La dernière duchesse : prélude au monde de Downton Abbey
Le premier roman de Daisy Goodwin révèle une romance sur fin de XIXe siècle avec une héritière américaine qui découvre les machinations de l’aristocratie anglaise.
Impossible de ne pas penser à Downton Abbey, surtout quand l’héroïne américaine s’appelle Cora, tout comme l’adorable mère des sœurs Crawley… A la différence près, il s’agirait non d’un mariage de convenance mais d’amour dès le départ, fait des plus enviables dans une noblesse anglaise appauvrie à la recherche de quelques livres pour redorer leurs blasons. On n’est pas vraiment dans du Jane Austen, la plume contemporaine de l’auteure se fait ressentir dans la vivacité toute américaine de son protagoniste principal. Cora est une enfant gâtée, vaine et pédante, mais possède une force de caractère qui ne la laisse pas superficielle. C’est un monde inconnu qu’elle va pénétrer, les mariages transatlantiques ne sont pas que rose. Ivo est l’incarnation même de l’Anglais réservé qui n’étale pas ses sentiments et crée ainsi des confusions qui seront sujets troubles de l’histoire. La mère de Cora tient sa fille d’une poigne de fer, et c’est assez ironique qu’elle fasse plus anglaise qu’américaine dans sa froideur et sa domination.
Cora Cash est belle, pleine d’esprit, et à la tête d’une fortune colossale. Mais sa mère rêve de la seule chose qu’elle ne pourra pas lui acheter en Amérique : un titre de noblesse. Envoyée de l’autre côté de l’Atlantique, la jeune femme fait forte impression auprès de la bonne société anglaise et trouve un bon parti ; un séduisant duc dont la propriété tombe en ruine. Dans les courants d’air qui traversent les somptueuses demeures de l’aristocratie, la délicieuse Américaine a tôt fait de déchanter. Cet univers impitoyable regorge de pièges et de trahisons qui risquent fort de provoquer sa chute. Pour y échapper, l’enfant gâtée va devoir se métamorphoser en femme accomplie.
Entre mépris, bourdes et coups bas, c’est une action subtile qui se déroule dans le roman. De nombreuses dualités sont présentes, Amérique/Angleterre bien entendu, aristocrates/roturiers, mais aussi Blancs/Noirs ou encore nouveaux riches/vieille noblesse, les fossés entre les visions des personnages est instructive. Soyons honnêtes, il ne se passe pas grand-chose. Malgré l’omniprésence de la romance, le meilleur aspect de l’ouvrage reste les détails historiques, alors que l’intrigue s’étire dans une lenteur incroyable, l’analyse historique rend le livre diablement plus intéressant. Le visuel est très réaliste, l’appréciation de Goodwin pour l’époque n’est pas récente puisqu’elle a travaillé pour la BBC comme productrice sur projets historiques/documentaires. Voilà le lecteur plongé directement à la fin du XIXe. La lecture est des plus agréables, entre extravagance des bals et sobriété des demeures anglaises, l’attention est portée au détail. C’est vrai, ce n’est pas hyper original, mais c’est joliment écrit, surtout pour un premier livre, et ça dresse un tableau d’ensemble très exact quant à la période qui précède Downton Abbey !
(P.S. : Le titre de son deuxième roman annonce déjà la couleur : The Fortune Hunter… mais cette fois-ci, au lieu de poser la trame dans la société britannique, c’est à Vienne que vivent les personnages. Quoi, ça fait penser à Sissi ? Oui…)