Rétro Pixar, J-7 : Là-haut
Avec le déjanté Là-haut, Pixar récidive dans un nouvel hors-série, un an après Wall-E, nous invitant cette fois dans un registre surréaliste à poursuivre, encore et toujours, nos rêves les plus fous quelques soit notre âge. Parés au décollage ?
Plus que jamais, Là-haut s’inscrit dans la série des films à double lecture de Pixar et que c’est beau quand il se mets à la métaphore !
Cette fois, on pleure dès le début du film : Carl n’a qu’un rêve, un seul, celui d’être explorateur comme son idole, Charles Muntz. Un rêve qu’il partage avec sa femme aussi perchée que lui, leur vie s’écoule devant nos yeux, d’enfants espiègles ils passent à l’âge adulte, toujours rêveurs. Ils économisent des sous pour leur grand voyage en Amérique du sud, mais le temps passe et la mort d’Ellie mettra un terme au projet.
Contrairement au reste des films produits par les studios jusqu’ici, on ne peut affirmer avec aplomb que Là-haut s’adresse aux enfants. Le sujet est grave, et le monde n’a rien d’imaginaire, c’est bien le nôtre dont il s’agit et sans fioritures : la mort, la stérilité, la nostalgie, la vieillesse, la discrimination de celle-ci par la nouvelle génération, les méfaits de l’urbanisation… Et la violence ; un personnage secondaire est blessé à la tête et saigne dès les premières minutes du film, du jamais vu jusqu’ici !
Mais que veulent nous dire Pete Docter, co-réalisateur de l’optimiste Monstres&cie et Bob Peterson, scénariste du Monde de Nemo ?
En réalité, Carl Fredricksen, vieillard aigris et résigné n’est pas tout à fait prêt à abandonner le navire pour aller croupir dans une maison de retraite. Il fait de la sienne un pavillon volant en y accrochant une flopée gigantesque de ballons remplis d’hélium et en avant la musique ! On a eu peur (En même temps, c’était sur l’affiche). Direction les « chutes du paradis », à bord de la maison qui a vu grandir et s’épanouir le couple d’Ellie et Carl… Mais une petite minute, ce fabuleux voyage ne ressemble t-il pas à celui d’Alice au pays des Merveilles ou Dorothée du Magicien d’Oz dont la maison est emportée vers des contrées merveilleuses lors d’une tempête ? Toutes échappent in-extremis à leur destin trivial en se mettant à rêver… Serait-ce donc un rêve ? Ou pire.
En effet, Là-haut sème le doute et n’en dira jamais davantage. Il faut s’y faire, c’est ce qui fait le charme et la particularité du film. Il faut se laisser porter et accepter d’entrée de jeu que tout ce qu’on voit à partir du moment où monsieur Fredricksen fait s’envoler sa maison, ne soit en réalité que pure utopie en comparaison à ce qui a vraiment pu se produire. Mais rassurez-vous, Pixar ne nous laisse pas sur cette amère conclusion et rends les choses très douces. Il suffit de se laisser entraîner dans cette folle aventure et d’accepter le ton du film.
Là-haut est un film familial mais qui, on l’a compris, est loin de ne s’adresser qu’aux enfants, mais plutôt aux grands voire aux vieux enfants. C’est le genre de films où l’on peut traîner son grand-père sans qu’il se demande ce qu’il est venu faire dans la salle : Russell, le scout grassouillet avide de faire ses preuves qui insiste pour accompagner le vieillard dans sa quête suffit à lui rappeler combien les petits fils peuvent être surexcités, de « vrais moulins à parole ». Et sur le sujet, Là-haut ne manque pas d’humour taquin en enchaînant les clins d’œil aux « grandes personnes », à savoir les parents et les grands-parents, qui rêvent parfois de clouer le bec de leurs chères petites boules de nerfs ou de les suspendre dans le vide pour qu’ils arrêtent leurs jeux stupides… Là-dessus, nous sommes d’accord. Mais il faut que tout cela reste un rêve, comme le reste d’ailleurs. Vous voyez, Pixar sait adoucir les choses.
