Disney Animation : le nouvel âge d’or (Première Partie)
Aujourd’hui, il est impossible de nier la réussite artistique et commerciale de Disney Animation, cette année 2016 ayant été particulièrement faste avec Zootopie et Vaiana. Pour autant, il aura fallu du temps et de la persévérance pour que Disney Animation revienne à ce niveau de qualité. Tentons d’analyser ce nouvel âge d’or.
2004-2007: un studio à l’agonie En 2006, Disney décide de racheter Pixar et nomme John Lasseter directeur créatif des deux studios. A cette période, Disney Animation enchaîne les gadins artistiques et commerciaux. Le studio a fermé son département 2D après le bide que fut La Ferme se Rebelle, parodie de western catastrophique, stupide et insupportable. Le studio décide donc de se mettre à l’animation par ordinateur et sort en 2005 Chicken Little et en 2007 Bienvenue chez les Robinson.
Ces deux productions d’une niaiserie confondante ont rapidement souffert de l’oeuvre du temps, le design visuel des deux films étant laids à souhait. Le premier est un film anthropomorphe, racontant comment un petit poulet devenu la risée de son village après avoir cru que le ciel s’écroulait va devoir le sauver lorsque les extraterrestres arriveront. Chicken Little est l’antithèse de Zootopie: l’univers est incohérent (la citation littérale d’Indiana Jones), le propos est particulièrement nauséabond (humilions les outsiders) et les personnages ne sont que des archétypes débiles et hystériques. Un film que tout le monde aurait préféré oublier.
Bienvenue chez les Robinson est une histoire de voyage dans le temps où un jeune inventeur orphelin part dans le futur à la recherche de son invention. Il y croisera une famille déjantée et vivra une folle aventure. Moche, remplis de twists gros comme des maisons, souffrant d’une ENORME incohérence narrative (à la manière de Biff Tannen dans Retour vers le futur 2, le méchant croise sa version passée de lui-même, engage la conversation puis repart sans qu’il n’y ait la moindre incidence dans la diégèse) et de personnages manquant cruellement d’âme, BCLR est tout comme le film précédant une tâche dans la liste des classiques Disney. Fort heureusement, il sera le dernier mauvais film du studio.
2008-2011: le début de la renaissance
L’arrivée de John Lasseter en 2006 sera bénéfique pour le studio. Le célèbre mogul aux vestes hawaïennes décide de relancer pour sa première vraie production Disney l’arlésienne Volt. Développé depuis quelques années par Chris Sanders, réalisateur de Lilo et Stitch, ce dernier fut remercié par Lasseter en raison de son refus de procéder à des changements dans l’histoire. Il fut donc remplacé par Chris Williams, co-scénariste de Kuzco, et par Byron Howard, animateur talentueux de la firme. Ils réalisaient ici leur premier film et eurent peu de temps pour le tourner : en lieu et place des 4 années nécessaires à ce type de projet, ils eurent droit à seulement….18 mois (!). Une charge de travail colossale donc, à ajouter avec le fait que Volt a nécessité l’utilisation d’une toute nouvelle technologie, la NPR (Non Photorealistic Rendering), qui ne s’inspire pas du photoréalisme mais d’autres arts comme le dessin, la peinture ou encore le cartoon. Cela explique le rendu si particulier du film, inspiré des travaux du peintre Edward Hopper et du travail sur la lumière du célèbre chef opérateur Vilmoz Zsigmond.
Le film en lui-même est important sur plusieurs aspects : dans ce Truman Show avec un chien, on relève toutes les caractéristiques qui font de Byron Howard un véritable auteur Disney : un personnage ayant une vision fantasmée, biaisée de la réalité, et qui va se prendre la réalité en pleine gueule; un personnage cynique auquel la vie n’a pas fait de cadeau; un intérêt manifeste pour les personnages féminins forts et tentant de rester digne malgré les épreuves; un goût certain pour le buddy movie… Et nous pourrions continuer longtemps à relever lesdites caractéristiques de son oeuvre globale, déjà présente dans Volt. Mais cela ennuirait le lecteur, qui a réussi à arriver jusque là et qui voudrait bien que ce dossier avance. Eh bien continuons !
L’autre aspect important de Volt est, à nos yeux, sa complexité, toute relative certes, eu égard au fait que ce soit un film Disney : qu’est-ce qui est faux ? Qu’est-ce qui est réelle ? Là est tout le principe de la mise en abyme, peu accessible pour les gamins. C’est ce qui peut être avancé pour expliquer l’échec relatif du film: les enfants, exactement comme le chien Volt, n’arrivaient pas, ou alors avec difficulté, à démêler le vrai du faux dans la diégèse du film. Ce qui fait de Volt un cas particulièrement intéressant dans le cas d’une analyse de la réception filmique.
