Channel Zero, saison 1 : dans la froideur de Candle Cove
Les séries d’anthologie horrifique ont le vent en poupe depuis American Horror Story, et il en fallait peu pour que les studios s’emparent des creepypastas pour en faire des histoires suivies et cohérentes. C’est tout le concept de Channel Zero, qui dans sa première saison étudie le mythe de Candle Cove.
Le souci avec les creepypastas comme celle d’où vient Channel Zero est le même avec les sketches que l’on voudrait adapter en film. Leur intérêt réside aussi dans leur aspect court et ponctuel : sorte de nouvelles horrifiques s’emparant de la pop culture pour la désacraliser et la rendre effrayante (le fameux lost épisode de Mickey par exemple), les meilleurs d’entre elles sont souvent les plus courtes. Quand ça dure, ça perd son potentiel puisque le risque d’invraisemblances et d’incohérences grandit au fur et à mesure que le temps s’allonge (symbole de ce phénomène, la légende de Ben sur Zelda Majora’s Mask, anxiogène au début puis franchement ennuyeux et répétitif au fil des paragraphes et des vidéos).
C’est un peu le problème de Channel Zero, au potentiel horrifique indéniable mais qui perd son intérêt au fur et à mesure de faire la mystérieuse. On a l’impression franche que la série n’a pas commencé au bout de quatre épisodes, tant elle refuse d’adopter une temporalité classique et un rythme soutenu. L’idée est intéressante, celle de raconter peu de choses et de faire le choix de se concentrer sur une ambiance plutôt que sur des effets éculés. Channel Zero a cela pour elle de ne pas adopter les choix commerciaux de l’épouvante de ces dernières années, sans que la question de la pertinence créative de ce choix au vue du résultat finale ne puisse être franchement écartée toutefois.
Une émission qui possède les enfants et les amène à devenir des meurtriers possédés, donc. Candle Cove. Pourquoi pas ! Le concept de la télévision qui rend fou est éculé (The Ring a rendu toute tentative de ce point de vue complètement obsolète) mais le choix de placer la série hors du temps est assez malin. La sphère dans laquelle évoluent les personnages rappelle celle de Twin Peaks et écarte ainsi toute comparaison avec un monde « réel » qui pourrait lui faire beaucoup de mal. Channel Zéro est maligne, elle sait les limites de ce qu’elle raconte et l’absurdité de son récit et décide d’en montrer un minimum pour l’inscrire le moins possible dans le réel. Quand un épisode contient deux scènes de tension horrifique, c’est le bout du monde, les costumes « home made » des démons sortis de Candle Cove n’ont de toutes façons pas vocation à devenir des esprits actifs comme ceux d’Insidious. Pour une série vendue horrifique, on peut avoir du mal avec de tels choix créatifs, et c’est un peu mon cas. C’est aussi difficile d’apprécier une série aussi contente d’elle-même.
Regarder Channel Zero, c’est un peu comme regarder du Lars Von Trier post 2000. C’est beau, les qualités visuelles sont évidentes (la sobriété visuelle de la série n’étant qu’une façade, on sent bien que chaque plan est travaillé pour éviter l’aspect artisanal déjà bien présent dans les costumes), l’écriture est franchement convaincante malgré quelques zones d’ombre bien sûr placées là parfaitement consciemment (comme si la série avait été tournée en une première fois de manière linéaire et que le montage avait été fait en retirant quelques scènes essentielles qui doivent être recréées par le spectateur), les acteurs sont suffisamment empruntés pour qu’on puisse y croire un minimum. Mais le tout fait vraiment too much, trop froid et calculateur pour en fait un objet d’appréciation au déla de la pure analyse. Difficile d’apprécier Channel Zero, ce n’est pas du tout son intention et c’est presque dommage pour une série qui appartient au genre horrifique, genre cinématographique qui en demande le plus au spectateur : la peur. La série est presque mensongère dans son objectif puisqu’on a rarement peur au final malgré l’ambiance anxiogène qui finit par devenir banalisée à force de répétition et donc à perdre son effet. On sent le créateur très fier de lui et la narration en pâtit.
On sent bien le référencement lynchien de Channel Zero, mais le mystère est total ou il n’est pas du tout. Au final, la série raconte une histoire très simple à laquelle il manque simplement des bouts, les épisodes sont constamment entre deux eaux : entre le désir de « raconter quelque chose » (la quête de son passé par le personnage principal, la découverte de la raison de la disparition des enfants) et celui d’en dire le moins possible. Toutes les révélations tombent à plat parce qu’il faudrait revoir la série pour en saisir la portée, ce que l’on a malheureusement aucune envie de faire. On sent le poids des révélations sur l’intrigue, ou en tous cas on sent que le créateur veut qu’on le sente, mais elles s’inscrivent dans un processus si distancié qu’on peine à voir leur importance réelle avec le recul. Le décor de la scène finale est assez organique et réussi mais on peine à voir son intérêt ou sa signification, non seulement on ne comprend plus grand chose mais on n’est pas franchement intéressé non plus.
La structure des épisodes de la série n’aide pas à se débarrasser de ce sentiment de complication volontaire et artificielle. Rien dans la mise en scène ne distingue flash-backs du personnage principal et événements présents et c’est au spectateur de se débrouiller avant d’aller nager dans le grand bain, tout ça en 6 épisodes. Il est heureux de n’avoir pas une série qui prenne le spectateur pour un imbécile mais un peu de pédagogie serait finalement bienvenue. Le mystère, ce n’est pas quand le spectateur ne comprend rien. C’est quand il s’interroge sur ce qu’il voit, sur le réel et l’irréel de ce qu’on lui raconte. Channel Zero a le malheur de confondre complication et complexité, jusqu’à une série qui finalement ne signifie pas grand chose en terme de fond (c’est le gamin qui a créé Candle Cove ? On est bien avancés.) et reste sans grand intérêt sur la forme. On parlait de la difficulté d’adapter une creepypasta, mais sur six épisodes la série ne peut se contenter d’une simple illustration et se doit d’aller plus loin. Ce n’est pas le cas.
Je regarderai la suite avec un intérêt relatif. Le texte est peu enthousiaste mais j’avoue que le visionnage l’était aussi peu. Channel Zero a à mon goût tout intérêt à adapter une histoire avec peut être plus de contenu, pour trouver un cadre qui lui ferait un peu plus de bien que la roue libre totale dans laquelle elle évolue.
AMD
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