2 Automnes 3 Hivers : plans et séquences
La comédie française indépendante est un sous-genre assez fragile en France. C’est donc avec une certaine audace que Sébastien Betbeder s’attaque à faire une comédie romantique plus expérimentale avec « 2 Automnes 3 Hivers » en jouant avec la structure et les attentes d’un public. Les résultats sont malheureusement peu probants.
A 33 ans, Arnan (Vincent Macaigne) a décidé de transfigurer sa vie. En faisant du jogging, il rencontre Amélie (Maud Wyler) par hasard. Un deuxième hasard, plus malencontreux celui-là, l’enverra à l’hôpital, mais commencera leur relation. En parallèle, Benjamin (Bastien Bouillon) a un accident grave, mais qui va également bouleverser sa vie… en la personne de Katia (Audrey Bastien). Tous les ingrédients sont réunis pour des scènes où les allers-retours se font entre proches, entre amis, etc.
Là où la forme change c’est que le film est découpé en une vingtaine d’ « épisodes » suivant la vie d’Arman et de ses amis. Les banc-titres égrènent le film presque toutes les 5 minutes, mais rien ne semble gâcher les séquences du film, d’autant plus que le personnage d’Arman est bien campé sous les traits d’un Vincent Macaigne qui sait se faire tantôt gauche, tantôt attachant.
Puis les monologues et voix-off prennent de la place. De plus en plus de place. Au bout d’une demi-heure, Arman et Amélie prennent la parole pour nous raconter la suite de l’histoire et combler les trous, sur fond de décors flous plus ou moins anonymes. Manque de budget? Non, choix assumé de son auteur. Et très vite, ils nous racontent tout : leurs pensées intérieures, leurs anecdotes, au point que les séquences de conversations entre personnages, ou « respirations » du film sont absolument mises en second plan. Betbeder bascule ainsi du mauvais côté de l’expérimentation : une troupe d’acteurs déclamant son texte à la salle, texte d’ailleurs très prolixe, et l’attachement à l’embryon d’histoire laisse place à la frustration et à l’ennui. Au point où l’on se dit que toutes ces anecdotes, si marrantes sur le papier, auraient dû être visibles à l’écran.
« 2 Automnes 3 Hivers » n’a de film que le nom : ses choix formels auraient pu en faire une websérie, voire une shortcom limitée en une vingtaine d’épisodes. Betbeder a recours à un ancrage chronologique dans la France de 2009-2010 très astucieux : les références à l’actualité (les mineurs chiliens ont une place de choix dans le film) ou encore aux sorties ciné de l’époque vont bien au-delà du méta. On a ainsi l’impression de se faire raconter des histoires par des connaissances de connaissances, mais ces histoires n’ont pas forcément de chute satisfaisante. De plus, dans ses expérimentations sans filet, l’interprétation pèche : certains, comme Bastien Bouillon, ont du mal à suivre. Et quelques scènes comme une ancienne connaissance devenue lesbienne après avoir rompu avec Benjamin n’ont pas du tout d’intérêt, à part essayer d’alléger un récit qui reste assez brouillon malgré sa structure rigide.