Les Beaux Jours, pas comme en ce moment…
Vous en avez assez de Superman et de ses copains ? Cela peut se comprendre, il en faut pour tous les goûts ! Aujourd’hui je vous propose un film « tranche de vie » comme je les aime. Les beaux jours vient juste de sortir en salles, alors si vous avez envie d’un soupçon de mélancolie, un brin de frisson et pas mal d’émotion, je vous conseille d’y aller !
Les Beaux Jours pose selon moi deux grandes questions, que l’on peut être amené à se poser à certains moments de sa vie : que vais-je faire de moi une fois que je serai en retraite ? Et que se passe-t-il au sein du couple après plusieurs décennies de mariage ?
Marion Vernoux nous suggèrent quelques réponses, sur la base du roman de Fanny Chesnel. On sent que la réalisatrice n’a pas les clés des problèmes qu’elle aborde, et elle nous entraîne dans sa réflexion, son expérimentation.
Caroline, 60 ans, vient de se mettre en retraite après une brillante carrière de dentiste. Elle vit avec son mari dans une petite ville au bord de la mer, on suppose sur la côte Atlantique. Lui travaille toujours et Caroline reste seule des heures durant la journée. De plus, elle vient de perdre sa meilleure amie d’un cancer. On ne sait finalement rien du caractère qu’avait Caroline avant ces deux bouleversements dans sa vie, et on la rencontre pensive, sur la retenue, « déprimée » selon ses filles. Pour son anniversaire, elles décident de lui offrir un « forfait découverte » au centre des « beaux jours », où des retraités apprennent le théâtre, la poterie, l’informatique, le ping-pong, etc.
Caroline, grande dame très élégante habituée aux dîners de médecins qu’organise son mari, déteste tout d’abord l’endroit. Bousculée par la jeune professeur de théâtre qui aimerait la forcer à « se lâcher un peu », elle décide de ne jamais y remettre les pieds. Elle va quand même daigner y retourner, sur les conseils de son mari, afin d’apprendre quelques rudiments d’informatique. Lors de ce cours, elle rencontre Julien, le professeur. Il dit approcher la quarantaine, mais Caroline est persuadée qu’il a l’âge de ses filles, c’est-à-dire entre 30 et 35 ans. Julien, clairement séduit, invite Caroline au restaurant et l’emmène faire une promenade sur la plage. C’est alors qu’il l’embrasse.
Ce que je dirais en premier lieu au sujet de ce film, c’est la relation parfaite entre un scénario finalement assez simple (qui va droit au but) et le langage du corps assuré par les acteurs. La séduction et la sensualité sont omniprésentes, dans ce triangle amoureux. La caméra s’attarde longuement sur le corps, tout particulièrement celui de Fanny Ardant. Le désir entre Caroline et Julien est palpable. Palpable aussi l’amour entre Caroline et son mari, joué par Patrick Chesnais. Un amour discret mais réel, qui semble transcender tout le reste. Mais est-ce vraiment le cas ? Le film fait alterner les scènes de type Marivaux, dans lesquelles Caroline et Julien doivent se cacher en public et se font quelques frayeurs, et les scènes plus émouvantes où l’on sent qu’une relation authentique s’installe entre les deux amants, sans téléscoper pour autant le grand amour que Caroline ressent pour son mari.
Même si Les Beaux Jours traite de l’ennui et de l’inoccupation d’une femme à la retraite, je pense que l’on peut tous se sentir concerné par ce personnage. Ces moments de vides dans notre vie où on ne sait pas trop vers où aller, mais surtout vers où on aimerait aller. Ce n’est pas toujours clair dans notre tête…
Et si Caroline trouve le temps long et s’ennuie, le jeune Julien ne va pas forcément mieux. Il a beau avoir une vie active, elle est justement trop active et il collectionne les femmes tout au long du film. Trop dispersé, hyperactif (surtout sexuellement…), il se perd et ne parvient pas à se fixer. Sa vie est tout aussi vide de sens que celle de Caroline. Sauf que lui pense remplir ce vide de multiples conquêtes, et reconnaît parfois son mal-être, sans pour autant le regarder en face.
Fanny Ardant est une impeccable « jeune fille aux cheveux blancs ». A la fois digne et espiègle, sage et débutante, elle arrive parfaitement à nous communiquer les états d’âme de son personnage. Laurent Lafitte, de la Comédie Française, que l’on a vu notamment dans « Les petits mouchoirs », porte ma foi très bien la moustache. Il n’avait pas encore eu de rôle aussi important au cinéma. On espère pour lui qu’il s’agit du début d’une longue série… Avec ses airs d’Alexandre Astier, il nous émeut autant qu’il nous amuse.
Peut-être le film idéal à aller voir en cette période de pluie incessante, qui donne envie de caler dans un fauteuil de cinéma, et nous rend suffisamment mélancolique pour avoir envie de réfléchir à ce type de questions existentielles…