Critiques de films

Nos Héros Sont Morts Ce Soir : bas les masques

Dans les sorties de l’automne, il y a « Belle et Sébastien », des histoires de volcan avec Dany Boon, une adaptation sulfureuse et libre à en être défigurée d’un roman graphique français…. Et il y a des films à part, des OVNI tournés avec les tripes. C’est le cas de « Nos Héros Sont Morts Ce Soir« , première réalisation de David Perrault (également cofondateur de dvdclassik.com) présenté à la Semaine de la Critique cannoise en mai dernier.

« Nos Héros Sont Morts Ce Soir », c’est juste une vraie proposition de cinéma. La caution historique est bien là : le catch français était une réalité au milieu des années 1960, et un divertissement populaire. L’ancrage dans l’époque est discret, ni totalement débarrassé des blessures passées (Seconde Guerre Mondiale), ni dans celles à venir (l’Algérie). Perrault recentre son cadre sur Victor (Denis Ménochet, absolument hallucinant), qui va arriver dans un ring parisien pour jouer l’ennemi juré de pacotille du Spectre, incarné par son ami Simon (Jean-Pierre Martins). Très vite, ce masque de cuir imposant ne lui suffit plus, et il propose à Simon d’échanger les rôles…

Proposition de cinéma car Perrault n’a pas pour ambition de faire un « Wrestler » à la française, ou de passer en revue tous les films de sport de combat qu’il connaît. Les quelques courtes séquences qui représentent la vision du catch par la population française (des sketches de l’ORTF, des interviews radio) vont et viennent. Mais il s’agit plus de disséquer le besoin de mythe et la passion de ceux qui veulent le vivre. Et comme la gueule patibulaire et Coluchienne de Ménochet ne peut pas tout faire, Perrault ajoute une dimension onirique. Rentrer dans son psyché, alterner les scènes de rêve, convoquer un grand manitou lugubre et au visage creusé : « Nos Héros Sont Morts Ce Soir » est généreux dans l’univers qu’il compose sous nos yeux. Le petit miracle tenant à ce que toutes ces références soient cohérentes tient au duo d’acteurs Martins/Ménochet, mi-complices mi-rivaux. Même les divagations sont en fait un approfondissement de la soif de culture de Simon : Simon et Jeanne (Constance Dollé, vue dans « Un Village Français ») évoquant Gainsbourg et son caractère « non-français » se révèle être une joute touchante.

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©UFO Distribution

Jamais foutraque, toujours magnétique

« Nos Héros Sont Morts Ce Soir » ne fonctionnerait pas si bien sans ce noir et blanc racé, au contraste bien défini par Christophe Duchange. Il fait merveille dans ses apparitions spectrales, ou dans le final qui fait basculer le film vers un polar plus conventionnel. Comme tous les premiers films, il pourrait trop en faire, alourdir ses voix-off, ses clins d’oeil mais réussit à rester homogène. Peuplé de personnages troubles baignés dans le clair/obscur, « Nos Héros Sont Morts Ce Soir » réussit à retranscrire l’univers de gladiateurs sublimés par une opinion publique cruelle, et jamais réellement vue. Bref, un sujet original, une trame décalée, et des acteurs qui tassent le tout : avec « Nos Héros Sont Morts Ce Soir », David Perrault signe un K-O technique.

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