Valley of Love : dans les cendres du Phénix
Reparti bredouille du Festival de Cannes, Valley of Love a été projeté en ouverture du Champs Elysées Film Festival. Après une présentation sobre mais efficace du film par son réalisateur Guillaume Nicloux, il nous est enfin donné de pouvoir assister à la nouvelle rencontre de deux immenses acteurs, à savoir Isabelle Huppert et Gérard Depardieu.
Peu de films ont su, il faut le dire, capter et explorer aussi bien la thématique du deuil que ce Valley Of Love. C’est en effet avec une grande finesse d’analyse que Guillaume Nicloux, accompagné de ses deux acteurs mythiques, a su proposer une conte cruel, mais d’une étonnante beauté, sur les difficultés que rencontre un couple, depuis longtemps détruit, à l’idée que son enfant décédé ne reviendra sans doute jamais.
Pure représentation des différentes étapes du deuil telles que décrites par le théoricien et philosophe Sigmund Freud, et reprises plus concrètement par Michel Hanus ( refus, colère, dépression, régression et fin du deuil), le long-métrage aux multiples lecteurs possibles déroule toute sa force narrative dès les premières minutes du film, alors que le personnage d’Isabelle Huppert parcoure inlassablement un long chemin aux multiples détours, suivie par la caméra lors d’un habile plan-séquence.
Plus qu’une simple finesse d’analyse, Valley of Love se regarde également avec admiration en raison de sa grande subtilité, ou jamais le pathos n’a sa place, malgré un sujet qui pourrait facilement s’y précipiter. Cette subtilité, bien sûr, se sent aussi bien dans la mise en scène hypnotisante que dans le texte et le traitement qu’en font les acteurs, piliers incontestables du cinéma français, voir international. Ainsi Gérard Depardieu, qui récemment nous avait proposé une performance hallucinante de justesse dans l’incompris Welcome To New York, retourne ici aux sources mêmes de ce qui a fait son succès, à savoir une spontanéité et une honnêteté de jeu à toute épreuve. Ce dernier va même plus loin en proposant une véritable introspection, où sont évoquées sans égards ses déboires personnelles. Il en est de même pour la toujours plus belle Isabelle Huppert, qui nous offre une interprétation émouvante et magistrale comme seule une actrice de sa trempe en a le secret.
Si le réalisateur-scénariste Guillaume Nicloux y est pour beaucoup, ce sont bien les acteurs qui nous transportent ainsi dans ce monde dur et magnifique, à la lisière de la folie, où se côtoient rires, peur et tristesse. C’est bien son invraisemblable talent pour brasser toutes ces émotions qui font de Valley of Love une oeuvre cinématographique à part, et nous rappelle ce qu’est véritablement un film d’auteur, qui plus est selon la pure tradition du cinéma français.
On a du mal, ainsi, à concevoir qu’un si beau film soit reparti bredouille du Festival de Cannes. Sans doute, mais il est encore trop tôt pour se prononcer, le jury aura-t-il cette fois célébré l’académisme et les cinéastes reconnus plutôt que les créateurs aux oeuvres un peu plus borderline. On espère pour Valley of Love une meilleure réussite en salles : honnêtement, c’est tout ce qu’il mérite.
AMD