J’ai eu des nuits ridicules… Un conte d’Anna Rozen
Anna Rozen a publié son dernier roman, J’ai eu des nuits ridicules, au Dilettante le 1er octobre. Auteure confirmée, notamment d’ouvrages jeunesse, J’ai eu des nuits ridicules est loin d’être son premier roman. Derrière le personnage de Valérie, Anna Rozen prend le parti de s’amuser un peu et de nous embarquer dans une histoire réaliste, mais un peu folle, à l’aide d’une plume fluide et légère.
Valérie est une trentenaire célibataire qui vit dans le centre de Paris. Business woman à ses heures, elle est surtout papillon au fil de ses soirées entre amis et de ses conquêtes nocturnes. Et elle assume à cent pour cent. Seul désavantage : s’attacher à l’un de ses amants plus qu’aux autres et très mal vivre le fait qu’il parte en vacances avec son « officielle ». En l’absence de Thaddée, Valérie flanche un peu et entrevoit les limites de ce style de vie. Cependant, ses amis, qui travaillent tous dans le milieu de la télévision et de l’art, l’encouragent à ne pas se laisser abattre et à continuer de s’amuser.
Un soir, alors qu’elle rentre d’une de ses virées, Valérie croise le chemin d’Étienne, un jeune fugueur de quatorze ans. Elle décide de l’héberger chez elle pour lui rendre service. Il vit, semble-t-il, un enfer chez lui, où son grand frère est violent. Déconcertée, Valérie se prend d’affection pour le fugueur. La soirée d’entre-aide se transforme en plusieurs soirées, plusieurs semaines… Même si Valérie a bien conscience qu’il faudra qu’il rentre chez lui ou régularise sa situation, elle laisse filer les jours et prend plaisir à s’occuper de lui.
C’est ainsi que Valérie va apprendre ce que c’est qu’être responsable d’une autre personne. L’égoïsme, inhérent à son mode de vie jusqu’alors, en prend un coup. Et ça lui fait du bien. Elle va devenir addict à ce tout nouveau manque de liberté, qui lui donne une raison de vivre et la sort d’une routine qui n’était plus épanouissante.
Dans J’ai eu des nuits ridicules, Anna Rozen nous parle un langage que l’on comprend. Je qualifierais même son style de « crédible ». Valérie a beau prendre des airs de caricature, parfois, on ne peut s’empêche d’adhérer à ses émotions, ses doutes, ses prises de tête. Elle nous rappelle nous-mêmes, ou certaines personnes que l’on connait bien. Sous la plume d’Anna Rozen, toutes ces petites incohérences qui font partie de nous, prennent forme de la plus fluide des manières. Valérie, si indépendante et amoureuse de sa liberté, va se retrouver « prisonnière » à l’arrivée du jeune Étienne. Ce sentiment de devoir à présent penser à un autre qu’à soi-même, elle va l’accueillir à bras ouverts. Au lieu d’en être victime, elle va l’embrasser comme si elle l’attendait depuis toujours.
Le style d’Anna Rozen est drôle, dynamique, moderne. Les dialogues filent et tissent la toile de ce réseau de potes parisiens, tous aussi paumés les uns que les autres, tenus par leur travail, qui se laissent aller aux confidences après quelques verres de vin, qui s’encouragent dans leurs aventures nocturnes, qui ne se jugent pas, tous un peu mélancoliques et cherchant le sens profond de leur existence. Ring a bell ?
J’ai eu des nuits ridicules prend aussi l’allure d’un conte. L’histoire d’individus que tout sépare, qui vont se rencontrer et s’attacher l’un à l’autre comme par magie. Anna Rozen semble opter pour l’angle de la métaphore, en délaissant un peu le côté réaliste pour traiter de thèmes universels comme la solitude, l’amitié, l’instinct maternel, et l’amour.
« Je le déteste quand il n’est pas là. Pire, je l’aime ! Je vis une catastrophe totale, sous le règne du grand n’importe quoi. » (Valérie au sujet de Thaddée)