À vivre couché, un délire de Pauline Hillier
À vivre couché est le premier roman de la jeune Pauline Hillier, paru le 8 octobre chez Onlit éditions. Cette maison d’édition belge se consacre à la littérature contemporaine et à sa diffusion en lien avec les nouvelles technologies. Dans le cadre de ses études, Pauline Hillier a débuté par l’écriture et la mise en scène pour le théâtre. Ce n’est qu’ensuite qu’elle attaque la fiction, en parallèle de son action politique dans le mouvement FEMEN, ce pourquoi elle a été emprisonnée en Tunisie en 2013. On la compare carrément à Virginie Despentes pour ce « cri magnifique d’une jeune femme éprise de liberté ».
À vivre couché
part du postulat trop bien connu selon lequel il est difficile de se montrer tel que l’on est, puis d’être compris par les autres. Par exemple quand, comme l’héroïne d’À vivre couché, on se rend à une soirée en se demandant si on n’y a pas été convié par erreur… Et quand vient le « et toi, tu fais quoi ? », que répondre ? Donner l’intitulé de son job ? Parler de ses passions dans la vie ? Comment le faire ? Et comment ce discours sera-t-il perçu ?
Pour contrer ces doutes, la narratrice d’À vivre couché choisit de répondre à cette question en racontant sa vie et sa fiction, un savant mélange des deux, qui va s’étendre sur tout le livre. Farfelu, À vivre couché l’est assurément. Trop farfelu ? Sans doute. Après avoir adhéré ô combien au postulat de Pauline Hillier, on se retrouve catapulté dans les univers parallèles dans lesquels l’héroïne fait des siennes. Biarritz, Mexico, les Pyrénées, Las Vegas… Chaque chapitre se passe dans un endroit différent avec des personnages secondaires différents. Ces chapitres pourraient chacun être une nouvelle à part entière, en ce que l’héroïne d’À vivre couché n’a pas de personnalité fixe, pas de physique, pas de but dans la vie autre que d’aller où le vent la mène. Elle est une et elle est multiple, comme elle l’explique merveilleusement bien à la fin du roman, passage que j’ai trouvé très réussi et que j’ai relu plusieurs fois pour m’en imprégner.
« Mais comment auraient-ils pu comprendre que j’étais mille en dedans. Que j’avais mille visages. Que j’étais passionnée et courageuse, rebelle et inconsciente, légère et subversive, mégalo et exhibo, menteuse et amoureuse. […] Que j’avais porté toutes les capes et tous les masques. […] Que j’avançais dans tous les sens, sans réfléchir et sans me retourner. Que j’étais cette effusion, cette multitude à l’intérieur. Que j’étais mon livre et ma fiction. »
Cet élément central du livre – le côté unique et multiple du personnage principal – nous empêche toute identification. À vivre couché n’est que délire et tribulations. Alors que c’est l’un des choix les plus significatifs de Pauline Hillier pour son roman, c’est précisément ce qui m’a gênée.
L’auteure fait tout de même preuve d’un style extrêmement bien maîtrisé. Certains passages sont franchement drôles. C’est pour ce style et ce choix « scénaristique » culotté qu’À vivre couché est tout de même un roman à découvrir, pour les lecteurs qui n’ont pas peur de se sentir perdus dans le fil d’un récit, qui n’ont pas peur de lire un roman comme ils liraient des nouvelles, qui ont envie d’être surpris et transbahutés dans une histoire sans queue ni tête. Je reviens tout de même sur mon propos du début : sans queue ni tête, À vivre couché reste quand même un roman à portée sociale (et psychologique) dans le sens où cette sensation d’être incompris par les autres, et souvent par soi-même aussi, devient franchement universel, ou en tout cas nous parle, à nous. Vous m’avez comprise.