Kung Fu Panda 3 : DreamWorks, effectivement
On en parle peu parce que le cinéma d’animation, sous réserves d’évidentes exceptions, ne génère pas autant d’attente chez le grand public que le cinéma autre. Mais si il y a une filière d’animation non-Disney qui se porte bien en ce moment, c’est bien celle de DreamWorks. On aurait pu penser qu’elle déchanterait depuis la fin de Shrek il y a maintenant quelques années, mais force est de constater que les studios à l’ogre vert ont su rebondir de manière judicieuse, autant qualitativement (au vu des critiques) que commercialement, sous réserve d’un ou deux ratés. artistiques. Le studio a su faire perdurer, a l’aide de suites audacieuses, leurs différents succès. C’est le cas de Kung Fu Panda, qui en est donc à son troisième opus.
Alors que le père de Po réapparaît, ce dernier se rend compte qu’il a toute une famille à ses côtés, qu’elle le comprend et qu’elle lui ressemble. Mais leur joie est de courte durée : Kaï, grand guérrier déchu, revient se venger du royaume des mort et est bien décidé à recouvrer sa puissance en s’emparant de l’âme du Guerrier Dragon..
Contrairement à ce que peuvent faire penser sa promotion et les quelques trailers qui circulent sur le Net, Kung Fu Panda 3 est de ces films qui constituent la bonne veine du cinéma d’animation dit « pour enfants » (comprendre ici « veine assez intéressante et non débilitante pour qu enfants et adultes puissent également apprécier). Le propos, dans ce troisième opus d’une série bien portante sans doute pour quelques années encore, est certes simple, mais déborde de sensibilité, d’affection pour ses personnages et son public, de poésie, comme cela avait déjà pu être le cas dans Dragons. Certes, le propos du dépassement de soi et de ses compétences, la révélation de sa force intérieures ont battus et rebattus dans le cinéma d’animation d’aujourd’hui, mais gageons qu’il n’aura jamais été abordé avec tant de finesse et de joie de vivre que dans ce film là.
Po, le grand et gros héros du film, n’est plus à un doute près sur lui-même depuis le début de la saga, et la « révélation » (absurde si il en est) pour lui de ses origines et de sa nature de panda guerrier le mène vers une prise de conscience collective pour tout son peuple, sorte de message King Size d’espoir qui fait bon vivre. Oui, le schéma scénaristique est banal dans Kung Fu Panda 3, mais la réalisatrice Jennifer Yuh (déjà à l’œuvre sur les précédents volets) sait s’approprier les codes pour mieux les déstructurer, le film se mouvant dans un second degré délicieusement absurde, qui siégeait déjà si bien dans Shrek et était si désespérément absent de son spin-off Le Chat Potté.
Tout ou presque fonctionne dans Kung-Fu Panda 3, la menace d’invasion par des zombies de Jade (retenir cette idée tout de même génialement poétique) dans le monde paisible de Po est assez crédible, assez tangible pour emporter le spectateur adulte et lui faire bien agréablement supporter les quelques gags gentiment scatologiques qui traînent par ci par là, mais qui caractérisent aussi le cinéma de DreamWorks Animation (intéressant de constater que, des années après la sortie du premier Shrek, le gag du pet reste une référence dans ses productions). Les personnages sont écrits avec simplicité et humour, beaucoup se révèlent plus profonds qu’au premier abord et chacun des secondaires (et il y en a) ont un rôle bien défini qui permet au personnage principal et à ses guerriers de ne pas être omniprésents. Poésie est le maître mot des studios, et cela n’est pas vrai que pour le message d’espoir qu’il fait passer.
Visuellement, en effet, le cinéma de DreamWorks est toujours une véritable splendeur, et ce film-ci ne fait pas exception. On pourra râler un peu sur le choix de l’espèce de l’animal méchant (on a vu mieux que ce petit rhinocéros à l’air féroce, notamment face au majestueux cygne du second opus de la série), mais son modus operandi fait l’objet d’une colorisation splendide, et le thème musical qui l’accompagne est d’une belle justesse, menaçant et entêtant dans le bon sens du terme. Les paysages eux-mêmes sont de vraies réussites, la 3D prend dans ce cinéma là tout son sens, apportant une profondeur essentielle et une vraie valeur esthétique aux actions montrées, qui n’en sont que plus lisibles. Pour les moments plus oniriques, l’équipe technique a de belles idées et cela se ressent, quand leur liberté de faire est plus libre la forme témoigne d’une inventivité rare dans un produit qui devrait être si formaté.
Certes, Kung-Fu Panda 3 est un produit capitaliste, troisième épisode par une grosse boîte de production d’une série à succès commercial, et en ce sens il n’a pas et n’a jamais le charme artisanal que peut proposer un Miyazaki par exemple. Mais Dreamworks, quelqu’en soit la visée, soigne toujours ses produits pour que puisse en ressortir un vrai intérêt pour le spectateur adulte, qui si il se prend au jeu peut tirer une grande poésie de cette entreprise à gros sous. L’expression « bon pour petits et grands » est usée jusqu’à la corde mais elle reste la meilleure manière de définir Kung-Fu Panda, porte-étendard du studio à égalité avec Dragons, le film connaît sa place dans cette guerre des gangs animée, et la tient avec fierté.
AMD