Justin Timberlake – 20/20 Experience
No | Titre | Auteur(s) | Durée |
1 | Pusher Love Girl | 08:02 | |
2 | Suit & Tie | Timberlake, Mosley, Shawn Carter, Harmon, Fauntleroy, Terrence Stubbs, Johnny Wilson, Charles Still | 05:26 |
3 | Don’t Hold the Wall | 07:10 | |
4 | Strawberry Bubblegum | 07:59 | |
5 | Tunnel Vision | 06:46 | |
6 | Spaceship Coupe | 07:17 | |
7 | That Girl | Timberlake, Mosley, Harmon, Fauntleroy, Noel Williams | 04:47 |
8 | Let the Groove Get In | 07:11 | |
9 | Mirrors | 08:05 | |
10 | Blue Ocean Floor | 07:19 |
Lorsque Justin Timberlake a sorti son dernier album, c’était en 2006, et l’impact d’alors a été majeur. 10 millions d’albums vendus, la coproduction d’une grande partie de l’album « Hard Candy » de Madonna, une tournée internationale…. La galaxie pop était à ses pieds, mais le Memphis Kid a décidé de devenir un acteur sérieux et reconnu. Une pause de six ans aurait pu briser bien d’autres carrières, mais Timberlake n’a jamais été perdu de vue, suite à ses prestations remarquées au « Saturday Night Live » ou dans le talk-show de Jimmy Fallon entre autres. Et, si sa carrière de comédien l’amène devant les caméras de David Fincher ou des frères Coen, le paysage musical a bien changé. D’autres auteurs-compositeurs-interprètes multicartes ont pris sa place, Bruno Mars et Miguel en tête, tandis que les expérimentations d’un James Blake ou d’un The Weeknd poussent le r&b vers plus de déconstruction et d’esthétique glaciale. Un comeback n’allait pas être chose aisée.
Ce qui se vérifia avec le premier single, « Suit and Tie », confection soul ayant plus sa place dans une revue de Las Vegas que dans une playlist de NRJ, avec des clins d’œil rap « chopped and screwed » au ralenti poussés pour un peu plus d’étrangeté. Les réseaux sociaux ne furent pas impressionnés, et rappelèrent à Timberlake qu’un autre « white boy with soul » excellait dans le même registre : Robin Thicke.
« The 20/20 Experience » répond donc aux attentes avec une certaine nonchalance, voire un certain dédain, probablement au grand dam. Enregistré dans le plus grand secret à Los Angeles, il est le fruit d’une équipe restreinte de collaborateurs : Timbaland et son bras droit Jerome « J-Roc » Harmon, et James Fauntleroy, qui sont crédités sur la totalité de l’album (Timberlake laisse son acolyte Rob Knox s’occuper des deux bonus tracks, mais on va y revenir). A l’écoute de l’album on réalise que le secret était un moyen de ne pas ressentir la pression du public (et sans doute du label, RCA, qui mise gros sur Timberlake pour booster ses revenus), mais surtout pour Timberlake de SE faire plaisir.
Des influences à fleur de peau
La mauvaise nouvelle, c’est qu’aucun titre de « 20/20 Experience » n’a de single taillé pour renverser les clubs actuels. La bonne ? Les structures en deux parties de quelques titres de « FutureSex/LoveSounds » ont été ici poussées sur toutes leurs longueurs. D’où un album qui affiche complet, avec 10 titres pour 70 minutes. Là où l’esprit compétitif de Timberlake l’a poussé à concevoir des singles imparables, ce Timberlake en costard veut rivaliser avec les albums de rock actuels, à écouter d’une traite et qui se défendent sur une scène en live, et non sur les ajouts dans les playlists du monde entier. Un majeur discret, mais qui rend l’écoute de ce troisième album d’autant plus agréable.
Plus question pour Timberlake de jouer les playboys, et ça s’entend. La musique reflète sa condition de jeune marié propre sur lui, entertainer jusqu’au bout des ongles… Bref, une image à contrecourant de ce qu’attendaient certains fans. L’atmosphère décontractée et « nouveau riche » de l’enregistrement rejaillit sur tout l’album : des accords printaniers marqués « Philly sound » de « Pusher Love Girl » à « Tunnel Vision », tout semble destiné à bâtir une ambiance plutôt que 4 minutes de prouesse sonique.
