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The Brink : Y a-t-il un politique pour sauver l’humanité ?

The Brink est la série de satire politique de l’été, une nouvelle production HBO au casting plutôt reluisant : Jack Black, Tim Robbins, Aasif Mandvi, et l’apparition de Michelle Gomez. Alors, ça fait le job ?

Une fois de plus, les Etats-Unis font étalage de toute leur maladresse géopolitique. Et où mieux pour une série satirique que le Moyen-Orient, plus particulièrement le Pakistan ? Alex Talbot, un petit fonctionnaire tocard pas habitué aux coutumes locales, y officie à l’ambassade des Etats-Unis. En parallèle, Walter Larson, le ministre des Affaires Etrangères le plus actif de l’histoire, est aussi un grand chaud lapin, puisque du haut de sa cinquantaine bien tassée il s’envoie en l’air avec la première minette venue, au vu et au su de tous, de sa femme comme de son assistante personnelle. Mais c’est aussi un redoutable bougre, négociateur hors pair, et qui en terme de politique sait y faire. Comment ces deux-là vont se retrouver en contact pour sauver le monde d’une Troisième Guerre Mondiale avec le Moyen-Orient, voilà le sujet.

ATTENTION, SPOILER SUR TOUTE LA SAISON. LA LECTURE DE CET ARTICLE SE FAIT A VOS RISQUES ET PÉRILS.

©HBO
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Encore une série one-shot pour HBO, qui après Ballers n’élève que peu le niveau. Dans cette comédie noire en dix épisodes où l’Amérique se moque toujours mieux d’elle-même, le propos joue les montagnes russes, avec trois niveaux d’appréciation qui finissent par se rencontrer sur les trois derniers épisodes. Au bas de l’échelle, on a l’intrigue Zeke-l’homme-qui-avait-deux-femmes-et-deux-enfants-de-chaque/Jammer-le-junkie (les sosies officiels de Matthew McConaughey et Woody Harrelson, le talent en moins) qui est au mieux ennuyante, au pire profondément agaçante et surtout très lassante par sa vulgarité niveau gros beauf, une sorte de Laurel et Hardy version 2015 dont on a du mal à juger de l’intérêt tant le subterfuge est gros : deux aviateurs dealers à qui on ne confierait jamais un coucou détruisent un drone, qui finit par être l’objet d’un imbroglio politique, mais un imbroglio qui se fond tellement dans la masse de what the fuck de la série qu’il est aussi vite oublié ! Le reste est d’un affligeant… La série leur offre des aventures un peu rocambolesque pour forcer sa nature, mais on perd vite le sourire quand on voit qu’ils sont juste envoyés chez une réinterprétation moderne du mythe de Circé (qui serait cette pauvre Michelle Gomez, excellent Maître dans Doctor Who mais qui fait un rôle incompréhensible de nullité) pour ensuite les raccorder grossièrement à l’intrigue principale au travers de quelques vannes scabreuses. Une sévère balle dans le pied de la série… Point positif toutefois : les scènes en immersion dans un avion de chasse sont saisissantes.

On a ensuite l’intrigue d’Alex Talbot/Rafiq Massoud, qui est synonyme d’aléatoire appréciatif le plus complet, à l’image du jeu de Jack Black qui tel son personnage joue sur toutes les cordes avec plus ou moins de réussite. Acteur de talent certain, habitué des productions comiques à l’humour un peu rhinocéros (voir L’amour extra-large des Frères Farrelly), Jack Black brille par intermittence, grâce notamment à son amitié de longue date avec Tim Robbins (même troupe de théâtre) qui se retrouve dans les séquences communes, mais se cantonne sinon d’un rôle classique de petit lourdaud maladroit, antihéros par excellence en quête de reconnaissance collective et individuelle, à qui Aasif Mandvi donne la plupart du temps la réplique pour que, quel que soit le ton, engueulade ou compliment, Black soit un peu magnifié. On sourit parfois, on fait la moue également devant quelques vannes sur-usées (la drague compulsive de la très belle soeur de ton ami/chauffeur, c’est gentil cinq minutes, mais après…), devant quelques longueurs et redites (la parlotte un peu cul entre deux chaises et surtout pas crédible avec Zaman pour le convaincre de retirer sa menace nucléaire) mais il faut mettre au crédit de la série de savoir faire évoluer son personnage dans ce monde où il est difficile de savoir ce qui est le plus grave pour Alex Talbot : la castration personnelle ou bien professionnelle (aime-toi et les autres ne t’aimeront pas, cf les scènes avec la famille de Rafiq) dans un monde où ce sera à qui dégainera sa grosse artillerie le premier. Pas très subtil, mais on n’est pas là pour ça, et puis ça ne mange pas de pain. Son évolution dans la saison 2 (qu’est-ce donc que ce final complètement invraisemblable, d’ailleurs, où un missile nucléaire survit à une explosion d’avion et finit indemne en Erythrée ?) sera intéressante.

©HBO
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Enfin, l’intrigue politique totalement jetée mettant en scène Walter Larson (brillant Tim Robbins) est la plus intéressante à suivre. Déjà, le postulat de base : comment être ministre et avoir la plus grosse libido qui soit ? Réponse : être membre du gouvernement américain et profiter des voyages pour étendre sa palette érotique. Walter Larson est un personnage qui assume totalement son décalage absolu, puisque c’est toujours au moment où on ne l’attend pas qu’il vous saisit par les couilles pour montrer que c’est lui le patron, aimant avoir le contrôle sur ses affaires et n’hésitant pas à affronter la mort pour se le prouver (ce qu’il fait à plusieurs reprises, entre les fantasmes d’asphyxie auto-érotique et une opération médicale). Point noir : toutes les affaires autour de sa femme, personnage lui-même sans intérêt, sont si insipides… Sans être House of Cards, la série manie habilement le tragi-comique (ou quand l’on négocie au bord de la piscine avec le Premier Ministre israëlien en slip) dans les scènes purement politiques, avec des séquences rythmées enchaînant punchlines, coups de poings, et négociations tendues, notamment dans la représentation vraiment réussie de l’administration gouvernementale américaine célèbre pour ses quelques bavures géostratégiques. On a dans The Brink des passages de satire qui font très explicitement référence aux guerres en Irak et en Afghanistan, dénoncées comme guerres idéologiques et orgueilleuses où l’Amérique met les pieds dans le plat sans se soucier de qui elle écrase sur son chemin. Walter Larson est le porte-étendard des hommes réagissant pulsionellement, passionnément, mais qui sont investis à 100% dans leur sujet et qui généralement sont ceux qui ont raison face à ceux tels que le ministre Pierce (caricature un peu bushienne de cette administration guerroyante) qui font la guerre à la première occasion. Et Dieu sait que ces gars comme Walter, ils en ont des grosses, dans tous les sens du terme, la traductrice de Walter le confirmera. La série assume complètement le fictionnel, dans lequel le chaos peut prêter à confusion, à rire, à pleurer, et où les conséquences sont dramatiques pour des hommes qui réagissent dans tout leur orgueil et leur fierté blessés.

Sans être la série de l’année, et malgré ayant certains défauts gênants, The Brink reste une comédie américaine sympatoche, à regarder pour se vider l’esprit.

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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