The Revenant : La surprenante plénitude du vide
Avec trois Golden Globes en poche – meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur – et douze nominations aux Oscars, The Revenant s’installe d’ores et déjà comme un concurrent redoutable. Après son sacre pour Birdman l’an passé, le cinéaste mexicain pourra-t-il faire mieux ?
Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Laissé pour mort par ses coéquipiers, Glass refuse de mourir. Il entreprend alors un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi…
Le long métrage ne paraît que le 24 février prochain dans les salles françaises et pourtant, il était difficile de ne pas en entendre parler ces dernières semaines – que ce soit pour les conditions de tournage extrêmement pénibles, la performance de l’acteur Leonardo DiCaprio grand favori pour l’Oscar du meilleur acteur ou encore le succès du film aux Etats-Unis. Il s’est, en effet, assuré d’une bonne promotion. Qu’en est-il réellement de ce Revenant, adaptation du roman éponyme de Michael Punke ?
Indéniablement, nous avons affaire ici à un tour de force qui marquera les esprits tant par ses images d’une beauté glaciale que ses combats viscéraux filmés au plus près des corps. Inarritu ne nous épargne jamais en tant que spectateur, il nous embarque, ne nous laisse aucun répit et ce deux heures et demi durant. Sa caméra accompagne ses sujets en permanence et les suit à la trace. Souvent filmés en contre plongée et en gros plan, ses personnages vacillent constamment entre l’espoir d’en ressortir vivant et l’abandon à quelque chose qui les dépasse.
Adorateur des plans séquences comme nous le rappelle Birdman, le réalisateur ne déroge pas à la règle ici et nous offre des séquences techniquement et artistiquement sublimes qui viennent mettre en valeur l’un des personnages principaux du film, la nature qui au fil du récit reprend ses droits sur l’Homme. Ces scènes de contemplation – filmées en lumière naturelle par le grand Emmanuel Lubezki – peuvent pour certains alourdir le film d’une durée déjà conséquente, cependant elles ne sont pas inutiles au récit ni étrangères au cinéaste – la relation du film avec la mort nous rappelle son film Biutiful par exemple.
Il est vrai que le scénario est simple mais la force des images parvient à combler ce manque. Certaines séquences peuvent paraître exagérées mais le cinéaste insiste notamment sur l’intensité que produit un tel « survival » et la tension en est palpable tout du long. Le son y est pour beaucoup et installe une atmosphère pesante et étouffante – cf, les trente premières minutes du film – alternant entre les moments de silence et la musique de Ryuichi Sakamoto, absolument bouleversante et superbe qui vient contraster avec la brutalité et la violence de l’histoire ; rappelons que ce long métrage est hautement déconseillé aux âmes sensibles.
Le tout porté par une troupe d’acteurs exceptionnelle : Leonardo DiCaprio en tête incarne, comme il le précise lui-même, l’un de ses rôles les plus difficiles tant physiquement que psychologiquement. Tous ces efforts vont-ils enfin payer ? De notre côté, nous sommes conquis. Face à lui, Tom Hardy n’a rien à lui envier, sa performance est tout aussi impressionnante et les deux nous offrent une scène particulièrement puissante. Mentionnons les géniaux Domhnall Gleeson et Will Poulter en second rôles trop effacés à notre goût.
Alejandro Gonzalez Inarritu nous prouve à nouveau qu’il n’a pas peur des défis, qu’il sait varier ses projets et ose les mener à bien jusqu’au bout. The Revenant n’est ni plus ni moins un grand film qui ne laissera pas le spectateur intact.