc devant la télé à l’heure précise ou le magnétoscope, notre meilleur ami d’enfance. Mais le problème était qu’on n’était pas au courant de comment fonctionnaient les saisons. On ne savait pas si la série était finie, si elle avait 13, 22 ou 50 épisodes ! C’était la loterie et la surprise. Mon RDV préféré était la rentrée avec le retour de X-Files. J’étais ultra fan donc je suivais via les forums l’actualité précise de la série. C’est comme ça que j’ai appris comment fonctionnait la production TV. Une saison de network, de septembre à mai, 22/ 24 épisodes…
Quelle évolution avez-vous constatée depuis une dizaine d’années sur le nombre de séries qui sortent chaque année et les plateformes de visionnage ?
On sent un nombre incalculable de séries nouvelles chaque semaine. Le problème que je retiens est qu’elles ne s’inscrivent que très peu dans la durée. On perd les séries fédératrices car tout le monde regarde à son rythme. Depuis la fin de Game of Thrones, les gens ne se réunissent plus pour une série. Les séries Netflix font le buzz le temps d’un week-end et plus rien. Pire, en ne durant plus, les séries prouvent qu’elles basent tout sur une idée qui tient quelques épisodes à peine. On parle d’ailleurs beaucoup de séries événements, de mini séries, qui marchent le temps de quelques épisodes. Elles sont renouvelées mais elles n’intéressent pas. On a une industrialisation de la série, sans l’âme qui faisait de cette industrialisation, un procédé attachant. Les séries networks ne font plus recette alors quelles sont encore dans cette économie créative qui permet d’avoir 20 épisodes de septembre à mai. Hors network, c’est une production aléatoire, 5 6 8 12 épisodes par saison, diffusées quand on veut.
La Peak TV, qui a vu l’explosion du nombre de séries annuelles, a-t-elle modifié votre amour pour les séries ?
Oui. Avant la Peak TV on parlait des séries, il y avait une culture qui se créée. Ensuite, « trop de séries » a tué les séries. On les regarde en les « consommant ». La question « tu regardes quoi en ce moment » m’énerve. Je regarde des séries sur la durée, donc je regarde les mêmes quasiment chaque mois. Je ne binge que très peu.
Avez-vous changé votre façon d’organiser votre visionnage de séries ? Si oui, comment ?
Le binge watching a nourri l’écriture sérielle qui a nourri le binge…. On ne suit plus des épisodes, mais des chapitres. Je ne compte plus les séries qui traînent en longueur avec une seule et même histoire. Ça m’ennuie profondément. Donc, en fait, certaines séries gagnent en intérêt si on les binge, car elles ne proposent pas assez de substance pour rester sur un ou deux épisodes. Je garde mon rythme la plupart du temps. Je regarde deux ou trois épisodes de deux ou trois séries un soir. J’aime changer d’univers.
Utilisez-vous des applications pour mieux vous y retrouver ? Si oui, lesquelles ?
Je ne m’organise pas plus, pas moins. Je n’ai pas d’application où je calcule le temps passé sur les séries. J’en regarde suffisamment peu pour gérer facilement. Car oui, j’ai fait des choix sur ce que je regarde.
Aujourd’hui, comment choisissez-vous les séries que vous regardez ?
La qualité ne suffit plus, il me faut autre chose, une expérience. De la surprise à chaque épisode, et c’est rare pour les séries feuilletonnantes, une histoire qui tient la route sur la longueur, une série qui prend des risques.
Regardez-vous les séries en VO ou en VF ?
Les 2. J’avoue que la VO me demande un poil plus d’implication et si la série m’intéresse un peu moins, je prends la VF si disponible.
Suivez-vous toujours des séries chaque semaine, lors de la sortie des épisodes ?
Oui, hors plateforme, c’est ce qui prédomine. J’aime l’attente et la surprise de l’épisode nouveau. Et ça permet, encore, d’inscrire la série sur la durée.
Comment savez-vous si vous devez persévérer sur le visionnage d’une série qui ne vous plaît pas vraiment, mais dont la suite pourrait peut-être vous plaire ?
J’ai une théorie que je tente de faire passer. Celle de l’épisode 6. A l’épisode 6, souvent, la série propose le meilleur épisode de sa courte vie. C’est là qu’on voit si la série valide son potentiel entrevu auparavant. Mais si je ne vois aucun intérêt, aucune passion au premier ou deuxième, je laisse tomber.
Insistez-vous moins qu’avant sur des séries qui ne vous plaisent pas trop justement, face à la profusion de séries différentes disponibles ?
Oui, et la faute aussi au buzz autour de certaines séries. J’y vais pour avoir une idée mais, il me manque toujours la petite étincelle. Toutes les séries sont aujourd’hui très bien fabriquées, il faut donc aller chercher ailleurs la « qualité ».
Êtes-vous presque soulagés lorsque l’une de vos séries préférées s’arrête, puisque cela fait une série de moins à regarder ?
Non, au contraire. J’en regarde peu (par rapport à ceux qui les consomment) pour être blasé par une annulation.
Pensez-vous qu’il y a trop de séries aujourd’hui ?
Oui. Trop prétentieuses, mal écrite, mal découpée, on se base uniquement sur une idée au lieu d’une idée déclinable. Ça dure quelques épisodes et le public s’y désintéresse. Combien de séries ont été élevées au rang de séries cultes à la saison 1 et totalement oubliées en saison 2 ? Remettez-moi une série comme Lost, qui passionne chaque semaine et chaque année !