A Most Violent Year : Ma Petite Entreprise Connaît Trop De Crises
En évoluant sur un canevas plus classique, JC Chandor offre une autre oeuvre d’une précision redoutable avec « A Most Violent Year ». Une reconstitution époustouflante du New York pré-Reagan et une étude de personnages marquée par un certain déséquilibre.
« A Most Violent Year » n’est pas un film de gangsters. Ou de mafiosos. L’entreprise de transport de fioul domestique d’Abel Morales est cependant proie à une série de vols violents par des inconnus bien renseignés, qui vont ensuite le revendre à la concurrence. Dans le même temps, Abel est sous le coup d’une enquête concernant les comptes de sa société du temps où elle était gérée par le père de son épouse, Anna. Ce dernier également un mafieux à la petite semaine de Brooklyn, dont les manières n’ont pas été transmises à Abel. Celui-ci croit au rêve américain, au travail, et à l’expansion de ses affaires : volontiers taciturne, il s’exprime avec la confiance d’un businessman idéaliste. Cette quête d’intégrité s’oppose à celle d’Anna, également la comptable de l’entreprise, qui souhaite protéger les intérêts du couple avant tout.
JC Chandor impose sa patte avec son troisième film, en faisant preuve de moins d’ingéniosité que le tour de force « All Is Lost » mais en gardant le thème d’un homme devant affronter des éléments hostiles. La violence, celle du titre, plane toujours au-dessus du couple et de leur petite entreprise : un avocat flippé par-ci, un chauffeur mis à pied après une attaque par là. Envers et contre tout, Abel continue à vivre et enseigner l’adage des PME ambitieuses et familiales : « Soyez fiers de ce que vous faites. »
L’ennemi invisible fait craquer beaucoup de monde autour d’Abel, y compris ses employés, et le New York de Chandor ressemble à un décor de western enneigé rêvé en Cinémascope. Les poursuites sont longues, haletantes, crapuleuses, étonamment généreuses, déflagrations d’action dans un film qui reste celui d’un homme devant sauver son entreprise en un temps limité. Si Jessica Chastain en cheville ouvrière sait dépeindre une « fille de » et une mère de famille plus proactive et retorse, elle reste malheureusement en second plan des soucis d’Abel et de son entreprise. Alors que les victimes collatérales s’amoncellent, la tempête qui couve sous le ciboulot du PDG en trenchcoat est retranscrite avec brio par Oscar Isaac. Mais en jouant dans un terrain dramatique connu, « A Most Violent Year » perd de sa singularité, restant dans l’ombre de géants comme Sidney Lumet. Qu’importe : JC Chandor garde l’implication du spectateur de bout en bout, et amorce un virage de carrière qui n’entame en rien sa qualité de raconteur d’histoires spécifique, psychologique et précis. L’aspect propret et l’époustouflant rendu (avec l’aide d’effets visuels bien camouflés) du New York de 1981 est largement aussi convainquant que le « Gone Girl » de David Fincher en termes d’esthétique milimétrée et précise, entre autres dans la composition et la colorimétrie. Un excellent cru dramatique de fin d’année en attendant les autres gros morceaux à Oscars/Golden Globes au premier trimestre 2015.