Un sac de billes, au pays de Joseph Joffo
Un sac de billes de Joseph Joffo est adapté au cinéma pour la première fois depuis 1975 par Christian Duguay, réalisateur de Coco Chanel et de Jappeloup. Un gros casting digne d’un film français à gros budget : Patrick Bruel, Elsa Zylberstein et Christian Clavier en guest. En salles à partir d’aujourd’hui.
Un sac de billes
raconte donc l’histoire vraie de Joseph Joffo, dont la famille juive fut menacée d’être déportée lors de la Seconde Guerre Mondiale. Pour ne pas risquer d’être emmenés, ils doivent quitter le Paris de l’Occupation pour se rendre en zone libre. Pour ne pas risquer d’être repérés, ils doivent se séparer. Les deux plus jeunes frères, Joseph et Maurice, partent de leur côté. Entre train et voiture, ils parviennent jusqu’à Nice. Y retrouveront-ils leur famille ?
La première chose qui gêne dans l’adaptation de Duguay, c’est le scénario manichéen. J’admets ne pas suffisamment me souvenir du livre Joffo pour vous dire s’il relate les faits sur le même ton. Les plus littéraires d’entre vous me viendront en aide. Chaque rencontre sur la route des deux frères sont autant d’épisodes où ange et démon s’affrontent. Et les anges sont très angéliques, les démons très démoniaques. Le prêtre vs le soldat allemand. Le médecin vs le général allemand, etc. Mais, me direz-vous, dans les yeux d’un enfant, n’est-ce pas toujours ainsi ?
On s’étonne aussi de la réalisation, si léchée, un peu trop propre pour coller à l’histoire. Elle contraste avec des effets de décor peu réalistes, qui rendent difficiles la projection dans l’époque. Le Paris occupé semble irréel… Certains plans sont néanmoins vraiment beaux. Trop ?
Bien sûr, Un sac de billes émeut. Évidemment. Comment ne pas être ému devant un tel récit, vrai qui plus est. On souffre pour cette famille, et pour toutes les autres. Mais si d’aventure vous ne saviez pas quand ressentir de l’émotion, le film fera tout pour vous l’expliquer. Les moments d’émotion, de pause humoristique, de pause bucolique, tout est parfaitement minuté. Suivez le rythme et la bande son, et vous saurez quand verser votre petite larme. Aucune chance de vous tromper de timing !
Du point de vue du casting, la performance du jeune Dorian Le Clech est à souligner. Naturel, touchant et crédible, il est tout simplement parfait. Pour ma part, je dois avouer que j’apprécie beaucoup Patrick Bruel en tant qu’acteur (Le Prénom, Un secret…). Je le trouve toujours dans le ton, très droit et intense dans son jeu. La scène de la claque qu’il donne à son fils pour l’endurcir avant qu’il ne s’enfuie avec son frère à l’autre bout du pays, est sans doute la meilleure du film. J’ai également été agréablement surprise par Kev Adams (et pourtant…). Il devrait plus souvent s’essayer au drame, ça ne lui va pas mal du tout !
On accroche par contre très moyennement au personnage du docteur Rosen, interprété par Christian Clavier en mode guest star. Son jeu est symptomatique de l’esprit du film : trop appuyé, trop manichéen, trop peu crédible. On le croirait sorti de tout contexte, et pourtant il est lourd, ce contexte.
Pour moi, l’intérêt principal d’Un sac de billes, et non des moindres, est l’histoire qu’il relate. Une histoire qu’il faut continuer de raconter, inlassablement, pour ne jamais oublier. Sinon, le film va malheureusement se ranger du côté des « gros » films français du type des Choristes et de La Guerre des boutons. Des films qui nous supplient de les hisser au rang de classiques.