L’IDEAL, beau à l’extérieur, vide à l’intérieur
9 ans après 99 Francs, Frédéric Beigbeder redonne vie à Octave Parrango. Cette fois, Jan Kounen laisse la place à Beigbeder version réalisateur. En 2012, L’amour dure trois ans était encore une adaptation de son propre roman et aussi sa première réalisation.
Au secours pardon est la « suite » de 99 francs. Reprenant le même personne, ce roman est surtout l’occasion de retrouver une satyre d’un milieu hypracommercial et commerçant. Après la publicité, place à la mode et aux produits de beauté. Le monde cosmétique est un monde de requins, de poudre aux yeux, de faux, d’idéal. En prenant pour cible L’Oréal et son empire, Beigbeder avait de quoi faire. Et s’il s’est forcé de trancher dans son récit pour offrir une petite heure et demi seulement, Beigbeder a surtout enlevé tout le sel de son oeuvre.
L’Idéal fait du bien. La comédie française est à la rue souvent, surprenante des fois et réussies assez rarement. Avec ce film, nous sommes dans un désir d’offrir quelque chose de différent avec des idées, des strass, des paillettes, bref de l’envie ! On prend plaisir à voir un film qui se permet du sein, de la drogue, du clinquant, de l’artificiel à tous les étages et qui est conscient de sa propre identité et de son rôle. N’est pas Kounen qui veut, Beigbeder parvient cependant à proposer un métrage avec un vrai univers visuel, une vraie proposition. Pourtant, le film se perd dans son récit. A force d’élaguer son propos, le film ne raconte plus rien passé 30 minutes. Durant ce laps de temps, nous avons un 99 francs version mode avec du rythme, des idées et du contenu. Même si on peut reprocher un sentiment un peu has been du propos qui est dénoncé, il y a une substance.
Plus on avance dans le film, moins on prend de plaisir. L’Idéal n’a de puissance satirique que durant son introduction, se répète efficacement puis lasse. Le sulfureux sonne faux et ne surprend plus. L’Idéal ne raconte plus que la difficulté de la mission des personnages et ne décrit plus les frasques du milieu. Il y avait pourtant matière. On se plait à admirer les idées pourtant pertinentes sur le papier d’une mise en scène travaillée, annihilées par un montage grossier. Le film est décousu, parsemé de fautes de débutants (post-synchro, raccords, cohérence) et surtout il ne raconte plus rien. Les séquences ne sont là que pour illustrer des pages du livre mais abandonne toute ambition d’être une adaptation narrative. Audrey Fleurot et Gaspard Proust sont à l’aise, Fleurot en tête. Proust est assez inégal mais souvent, il fait mouche. L’intrigue ne tient pas sur la longueur et L’Idéal peine à nous proposer des scènes pertinentes. On ne comprend pas comment le personnage d’Audrey Fleurot peut s’oublier à cause d’un intrigue de grossesse inutile et absurde, comment Jonathan Lambert, formidable au demeurant, ne tient pas son personnage du début à la fin. En quelque sorte, à trop vouloir trancher, Beigbeder accélère la résolution de son intrigue dans un climax qui tombe à l’eau. On est loin de la consistance du film de Kounen avec un Dujardin à l’aise, généreux et qui donne vie aux propositions artistiques du réalisateur et du scénariste.
Le film n’est pas aidé par des dialogues poussifs à la limite du ringard surtout quand on cite Youtube, qu’on utilise BFMTV, qu’on se permet des apartés comiques hors propos (la montre de Parrango dans la War Room) et qu’au final, on donne l’impression que Beigbeder semble dépassé par la modernité. On coche alors la case déception après ces 90 minutes rapides. Il serait tout de même dommage de passer à côté d’une comédie qui tranche avec la production hexagonale. Mais on se dit que Beigbeder s’est laissé dépasser par sa propre ambition, a… matifié son produit et qu’il doit – et il le souhaite – écrire son premier scénario original.