Autre point important : son histoire, ses personnages. Pour la première fois depuis, disons, Lilo et Stitch, Volt décide de se concentrer sur une histoire simple sans être simpliste, avec des personnages n’étant pas réduits à des archétypes comiques sans relief, en décidant de ne pas chercher le gag pour le gag, comme c’était le cas auparavant, bref, à se concentrer sur le coeur émotionnel du film, à savoir la relation de Volt avec la réalité, et les conséquences de cette relation sur lui-même et sur son rapport avec les autres personnages, en premier lieu Mitaine, la chatte contrainte bon an mal an de le suivre. Le récit est alerte, riche en péripéties et en gags en tout genre, mais jamais le coeur émotionnel n’est laissé à l’abandon. Jamais l’émotion, les personnages ne sont délaissés. Cet aspect culmine lors d’une séquence en particulier : le moment où le personnage de Mitaine fend l’armure pour la première fois du film. Ce moment frappe par sa délicatesse, son sens du cadrage, sa musique (pour une fois en accord total avec l’image, ce qui n’était pas du tout le cas dans le reste du film), en un mot comme en cent : sa mise en scène. Peut-être que les auteurs de ces lignes ne sont que des babtous fragiles, mais ils ont été (et ils restent encore aujourd’hui) frappés par l’émotion se dégageant de cette scène, émotion qu’ils n’avaient plus ressenti devant un film Disney depuis trop longtemps.
C’est ce qui fait de Volt un film important pour Disney Animations : il annonce toutes les intentions futures de Lasseter pour les prochains films, à savoir un retour vers les personnages, l’histoire, la manière de la raconter, et surtout, un retour vers l’émotion et le coeur émotionnel de l’histoire.
Cette confirmation se fait l’année suivante avec la sortie de La Princesse et la Grenouille, qui marque un double retour: celui de l’animation 2D et surtout celui de Ron Clements et John Musker. Ces deux réalisateurs phares de Disney Animation (on leur doit Aladdin, La Petite Sirène ou encore Hercule) avaient quitté le studio en 2005, après le bide commercial de leur ambitieux et trop visionnaire La Planète aux Trésors. Vers la fin des années 80, ces deux cinéastes ont réussi à faire souffler un vent d’originalité chez Disney Animation et ce malgré des relations plus que compliquées avec le boss de l’époque Jeffrey Katzenberg. Lasseter les rappelle pour écrire et réaliser l’un des Disney Animation les plus proressistes à ce jour (en effet, les protagonistes sont tous afro-américains). Le film est un concentré de ce qui fait le sel des oeuvres de Clements et Musker: des numéros musicaux over the top, une énergie visuelle assez dingue et un véritable sens du storytelling.
Disney Animation continue son rythme d’une sortie par an et sort en 2010 Raiponce réalisé par Nathan Greno (superviseur animation sur Volt) et Byron Howard. S’inspirant du conte des frères Grimm et se basant sur les travaux préparés par le légendaire animateur Glen Keane (on lui doit entre autre l’animation d’Ariel, de Tarzan, de Pocahontas ou encore de la Bête), le film eut une production compliquée. Glen Keane travaillait sur le projet depuis 2000 et de multiples scénarios furent écrits. Keane devait le réaliser mais à cause d’une crise cardiaque, il décida de quitter le projet. Il fut annoncé en 2008 que Greno et Howard prennaient les rênes du projet. D’un point de vue technique, le film est une combinaison entre de l’animation par ordinateur et de l’animation traditionnelle, le souhait de Keane étant de s’inspirer des peintures du Rococo. Il reste le film d’animation le plus cher de l’histoire du cinéma (260M de budget). Malgré le fait que Raiponce ne soit pas le bébé de Byron Howard, on peut reconnaître que celui-ci réussit à insuffler sa patte dans le projet, notamment dans la relation Raiponce-Flynn et dans l’optimisme béat de Raiponce. De plus, sa mise en scène gagne en ampleur, Howard embrasant l’aspect comédie musicale du film.
En 2011, le nouveau Disney Animation est un projet plus petit, moins ambitieux que le précédent, Winnie l’ourson, la cinquième adaptation du célèbre ourson. Annoncé en 2009, il est clair que Disney ne croyait pas au projet, le film étant sorti au même moment que Harry Potter et les Reliques de la Mort Partie 2. Le film reste mignon et charmant mais demeure profondément anecdotique.
To be continued.
Tony & Jordan Bonnet.