Ouija : Nonja
Jason Blum et Michael Bay passent, avec raison, comme les deux meilleurs producteurs de films d’horreurs de notre génération. Le premier et ses Insidious, le second et ses remakes, s’allient cette fois pour proposer un film d’épouvante basé sur la célèbre tablette à appeler les esprits. Encore faudrait-il que le film lui-même en ait.
Alors que sa meilleure amie s’est suicidée d’une étrange manière, une jeune fille obsédée par l’idée de lui faire ses adieux décidé de communiquer avec elle, aidée par des amis, avec une tablette Ouija. Mais attention à ne pas réveiller n’importe quoi…
Un bon film d’horreur, c’est quoi? En tant qu’amateur du genre, j’apporterais la réponse suivante : il faut qu’il fasse peur, déjà. Ensuite, le scénario ne doit pas être trop stupide, on doit en tout cas, sans forcément prendre le pas sur l’angoisse, être assez crédible ou au moins cohérent pour y croire un minimum. Enfin, comme pour tout autre film, le pitch de base doit être correct, le jeu des acteurs, au moins celui du personnage principal, correct aussi, ainsi que la mise en scène.
Vous me trouvez exigeant? Non, clairement sur ce genre là je suis prêt à accepter beaucoup de choses pour une moyenne. Mais de tous ces critères de BASE (oui je crie un peu, pardon), « Ouija » n’en a que deux, ou même un et demi : un bon pitch et une actrice principale très tatentueuse, Olivia Cooke, aperçue déjà dans l’excellente série Bates Motel. Le pitch, en effet, a le mérite pour une fois de se prêter à une analyse du film (malheureusement très limitée et évidente au vu du nombre de fois où le film essaie de glisser le truc), à savoir qu’il s’agit de démontrer qu’on ne fait jamais vraiment son deuil, qu’il faut attendre que ça passe calmement plutôt que de s’obséder avec des gens qui, de toute façon, sont morts et le resteront. Une morale assez nihiliste, pragmatique, et qui a le mérite d’être assez plausible et non-cucul pour faire marcher le film.
Voilà, le souci, c’est tout le reste. Au niveau de la mise en scène (on viendra sur les sujets qui fâchent un peu plus tard), le film est d’une banalité invraisemblable. Chaque plan un peu éloigné du classique est piqué à un autre film, chaque musique est déjà entendue dans ses grandes lignes dans les autres productions Blum (à un moment, le piano et le violon angoissants avec des bruits de casserole pour faire peur, ça risque de devenir illégal), et l’esthétique est celle… d’une maison et de rues de tous les jours. Au niveau des esprits, on retrouve avec joie (…) la Dame en Noir, ou sa petite sœur, et une petite fille blonde attachée par la bouche (l’idée est bonne et surprend les 3 premières fois où on la voit, mais agace les 345 autres après). Scénariste des très corrects Prédictions et Possédée, Stiles White ne propose aucune idée et c’est bien dommage.
Autre vrai défaut du film, c’est sa stupidité. Le mot n’est pas trop fort pour décrire ce que le film propose au delà de son intéressante thématique. Défaut d’autant plus dramatique que, il faut le rappeler, le film date de 2008, et a vu sa conception et son scénario maintes fois réécrits depuis. Tout ça pour ? Des grosses ficelles scénaristiques comme on les déteste. Beaucoup de personnages bêtes comme leurs pieds (ce qui pourrait amuser si on ne connaissait pas la longueur de la production et la volonté des réalisateurs de faire réaliste), des situations improbables, et, parfois, une mythologie qui change en court de film parce que ça arrange l’histoire, et permet surtout de ne pas trop de fatiguer. Détail amusant : l’apparition de l’actrice Lin Shaye dans un rôle différent en tous points de celui qu’elle tient dans Insidious, autre production Blumhouse. On fait un peu une boutade ici mais : quand on connaît l’envie de studio de proposer un univers partagé, pourquoi, si on veut absolument embaucher cette très bonne actrice, ne pas lui faire jouer le rôle du médium d’Insidious, qui par ailleurs est présent (et mal interprété) dans le film. C’est bien le symbole du manque d’idees qui caractérise tout le film, malgré, on le répète, une bonne idée originale. Et la volonté de Blumhouse d’en faire une suite je ne peux que désespérer… et faire espérer une bonne surprise.
Ouija est un échec presque total. Le film est prévisible, on a jamais peut excepté lors de screamers putassiers, les personnages sont mal écrits et l’intrigue cousue de fil beaucoup trop blanc. Restent Olivia Cooke et une bonne idée de base, sans doute suffisants pour que Blumhouse en traie encore une fois les dernières gouttes.
AMD