Atlanta, une série signée Donald Glover
Atlanta vient tout juste de sortir et nous offre ses deux premiers épisodes. Pour l’occasion, nous vous proposons une rapide critique de ces derniers, garantie sans spoil, afin de faire le point avec vous
Cet article a été écrit par un auteur invité, Kévin Cortes, que l’on remercie pour cet aperçu intéressant de cette nouvelle série ! « La plupart des gens […] vivent leur vie et essaient de se nourrir. J’étais plus intéressé par ça. »
, s’exprimait Donald Glover au Business Insider [http://uk.businessinsider.com/donald-glover-
interview-on-atlanta-2016-9?r=US&IR=T], quelques jours précédant la sortie d’Atlanta, le show créé par ce dernier et diffusé depuis le 6 septembre sur la chaîne FX.
Par là, Glover exprimait son point de vue sur sa série : son envie de ne pas en faire une série de lutte où l’essentiel du scénario était de prouver quelque chose, de montrer le combat de l’homme du bas peuple face à la société, comme on en voit beaucoup et qui est « super facile à faire », toujours selon les dires de ce dernier. Au contraire, sa série prend pour thème les petites gens d’Atlanta, ceux qui vivent une vie normale, qui triment pour se nourrir ou trouver un job, mais aussi de ceux qui n’ont pas de problème apparent parce qu’ils sont normaux et que Monsieur et Madame Tout-le-monde n’ont pas que des emmerdes dans la vie
De ce début de saison, son projet avec Atlanta semble être de peindre la société avec un profond réalisme, avec une sensibilité touchante et une honnêteté crue. Alors à savoir si Donald Glover a tenu ses dires en promettant une série qui parlerait vrai au lieu de parler fort, la réponse est oui : cette dernière met en scène Earnest Marks, un petit gars banal d’Atlanta, en couple fou amoureux, père d’une petite fille, en froid avec ses parents qu’il ne contacte plus que pour leur soutirer de l’argent – dont il manque terriblement au moment du récit. En quelques mots, Earnest Marks est un mec banal qui cherche à mener sa barque dans son coin, comme tout le monde. Et cette banalité, elle touche Donald Glover, et c’est ce que l’on le ressent à travers la caméra. Atlanta se veut diverse, émotionnellement variée, croisant les larmes avec les rires, la tristesse avec l’hilarité, la compassion avec la haine parce que c’est le banal qu’aime son créateur. Mais est-ce une réussite ? Est-on pris d’empathie pour les personnages attachants qu’on nous présente et le contraire envers ceux qui le sont moins ? Car le réalisme, on y est : mais il ne s’agit là que de la première étape pour en faire un excellent début de show.
La réponse ne sera pas tant affirmative que ça : Atlanta est une belle série, visuellement impeccable et proposant une palette de personnages variés et traitant de beaucoup de traits de la société actuelle – l’appropriation culturelle, le racisme ordinaire, l’homophobie, par exemple – mais je n’ai pas été plus séduit que ça. Earnest Marks – parfaitement interprété par ce-même Donald Glover – est attendrissant : certes il est gentil, il est drôle, pas bête pour un sou et tout un tas de traits qu’on aime voir incarner parce qu’il symbolise le good guy par excellence, mais il est surtout seul. Des rigolos il y en a, des pas bêtes on en croise mais des personnages auxquels on s’attache, il y en a peu – et en soixante-minutes de contenu, on aurait bien voulu voir plusieurs personnages travaillés. J’entends par là que si le parti pris d’Atlanta est de toucher au plus près du réalisme, ne se contenter que d’un protagoniste finement travaillé ne suffit pas et qu’il aurait fallu développer les secondaires dès le début afin de peindre une fresque et non un simple portrait. Alors oui, Earnest Marks est peint avec un souci du détail impressionnant et passionnant, mais il est tout seul au premier plan pendant que ses congénères se contentent que d’une esquisse au loin, complétant le tableau et ne se résumant qu’à la définition de ligne de force, n’ayant pour seul but que d’attirer l’œil vers Marks.
Atlanta est une dramédie comme on en voit rarement : l’humour y est souvent quelque chose de poétique et fragile, presque irréel. Si le protagoniste apporte son lot d’ironie et permet alors de dédramatiser certaines scènes, l’essentiel de l’humour d’Atlanta se base sur un comique de situation, sur des scènes extravagantes et aux tirades insensées : ce pot-pourri de relations humaines et d’interventions incongrues, si elles prennent un aspect onirique au premier abord semblent finalement se révéler comme un élargissement du panel humain, passant du malade mental au petit gars au lourd problème de drogues, du petit banlieusard au racisme ordinaire… Finalement, Atlanta réussit ce tour de force de passer par le what-the-fuck afin de se rapprocher au plus près du réel.
Finalement, Atlanta se présente comme un show prometteur : des thématiques importantes, humaines, tantôt tendre, tantôt dure, drôle, poétique et bien construite. Avec sa première série, Donald Glover réussit un coup de maître en nous offrant un show intelligent et profondément vrai. La question à se poser maintenant et à laquelle je reviendrais lors d’un bilan de saison est pourtant importante : si elle se refuse à être catégorisé de série de lutte, le principe d’un mec banal c’est que des luttes, il en affronte des tas. Alors comment Donald Glover saura dépasser ce stade et faire autre chose d’Atlanta ? Attendons de voir.
Kévin Cortes