Mary : pour son plus grand bien
Après avoir enthousiasmé le monde par son brûlant et hilarant 500 Jours Ensemble, et apporté sa pierre personnelle mais controversée à Spider-Man, Marc Webb revient aux films indépendants avec Mary, Gifted en VO. Et, au fond, on a envie de lui souhaiter un bon retour à la maison.
Après le suicide de sa mère mathématicienne de génie, la petite Mary est confiée à son oncle (Chris Evans), qui l’élève modestement et loin des projecteurs. Seulement, l’enfant a hérité du talent de sa mère et, bientôt, le secret de son génie s’évente. Et tout désir d’existence normale est compromis …Marc Webb est un auteur
. On a tendance à trop l’oublier, puisqu’il a vite été avalé par la machine à blockbuster sans laisser vraiment le temps au public de profiter de son talent pour conter des histoires simples, belles. Sa réputation a été vite ternie pour avoir tenté d’insuffler à Spider-Man son point de vue à la fois amateur des grands codes de genres mais également presque cynique. Ce « cynisme bienveillant« , c’est au fond ce qui caractérise Webb et ce ton si particulier n’était peut-être pas le bon pour plaire au plus grand nombre. Qu’importe, sans doutes ses films seront ils réévalués un jour et mis au même niveau que ceux qui sont reconnus, comme 500 Jours Ensemble et, très probablement puisqu’il y revient à l’essentiel, Mary.
L’enseignement qu’on pourrait tirer de Mary pour les futurs cinéastes est, qu’au font, il est toujours possible de parler du monde dans lequel on vit, d’en faire une chronique éprouvante et riche, tout en restant bienveillant. Bien sûr, nombre de grands films sont des brûlots corrosifs mais les messages passent aussi bien quand le réalisateur, et c’est rare, dispose de la modestie et de la bienveillance nécessaire pour transcender et donc raconter avec panache de belles histoires. Mary aurait pu être un film larmoyant, interminable et manipulateur (comme l’a été Daddy Cool il y a quelques années), d’ailleurs il est à la limite de l’être dans le dernier tiers (le passage du chat…) puisque Webb, comme d’habitude, croit un peu trop à son histoire et se laisse (presque) emporter par le lyrisme. Ce qui le sauve systématiquement : son humour.
Mary est drôle. À la fois le film et la petite fille qui lui donne son titre. Le film est drôle puisqu’il dispose de cet humour si particulier et exclusif qui lui permet d’utiliser de codes usés (le suspense alors que tout le monde devine d’avance la fin de la scène, le placement de produit …) et de les transcender, sans lourdeur, sans appyer l’effet comique décalé (c’est ça, qui est exclusif, l’absence de lourdeur, quand des films comme Deadpool sont si fiers de casser les codes qu’ils le répètent pendant 2h), afin d’à la fois conserver sa bienveillance et montrer qu’il n’est pas dupe. Ainsi, quand le film propose dès le début un placement de produit pour des céréales franchement assez grossier car très visible, Webb décide en d’en faire un gag efficace, un peu à la manière de Bay et de Beats il y a quelques années … L’argument a peu de poids pris comme tel mais il est symbolique d’un cinéma conscient en permanence de ses limites et soucieux, sinon de s’en détourner, au moins de les utiliser pour en faire quelque chose de créatif.
Intéressant de voir la manière donc Webb raconte l’histoire de Mary sans jamais imposer au spectateur une lecture forcément réductrice. Le point de vue montré dans Mary est loin d’être unique, puisque le film accorde une égale importance à la vision de l’oncle (interprété sans folie mais avec une grande subtilité par Chris Evans, personnage pour qui la fille devrait rester chez lui et vivre une enfance normale, loin des grandes écoles et des projecteurs), de la grand-mère (au contraire, offrir à la petite fille de grandes études pour y exercer son talent, quitte à sacrifier son enfance), et de tous les personnages qui gravitent autour comme l’enseignante de CP, les avocats (qui ne sont pas forcément du même côté affectif que leur client comme le montre une scène)… Pour au finale choisir, sans en dire plus, une solution médiane, ayant l’intelligence de ne jamais tomber dans le piège du manichéisme. Bien sûr, le film n’est pas exempt de moments plus faibles et émotionnellement trop exacerbés, mais on mettra cela sur le compte d’une sincérité trop peu réservée.
Intéressant enfin de voir comme le personnage de Mary (McKenna Grace, d’une justesse infinie et d’un bonheur communicatif) est presque en dehors de l’équation, sans mauvais jeu de mots. Qu’on s’entende, sans elle, il n’y a pas de film : elle est au centre de cet affrontement de points de vue et en est la raison affichée. Mais elle est assez peu sollicitée par le film, comme en miroir de ce monde des adultes qui veut juger de son sort sans jamais l’écouter. Marc Webb en a bien conscience, il veut parler du monde des adultes et de leur affrontement, et on aurait tendance à croire que Mary, comme son don, n’est qu’un prétexte à faire se battre toutes ces grandes personnes qui ont un tel compte à régler. Au fond, le film parle de tout, sauf de ce que désigne son titre, VO (Gifted, alors que le don n’est que peu montré dans le film) ou VF (Mary, alors qu’elle est si peu écoutée). Sans critique, c’est encore un centre d’intérêt que propose le film, décidément riche et complexe, d’ailleurs plus ou moins servi par une mise en scène sobre à l’image (pas de folies, le film est solaire et presque plan-plan) et insistante au son (trop de musique, trop larmoyante).
Mary n’est pas un grand film, on dirait presque qu’il est mineur dans la carrière de Marc Webb. Mais, au fond, il a tous les moyens d’intéresser le public en manque de belles histoires, de réflexion, d’humour et d’émotion. Et, au fond, c’est aussi une des missions du cinéma !
Sortie le 13 septembre dans les salles !
AMD