On a terminé

The Defenders : des poings c’est tout

Tout le monde l’attendait depuis son annonce : le mash-up des différentes séries Marvel sur Netflix a enfin eu lieu. Jessica Jones, Luke Cage, Daredevil et Iron Fist se retrouvent dans New York pour former les Defenders, contre la menace de la sempiternelle Main…

ATTENTION SPOILER SUR TOUT MARVEL/NETFLIX, EN INDIVIDUEL ET POUR DEFENDERS. LECTURE A VOS RISQUES ET PERILS.

Avant de décortiquer spécifiquement les Defenders, revenons un instant sur Iron Fist, puisque c’est de là que tout part. La série fut la plus grande déception parmi les 5 saisons (dont deux saisons de Daredevil) que nous avons eues : faible, elle n’est ni sauvée par son scénario plat qui convoque les mêmes ennemis et écueils déjà-vus, ni par ses personnages au mieux frustrants, au pire agaçants, s’étirant sur 13 épisodes, un nombre bien trop grand pour l’étroitesse de la narration. Mais à l’instar de Civil War au cinéma, Marvel a fait d’Iron Fist la plaque tournante pour mener à la rencontre des différents super-protagonistes. On apprend ainsi que The Defenders se déroule juste après les événements d’Iron Fist : la Main a ainsi été réintroduite dans celle-ci, avant que The Defenders n’étende la menace à tout New York et donc ne concerne aussi les autres personnages. Néanmoins, comme Civil War, The Defenders souffre de ce boulet au pied qu’est Iron Fist (ce qui est d’autant plus frustrant qu’Iron Fist a déçu et les autres plu), dont le personnage principal polarise l’attention de la même manière que dans ses propres aventures individuelles. Adieu, donc, la possibilité de caractériser The Defenders comme le Avengers TV : Danny Rand (pénible Finn Jones, pas aidé par son script, il est vrai) attirera forcément les regards.

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Marvel’s The Defenders

Mais de manière plus globale, les scénaristes sont loin de s’être foulés. Ramener une nouvelle fois la Main (pour la troisième fois après Daredevil et Iron Fist), et lui donner un coup de lustre du fait de l’introduction, notamment, du personnage d’Alexandra (splendide Sigourney Weaver, néanmoins sous-exploitée), dans une réunion des 5 doigts (tous immortels par-dessus le marché) qui la composent, c’était la solution la plus facile, et ils n’y ont pas rechigné. Ajoutez à cela un Iron Fist en enjeu principal car le plus « mystique » des Defenders et donc une nécessité de stopper l’organisation, et vous aurez un scénario qui, malgré seulement 8 épisodes, s’étire bien trop pour ne rien dire. Ce qui est dommage, les moyens de Marvel/Netflix pour effectuer un tel mash-up pouvant clairement faire aspirer à plus. Pire encore : la série fait du neuf, ou presque, avec du vieux, puisqu’Alexandra est tuée deux épisodes avant la fin, sans jamais avoir montré toute l’étendue de ses pouvoirs (comme Cottonmouth dans Luke Cage), par une Elektra certes perturbée mais que la soif de personnalité a rendue plus redoutable. Et qu’est-ce qui est fait pour la contrer ? Un Daredevil en quête de l’humanité de son ex-petite amie, jusqu’à se sacrifier en la tenant dans ses bras, presque comme dans la saison 2 du héros éponyme.

En somme, on a l’impression de tourner en rond dans un même univers (seuls Luke Cage et Jessica Jones, avec leurs propres soucis, découvrent), à grand renfort de clichés, alors même que d’un quartier à l’autre, ce sont différents groupes qui sont en contrôle. Pourquoi ne pas avoir reconduit le duo Mariah/Shades, ultra-évoqué comme duo dangereux mais jamais montré ? Pourquoi ne pas avoir introduit un autre ennemi également ? Dans la mesure où cet univers TV prend des libertés avec les comics pour construire sa propre mythologie (rappelons que les Defenders originaux ne sont pas notre quatuor), il aurait clairement pu relancer quelque chose pour faire passer ledit univers dans une phase supérieure. Au lieu de cela, il s’est contenté d’un statu quo forcément frustrant, que la vraie/fausse mort prévisible de Daredevil (et peut-être d’Elektra ?), écueil marvellien par excellence (coucou Quicksilver) ne vient pas franchement atténuer. Il est désespérant de voir la série se perdre dans des circonvolutions inutiles (le quatuor est véritablement réuni en fin d’épisode 4 sur 8 !) et réutiliser une formule éculée (tuer le méchant avant la fin, comme dans Luke Cage et Iron Fist, avec plus ou moins de succès). Consolation : d’ici à la deuxième saison, tout devrait avoir un peu bougé, même si Madame Gao, seul personnage (au demeurant fascinant) des 5 doigts de la Main à survivre, pourrait revenir dans le futur.

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In fine, The Defenders est intéressant par la puissance de son langage inutile, pour reprendre Roland Barthes : à jouer avec les différentes pièces complexes du puzzle que sont les quartiers de New York, faisant et défaisant les associations, réunissant les personnages principaux comme les personnages secondaires, réaffirmant l’attachement des liens entre ces deux factions, la série offre une certaine réjouissance à voir tout ce petit monde, auquel on est (plus ou moins) attaché, réuni sous une même bannière, ce que l’on attend tous en lisant un comics. The Defenders garde la principale qualité du duo Marvel/Netflix de façonner sa légende urbaine, le plus loin possible du strass fantastique des comics (le mot « Defenders » n’est ainsi jamais prononcé).

Là où au cinéma, malgré leurs préoccupations terrestres, les héros doivent tout donner pour contrer des menaces d’une autre dimension et dépassant toute logique terre à terre, à la TV, les Defenders ont un attachement solide à cette logique, point d’ancrage de leur (anti)-héroïsme, qui les rend encore plus concernés, et nous rend tout aussi concernés. Une des scènes à retenir de The Defenders est celle où tous les héros reviennent retrouver leurs proches au commissariat : tandis que Luke retrouve Claire, Jessica retrouve Malcolm, et Danny arrive avec Colleen, Foggy et Karen ne voient pas revenir Matt et s’effondrent devant la réalité des faits. Et cela, même si l’on sait pertinemment que Daredevil reviendra, nous touche tout autant dans la mesure où Marvel/Netflix nous a habitués à faire de nous un spectateur empathique à tout ce chaos qui, au-delà du télévisuel, a quelque chose de réel. La preuve en est aussi avec Misty, qui perd un bras en sauvant Claire d’une mort certaine : passé la référence aux comics, c’est bien, symboliquement, le spectateur qui s’est rendu compte que peu de choses (une expérience, un accident, une rencontre : chaque héros est loin de la SF colportée par les Avengers) le sépare de ce quatuor, qui est intervenu. Les scènes de combat sont assez impressionnantes, et donnent une occasion solide de voir tout le monde vraiment à l’oeuvre au sein d’un collectif après avoir fait leurs preuves au niveau individuel. Et ce sont bien les personnages qui portent la série à bout de bras (qu’il est bon, ainsi, de retrouver la gouaille de Jessica Jones !) Chose qui passe encore de justesse pour le moment, mais qui ne pourra plus passer à l’avenir. C’est comme un fast-food : plus on en mange, plus on déteste ; la capacité de Marvel/Netflix à devenir la caricature d’elle-même est à deux doigts de nous éloigner pour de bon d’un modèle de binge-watching forcément indigeste.

The Defenders est disponible sur Netflix depuis le 18 août.

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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