Pour ce qui est de l’humour et de l’intrigue, ça dégénère très vite. Et si vous n’aimez pas l’absurde ou le surréalisme, vous risquez d’être dérouté, voire de ne pas apprécier la seconde partie du film. Il nous faut jouer le jeu dès le départ, Là-haut est une rêverie, comme l’est Alice ou tout autre voyage métaphorique. Et comme tout ce qui touche à l’onirique, les choses ne s’expliquent pas, elles se vivent. Laissons donc de côté la rationalité de l’ouverture du film qui s’apparentait davantage au début d’une comédie dramatique (un petit air de Soupe aux choux), pour nous laisser guider dans une jungle fantaisiste complètement loufoque où les dodos géants multicolores s’appellent Kévin et les chiens disposent de colliers télépathiques qui traduisent leurs pensée de canidés, à savoir tout sauf ce qui a du sens. Et oui, un film où Pixar imagine que si les chiens parlaient ils ne diraient pas grand chose d’intelligent, voire pire qui insinue que les chiens gentil sont bêtes, un film où Pixar rends l’enthousiasme des enfants pénible… Dans la plupart des films produits de près ou de loin par la fabrique de rêves Disney, toute chose négative si elle n’est pas résolue dans le temps du film, se doit d’être écartée pour laisser place à la magie. Mais dans Là-haut, ce qui est le reste et demeure ainsi : la mort est évoquée à plusieurs reprises, l’abandon, l’adoption, la solitude sont traités de façon directe et les personnages ne changent pas caractère bien qu’ils apprennent de leurs leçons. En revanche, chacun prend le temps de comprendre l’autre, tout n’est que relatif, comme la réalité. D’un côté comme de l’autre, les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent.
Là-haut illustre de front les problématiques liées à la vieillesse, c’est la première fois de toute la filmographie Pixar, davantage axée sur la mise en valeur de la jeunesse, que le héros est un vieillard. Dans leur court-métrage Le Joueur d’échecs, narrant la partie mouvementée d’un vieux joueur du dimanche avec lui-même, les studios traitaient déjà le troisième âge de manière hilarante. Carl est dans la continuité de son ancêtre de 1997, en plus cartoon avec sa mâchoire cubique, son petit nez tout rond, il a conservé son âme d’enfant. Enfant qu’il n’a jamais pu avoir avec sa femme et qu’il retrouve forcément en Russell autant qu’il se revoit petit. Il aurait aimé qu’on lui donne ce badge du courage qu’il manque au petit scout, il aurait peut-être voulu rendre fiers ses parents et accomplir ce voyage avec sa femme. Mais finalement le véritable bonheur ne réside t-il pas dans une vie épanouie et pleine d’amour ? L’aventure c’est la vie, et il l’a vécue.
Se tourner vers l’avenir, faire mûrir ses rêves et prendre la vie comme elle vient. C’est la belle leçon que nous offre Là-haut, un film dont l’humilité et l’incontestable poésie qui s’en dégagent sont saluées, là encore, à l’unanimité par la critique. Le film de Pete Docter est récompensé par deux oscars, dont celui du meilleur film d’animation de l’année 2010.
Avec son graphisme bonhomique et ses personnages croqués avec tendresse, Là-haut est un film mature et rêveur qui sur un air de trompette relativise la fin de vie. Et là encore tout est parti d’un simple croquis de Pete Docter, celui d’un vieux vendeur de ballons colorés qui décide de faire voler sa maison. Un film à part intelligent et subtile, encore à mi-chemin entre l’essai indépendant et l’animation des studios. Une énième preuve que l’imaginaire des animateurs Pixar n’a pas de limites.
Demain, retour aux séries avec Léo qui vous parle de Toy Story 3.