Le Géant Egoïste (The Selfish Giant) : de cuivre et de chair
C’est le grand champion du dernier Festival de Dinard, où il a raflé la majorité des prix. « Le Géant Egoïste », soit une adaptation très libre d’Oscar Wilde par la Britannique Clio Barnard, qui signe là sa première fiction. Une claque touchante, dynamique et un des meilleurs films de l’année. En selle!
L’histoire du « Géant Egoïste » (The Selfish Giant en VO), c’est celle de deux gamins d’une dizaine d’années d’une ville du nord de l’Angleterre, Bradford. Arbor et Swifty nouent une complicité lorsque le premier vient défendre le second, et l’agresse physiquement. Renvoyé de l’école, avec un grand frère junkie et recherché par des petits malfrats du coin, une mère qui ne travaille pas, Arbor va commencer à traîner à la ferraillerie du coin. Grâce à sa gouaille et une poussette, il va ramener des objets trouvés et se faire embaucher par le peu regardant gérant du coin, Kitten, le « Géant Egoïste » de Barnard. Si Arbor use de débrouillardise pour pouvoir ramener plus d’argent, y compris une scène cocasse où il pique un rouleau entier de câble électrique au nez et à la barbe des agents en charge du déploiement, ses velléités vont le conduire à une tentative totalement insensée.
Le « Géant Egoïste » prend garde de bien installer le ton de sa narration. Ni drame social à la Ken Loach, ni fable sur deux préados exclus, mais bien tout ça à la fois. Le personnage d’Arbor a un accent à couper au couteau et souffre d’hyperactivité qui génère des crises de colère, mais Swifty n’est pas laissé en retrait. Incarné par Shaun Thomas, sa passion pour les chevaux est mise en évidence lors d’une scène surréaliste de course à cheval sur l’autoroute à l’aube. L’objectif de Barnard ne les quitte jamais, et souligne leur exclusion à travers quelques plans seulement qui ne s’appesantissent pas. Les séquences sont courtes, le rythme est soutenu, et surtout le film reste à hauteur d’enfant. Barnard filme les faubourgs de Bradford avec poigne, et une photographie alternant banalité et teintes de cuivre. Si leur famille est brièvement montrée, elle est très vite reléguée au second plan. Il se dégage du « Géant Egoïste » une volonté de montrer les ressorts de l’exclusion, et des marchands de cuivre peu scrupuleux. La scène où Arbor tente d’être plus malin que l’un d’entre eux, avec de très mauvais résultats pour lui, est particulièrement crève-coeur.
Mais Barnard ajoute du dynamisme et de la maîtrise dans le chaos organisé qu’est la vie d’Arbor, et à quel point sa soif d’exister va le faire sacrifier son amitié. La dernière partie du film prend le temps de ralentir le rythme et de changer de ton tout en restant cohérent avec le début du film. Une vision globale et aboutie qui élève le film bien au-dessus de la mêlée d’autres indépendants britanniques. Conner Chapman, comme Arbor, a un charisme absolument irrésistible, qui fait plier les adultes à sa volonté, du moins le croit-il dans un premier temps.