Let The Groove Get in – Live Justin Timberlake par korky9
La majesté d’un Justin Timberlake, qui l’a permis de se différencier d’autres « boy-bands à eux tout seuls », est la mimique de ses influences en y injectant un peu de fraîcheur. Tout comme « Rock Your Body » paraissait sorti d’ « Off The Wall » ou « Sexy Ladies » être un titre jamais enregistré de Prince circa 1982, « Let The Groove Get In » est, en langage cinématographique, un morceau de bravoure. Soit 7 minutes de groove endiablé, d’harmonies en forme de canon, ou l’union jamais réalisée du trio vocal d’Earth Wind & Fire avec les musiciens de Quincy Jones en 1981. On pense notamment aux Brothers Johnson, qui avaient plus la place sur leurs albums pour ce genre de « jam sessions » irrésistibles.
« The 20/20 Experience » est un album qui revêt ses influences comme des médailles d’honneur, des exemples à suivre. « Spaceship Coupe » est une autocitation du Ginuwine de 1996 par Timbaland, et une ballade dégoulinante qui rappelle beaucoup Jodeci : probablement le seul moment d’indulgence de l’album. « Mirrors » a également un effet miroir, du moins au niveau de la rythmique, avec « Cry me A River » : là où ce dernier évoquait la rancœur et la trahison, « Mirrors » est l’une des multiples déclarations d’alchimie et de nirvana de l’album à sa moitié, l’actrice Jessica Biel. Evidemment le côté fleur bleue revendiqué de Timberlake peut être risible, mais la sincérité de l’interprétation et de l’arrangement des voix (honneur qu’il s’arroge sur tout l’album) l’élève au-dessus de la mêlée. « Say goodbye to the old me, it’s already gone » : il s’agit bien d’un tournant pour l’ex-tombeur de NSync* , mais pas seulement.
Un bon cru Timbaland
Le composant le plus inattendu, et le plus imprévisible de « 20/20 Experience » est, sans nul doute, Timbaland. Les albums dudit Timberlake et de Nelly Furtado avaient ramené le producteur adulé de Virginia Beach sur le devant de la scène en 2007. Depuis, une séparation d’avec Danjahandz, coproducteur qui était pour grande partie responsable du son de ces albums, avait amené une nouvelle traversée du désert. De deals furtifs avec des artistes à des annonces abracadabrantesques (on attend toujours sa collaboration avec Cher…. OU PAS) en passant par des titres embarrassants avec David Guetta, Tim Mosley semblait à nouveau tourner à vide. A l’écoute de 20/20 Experience, on ne peut s’empêcher de tracer un parallèle avec un autre géant du r&b, aussi originaire de Virginie : Teddy Riley. Appelé par Michael Jackson aux commandes de « Dangerous », et sur plusieurs titres de ses albums suivants, Riley a vite laissé tomber les rythmiques « new jack swing » qui l’avaient poussé au firmament pour un costume de producteur plus porté sur les mélodies et les arrangements que les beats qui avaient fait sa réputation. Même si « Timbo the King » ne neutralise plus ses grosses caisses comme sur « Shock Value 2 », il prête son nom à un pur trip de soul 60’s comme « That Girl ». Finalement, Timbaland ne phagocyte pas l’album avec des samples vocaux bizarres ni en essayant de mimer les tendances du moment, mais garde l’album léger et efficace. Et c’est finalement ce qu’on lui demande. The 20/20 Experience est peut-être une affirmation de la longévité de l’acolyte de Missy Elliott.
Les mélodies et idées terre-à-terre de James Fauntleroy sont l’autre grande force de l’album. Après avoir emerveillé les avertis grâce à la série de 4 EP sortis à travers le collectif Cocaine 80’s de No I.D., Fauntleroy apporte sa sensibilité au très planant et élégant « Blue Ocean Floor » qui clôt l’album. Une incursion en territoire brit-pop qui est sans doute la seule véritable surprise d’un album très bien conçu, mais un peu ronronnant aux entournures. Cependant, vu les impressionnantes performances du groupe de JT, les Tennessee Kids, nul doute qu’on aura pas besoin d’ophtalmo pour apprécier cette « Experience » sur scène.