Danny et Michael Philippou sont en passe de confirmer leur statut de nouvelle force du cinéma de genre avec Bring Her Back / Substitution, un film d’horreur terrifiant sur le deuil.
Si vous ne vous souvenez pas de Talk To Me / La Main, c’est peut-être parce que le film, malgré de belles promesses, sombrait dans un automatisme qui rendait le film de plus en plus bancal. La bonne presse du film avait permis aux jumeaux Youtubeurs aux 7 millions d’abonnés de gagner en réputation. Et ce n’est pas Bring Her Back qui va empêcher leur progression.
Après la mort de leur père, Andy, âgé de 17 ans, et sa demi sœur malvoyante, Piper, sont placés chez Laura, une femme souriante qui vit avec Oliver, un garçon accueilli quelques mois plus tôt, dans une confortable maison située en pleine campagne. Sur place, Andy ne tarde pas à remarquer des détails étranges. Oliver est muet, Laura fait le deuil de sa fille également aveugle. Que cache cette demeure ?

La radicalité du film est immédiate. Après une mise en situation à base de found-footage qui voit des rituels proches d’un exorcisme, nous voici dans un foyer où un père vient de mourir brutalement. Le cadavre git dans la salle de bains sous les yeux d’Andy. Piper, aveugle, ne voit pas l’horreur. En quelques scènes, on comprend de suite les tenants et aboutissants psychologiques des deux jeunes gens. Aidés par 3 formidables jeunes acteurs, Jonah Wren Phillips, Billy Barratt et Sora Wong, nous voici embarqués dans un périple où malaise et terreur se mêlent.
Cette Laura est donc la parfaite adoptante pour ces deux ados. Sauf qu’à peine dans ce nouveau foyer, on remarque beaucoup de choses dérangeantes. Un chien empaillé, un fils adoptif muet au crane rasé et avec une marque étrange sous l’oeil, cette maison ne parait pas accueillante. Et rapidement, on comprend que Laura a quelque chose qui ne va pas. Elle fouille dans les téléphones, elle manipule Andy et Piper et devient persona non grata. Si Piper ne « voit » pas ce qui se trame, Andy, lui, doute de plus en plus de l’honnêteté de cette femme qui semble avoir bonne presse auprès des services sociaux.

De minute en minute, on comprend qu’on est en face d’une situation inextricable pour les deux ados. Et nous, public, souhaitons vraiment qu’ils s’en sortent jusqu’à la dernière minute. Et là tout film d’épouvante basique jouerait sur des tropes et des rebondissements basiques, Bring Her Back se permet le luxe de prendre de cours nos expectatives (rien que le chat nous met des sueurs froides à chaque scène).
Ce qu’on prend pour un film de possession tourne en film de terreur psychologique sur le deuil. Ce qu’on prenait pour des séances d’exorcisme ou de rite n’est même ce qui importe. On comprend aisément pourquoi Laura entre dans cette spirale morbide aux limites du fantastique. Et c’est d’autant plus terrifiant que ce background irréel prend sens et se matérialise par la déchéance des corps et des esprits.
Et Bring Her Back finit de nous achever dans une montée en puissance qui rend ce climax cathartique si ce n’est faussement libérateur. Jusqu’à la dernière minute, tout prend sens…
Les frères Philippou ont maitrisé leur sujet de bout en bout, ne cédant pas aux sirènes du spectaculaire ou de la surexplication. Ce film marque leur entrée dans la cours des grands, comme Weapons / Evanouis l’a fait pour Zach Cregger après Barbarian / Barbare.
Comment marche le rituel SUBSTITUTION / BRING HER BACK (SPOILERS SUR LA FIN DU FILM)
Le début du film nous montre des images du rite de passation. Un hôte possédé, retenu dans un cercle blanc tracé au sol, doit manger le corps du cadavre et le régurgiter dans le corps d’un autre, décédé de la même façon. Donc trois étapes :
- Mimer la mort (Laura essayant de noyer Piper dans la piscine où sa fille est morte)
- Consommer l’âme (Olli mange le corps de Cathy qui est au congélateur)
- Purger l’âme dans l’hôte (Olli était censé vomir l’âme de Cathy dans le corps mort de Piper) Et ensuite Piper serait censée vivre avec « l’âme » de Cathy à l’intérieur d’elle
L’hôte est contrôlé par un mouvement circulaire sur sa tête et peut être libéré de cette possession en franchissant le cercle blanc (comme on le voit à la fin du film) non sans souffrir un peu…
Il y a donc un trafic d’êtres humains (Olli est un jeune garçon disparu du nom de Connor Bird) pour assouvir les désirs morbides de personnes endeuillées. L’univers dessiné ici est donc assez vaste pour proposer d’autres histoires ou même entrer dans cette « communauté ».