Festival Tous Ecrans : les challenges de la saison 2
Peu importe le pays, la saison 2 est toujours un exercice périlleux. Reprendre les cliffhangers en main, amorcer de nouvelles pistes pour les personnages… Passé le renouvellement par la chaîne, c’est une autre dynamique qui s’installe. Samedi après-midi, à Genève, plusieurs producteurs de toute l’Europe se sont assis pour discuter des challenges, autour de Nick Edwards et de la programmatrice séries de Tous Ecrans, Marie-Elisabeth Laroche-Demiles.
Parmi les invités, on trouvait le producteur de « Real Humans », Henrik Widman, celui du thriller norvégien « Mammon » (critique à venir ici même) , Hans Rossiné, le scénariste et comédien allemand Johannes Lackner, la productrice de la chaîne suisse RTS François Mayor, et le scénariste de plusieurs téléfilms suisses mettant en scène le commissaire Hunkeler, Dominik Bernet. Kate McAleese, qui produit Ripper Street pour BBC1, In The Flesh pour BBC3, était également de la partie, et a présenté un court extrait de la saison 2 actuellement en tournage.
Pour « Real Humans », l’univers créé était immense, et un risque a été pris vu le nombre de questions restant en suspens en fin de saison 1. « Avec le créateur, nous disons souvent que « Real Humans » est comme un océan, et il s’agit de trouver de nouveaux poissons pour le remplir », explique Henrik Widman. Pour Henrik Widman, l’approche du renouvellement « varie selon la série ». « Pour « Big Sky Blue », qui a été tourné en extérieur en Norvège l’équipe était devenue très soudée. Pour Lilyhammer on a dû composer avec l’acteur Steve Van Zandt, qui devait partir en tournée avec Bruce Springsteen. Il faut négocier avec les acteurs et les réalisateurs, ce qui est très complexe, mais lorsqu’on croit au contenu, ça ne devrait pas poser de problème. »
A la question du rôle et de l’influence des producteurs sur le renouvellement, les intervenants ont rappelé le processus. Widman a « travaillé au développement d’une histoire assez intéressante pour la saison, avant d’aller la pitcher aux cadres de la chaîne (les commissioners dans le cas de SVT, qui diffuse Real Humans, ndr). » Katie McAleese, elle, pose des questions de base : « Est-ce que la série a quelque part où aller, est-ce qu’elle fait quelque chose qui n’est pas visible ailleurs? » Evidemment, un bon gros cliffhanger, ça peut aider, quelque fois. Hans Rossiné cite l’exemple d’une production NRK, « Blue Sky Blue » où un personnage était porté disparu en mer à la fin. « La chaîne n’était pas sûre de nous renouveler. Après le battage médiatique causé par la disparition de Kim, ils ont dit oui ». Katie McAleese rappelle que « les renouvellements, c’est aussi question de poser de grandes questions pour la saison suivante ». Le renouvellement, c’est aussi des considérations économiques plus terre-à-terre, comme les plateaux de tournage qui deviennent plus rentables pour une saison 2, dans le cas des séries allemandes.
T’es Récap ou pas récap?
Pour commencer les saisons 2, les producteurs choisissent souvent de récapituler les épisodes de la saison 1. Ou pas. Deux approches ont été montrées : un récpitulatif de 7 à 8 minutes de la saison 1 de « Hatufim » et la saison 2 d’une série policière belge « A tort ou à raison », qui choisit de commencer directement, sans récapitulatif. Johannes Lackner cite l’exemple d’une série nommée « The Last Cup » avec quelqu’un qui se réveille après 20 ans dans un coma. « La saison 5 a choisi de faire uniquement une affaire sur 8 épisodes, il n’y avait pas besoin de récapitulatif. Mais pour une série policière, on a besoin d’établir plus de choses. C’est assez délicat. » Hans Rossiné ajoute : « J’ai un membre de ma famille qui arrive toujours en retard pour regarder les séries, 2 minutes après la série. Et il demande toujours ce qui se passe. C’est irritant. » McAleese se demande aussi « comment embarquer des nouveaux téléspectateurs, qui ont loupé la première saison, dans la saison 2. »
Le renouvellement permet-il de passer un cap créatif? Pour Hans Rossiné, « des séries qui ont un suivi, et sont bien établies, comme « Les Soprano » à l’époque, pouvaient avoir beaucoup de liberté. Lorsqu’on a un public, on peut les tester et faire passer beaucoup plus de choses. Mais il faut prendre ça saison par saison, par exemple, le public de nos soaps de journée n’aime pas les changements, alors qu’on a essayé de tout changer à un certain moment. » Le maintien de la qualité peut aussi être compliqué par l’arrivée de nouveaux scénaristes, comme l’explique Katie McAleese : « Pour des séries qui bénéficient plus d’un mode feuilletonnant, et avec une « voix » forte, il faut trouver d’autres scénaristes qui puissent s’approprier la vision du créateur. Si on se repose uniquement sur le créateur, cela met à mal la série sur le long terme, pour des raisons assez pragmatiques : ils peuvent se lasser d’écrire la même chose. » Le sang neuf est donc souvent nécessaire en deuxième année. Un panel qui a soulevé plus de questions qu’il n’en a résolu, au final.