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The Big Bang Theory : mes parents et moi

The Big Bang Theory est reparti pour une dixième saison ! Quasiment 9 ans jour pour jour après ses débuts, l’égérie de la CBS remet le couvert pour toujours plus de ramdam scientifico-émotionnel, et Dieu sait que ce season premiere en fut une illustration.

ATTENTION SPOILER TRANSITIONNEL SUR LA FIN DE SAISON 9 DE THE BIG BANG THEORY. LECTURE A VOS RISQUES ET PÉRILS.

Rappelons qu’à la fin de la précédente saison, Penny et Leonard refaisaient leur mariage afin de l’avoir également accompli avec leurs familles respectives. Ce qui avait donné un malaise général avec les retrouvailles glaciales d’Alfred et Beverly Hofstdtater, impression confirmée quand Alfred finit la soirée avec Mary Cooper, la mère de Sheldon, laissant place aux plus folles spéculations. Et du côté d’Howard, Raj et Bernadette, ce n’est pas franchement mieux puisque Howard se croit observé de partout par la NSA. Le season premiere démarre donc exactement là où il nous avait laissé : dans la gêne absolue.

Et les scénaristes s’en sont donnés absolument à coeur joie ! Tout l’épisode n’est que défoncement de murs, relâchement affectif, expression de craintes, crises de panique, les névroses des personnages fonctionnant à plein régime tant elles sont bouleversées par la gêne, la maladresse, et surtout le malaise latent autour du mariage de Penny. Et le pire (ou le plus drôle, c’est selon), c’est que cela ne concerne pas du tout le mariage de Penny et Leonard ! On n’a pas, par exemple, un Sheldon qui comme il y a plusieurs épisodes maintenant, négocierait pour conserver Leonard dans son appartement, déterminé à faire garde partagée avec Penny, car au contraire, Sheldon semble l’avoir assimilé, en témoigne son étreinte avec les deux jeunes mariés, suivant son petit discours improvisé sur son attachement à ces deux-ci. C’est un écueil classique mais somme toute efficace de ce que l’Amérique propose dans sa représentation du mariage dans les comédies, que ce soit Mafia Blues avec le mafioso qui interrompt le « second » mariage du Dr Sobel à la fin, ou Very Bad Trip 2 qui met le mariage de Stu en suspens le temps d’un black out : les mariages ne se passent jamais bien dans les comédies américaines.

©CBS
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Bien souvent, les deux futurs mariés sont concernés, mais jamais directement (Stu est entraîné dans un nouveau bad trip, et le Dr Sobel embarqué malgré lui dans les galères de Paul Vitti, sans compter l’exaspération de sa future femme), ce qui rend la situation bordélique. The Big Bang Theory n’y déroge pas : profitant de son statut de série, elle a laissé planer le malaise pendant quelques mois, entre la fin de saison 9 et le début de saison 10, pour pleinement jouer sur l’effet de surprise et le comique de situation en débutant son nouveau chapitre. C’est, plus encore, un schéma qui peut se voir à long terme, considérant la différence sociale de Penny et Leonard, le fait que leurs familles soient radicalement différentes, et, surtout, le fait que ces deux-là se soient cherchés pendant des années avant d’enfin concrétiser leur attirance mutuelle. C’est donc logiquement et naturellement que ce mariage se fait sur le fil du rasoir, faisant bouillonner les personnages, et les scénaristes ne se le sont pas fait répéter deux fois. D’où, dès lors, des punchlines douteuses, réactions épidermiques, et craquages face à toute la pression que ce mariage, bien malgré lui, cause. Et ca marche, car ce season premiere de The Big Bang Theory est hilarant, et chaque réplique des personnages fait mouche : l’attitude d’enfant-adulte de Sheldon, l’embarras de Leonard, les tendances tyranniques de Bernadette, l’animosité des ex-époux Hofstdtater… Seule, à l’écart car vraiment coupée du reste, la situation de Raj et Howard, partis dans leur trip délirant sur la surveillance de masse américaine (très drôle mais pour l’instant trop isolée), ne participe pas complètement de ce festival névrotique de mariés.

©CBS
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Du fait, dans The Big Bang Theory, du vieillissement des personnages (et par ricochet des acteurs, Kaley Cuoco par exemple n’avait que 21 ans au début de la série), on pourrait presque dire que ce season premiere a quelque chose d’un sketch sur la vie adulte, de prendre ses responsabilités par rapport à l’avancée dans la vie, et sur le fait d’être parents (et grands-parents) : on a d’un côté les parents de Leonard qui ont démissionné de leur rôle (et pour cause, Alfred semble reluquer Mary), et de l’autre, ceux de Penny qui font tout pour être une famille normale malgré la peine de prison du fils ; et, entre les deux, Mary qui s’est donnée à Dieu et Sheldon qui s’est donnée à sa difficulté de passer à l’âge adulte. Le mariage de Penny et Leonard semble être une projection classique, pour les parents, de la grande angoisse de la réussite familiale, à laquelle chacun réagit différemment. Les scénaristes ont pris à bras le corps ce quasi-topos du mariage : car de tout l’épisode, Penny et Leonard, tout de même les principaux concernés, n’ont de cesse de vouloir détendre cette atmosphère tendue, mettant leur bonne volonté au service de ce comique de situation où personne ne comprend personne, chacun projetant ses névroses personnelles à la face des autres. Cela donne un épisode qui, jusqu’à l’achèvement d’un mariage qui, malgré quelques soubresauts supplémentaires, réunit tous les membres de cette immense famille, n’a de cesse de faire cahoter ses personnages avec ce grand passage obligé de la vie.

Un season premiere donc très efficace, punchy, drôle, et dont on espère une suite du même niveau !

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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