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Chappie : I, Human

Troisième long-métrage de Neill Blomkamp après District 9 et Elysium, Chappie n’avait pas fait grand bruit dans le monde, se retrouvant un peu en queue de box-office. Sorti en Blu-Ray il y a quelques semaines, le film n’obtient pas la seconde vie escomptée. Mais ça nous permet, chez Small Things, de revenir sur ce film que nous n’avions alors pas traité, malgré notre amour tout brûlant pour la SF.

Le flop du film se révèle, une fois de plus au cinéma quand on parle de cinéma populaire mais un peu haut de gamme, incompréhensible pour ce film si ambitieux et réussi. Sans doute l’échec critique d’Elysium aura-t-il fait oublier le talent du réalisateur, dont l’annonce de sa direction prochaine d’Alien 5 n’a pas été suffisante pour réveiller l’intérêt. Pourtant, dans les faits, ce nouveau pan de la SF est très réussi et on ne peut que regretter qu’il n’attire pas plus les foules, malgré son ambition thématique démesurée.

Car Chappie, contre toute attente au vu des bandes annonces et de la promotion choisie pour le film, se révèle très vite au visionnage comme étant beaucoup plus qu’un simple actioner vaguement futuriste, à base de combats de robots. Bien sûr, les partisans de bonnes bastons et d’effets spéciaux dantesques y trouveront leur compte, la technologie de motion-capture n’ayant que rarement été aussi maitrisée que pour animer ce robot presque humain. Il suffit de voir la manière dont celui-ci se déplace dès sa « naissance » pour constater le travail fantastique de l’acteur derrière la machine, Sharlto Copley (le héros de District 9), dont la fluidité des mouvements et des expressions corporelles permettent une sensation étrange d’humain robotisé, effet exactement recherché par l’équipe technique, au vu de l’aspect très humanoïde du robot. Le dynamisme de la caméra lors des scènes de combats permettent de faire ressortir cela, permettant une action très lisible et agréable à l’oeil, accompagnée d’une très réussie bande-son, correspondant pile aux situations. On pourrait trouver trop de ralentis lors des moments de pure émotion mais ce serait vraiment chercher la petite bête : Blomkamp sait y faire.

Chappie
Chappie avec motion capture…

Au delà de ces considérations certes nécessaires à tout blockbuster américain (ici aussi un peu mexicain) qui se respecte, le film propose de nombreuses possibilités de lecture au spectateur souhaitant aller un peu plus loin. C’est l’évolution du personnage de Chappie qui permet au film d’acquérir une profondeur inespérée, posant un bon nombre de questions et abordant une grande quantité de thématiques, comme celle par exemple, pourtant très terre à terre par rapport au genre choisi, de l’influence d’un enfant par son environnement. Chappie, sorte d’enfant en bas âge ignorant mais remarquablement intelligent, se retrouve dans le film balloté par des exigences éducatives différentes, entre braquages par des malfrats et apprentissage de valeurs morales par son créateur, scientifique parfois un peu trop surjoué dans ses émotions par Dev Patel (Slumdog Millionnaire, Skins). De ces différences de milieu auxquels le robot, humain par sa conscience, est confronté en ressortiront une personnalité propre et multiforme, un être capable de réfléchir par lui même et de prendre des décisions affectives, que celles si soient « bonnes » ou « mauvaises » elles viendront bien de son affect et non de son sens logique, comme on pourrait l’attendre de tout bon robot azimovien.

C’est d’ailleurs cet influence du monde qui l’entoure qui feront de Chappie ce qu’il est, introduisant ainsi le second grand thème du film : le parcours initiatique de l’homme, de l’enfant à l’adulte. C’est là toute la complexité du film, qui part de l’évolution d’une machine pour aller beaucoup plus loin, lui proposant un parcours de vie et de développement égal à celui d’un homme, changements physiques mis à part en raison de sa condition. Chappie, et c’est ce qui fait de ce film un objet tout à fait original et profond, pourrait très bien être un homme à évolution normale, mais, sa condition de robot de deux mètres ne lui permettant pas de grandir à son rythme, il est forcé de sauter des étapes et de commettre des actions souvent irrationnelles, obéissant à un instinct qu’il n’a pas eu le temps de complètement forger, à cause de son apprentissage trop rapide de la vie, de la souffrance.

Chappie
… Sharlto Copley sans motion capture !

Toutes ces réflexions sont donc entourées d’une histoire plutôt prenante de jalousie et de conflits de travail, d’ambition et de valeurs, le film ne se contentant pas cette fois d’être, comme le disait un critique de Mad Movies à propos du très bon remake de Robocop par José Padilha, un film contre les corporations, fait par les corporations. Non, le film est rafraichissant de ce point de vue, n’allant pas chercher dans les contrées usées jusqu’à la corde de l’anti capitalisme et du dépassement de l’homme par la technologie. Ici, l’homme arrive très bien à vivre avec la technologie, tous les problèmes rencontrés venant d’une action d’un membre de sa propre espèce, et non pas d’une éventuelle rébellion de robots devenus plus forts que leurs créateurs.  Très proche de nous et bien menée, cette histoire est aussi rendue crédible, en plus d’une mise en scène léchée, par le jeu des acteurs enthousiasmés, dans des seconds rôles poignants (Hugh Jackman est génial à contre emploi et apporte vraiment de la matière à son personnage de méchant presque caricatural, Yo-Landi Visser et Watkin Tudor Jones Jr proposent une vraie performance habitée dans leurs rôles de prolétaires agressifs et aux grands coeurs).

Depuis le 20 juillet, le film est donc proposé au spectateur en version Blu-Ray 4K, image maximale au niveau de la qualité, ce qui amène un rendu intéressant et très agréable au niveau des couleurs et de la recherche du détail. Le disque propose par ailleurs de vrais contenus au delà du film, comme une bonne heure et quart de making-off pour en savoir plus sur tout le film, tout cela allant d’interviews de l’équipe du film aux dessins préparatoires de la machine, ainsi qu’une fin alternative inédite (très cohérente dans le film et dans la filmographie du réalisateur, puisqu’on y voit la naissance de centaines de Chappie, et l’inquiétude des humains les concernant, rappelant ainsi le début de District 9)  et une galerie photo contenant, par exemple, les différentes possibilités proposées au studio concernant l’apparence de Chappie.

Le Blu-Ray du film de Neill Blomkamp est donc fortement à conseiller, autant en ce qui concerne le film que pour ses contenus.

AMD

Adrien Myers Delarue

Résidant à Paris, A.M.D est fan de Rob Zombie, de David Lynch et des bons films d'horreurs bien taillés. Sériephile modéré, il est fan de cultes comme X-Files, Lost, ou DrHouse, ou d'actualités comme Daredevil ou Bates Motel.

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