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The Big Bang Theory : rengaine

La saison 9 de The Big Bang Theory s’est achevée hier soir aux Etats-Unis. Déjà renouvelée pour une saison 10, la série est une des valeurs sûres de CBS en termes d’audience malgré quelques accrocs cette année, signe d’un petit essoufflement que cette saison peine à cacher.

ATTENTION, SPOILER SUR TOUTE LA SAISON ET POSSIBLEMENT THE BIG BANG THEORY EN INTÉGRALITÉ. LA LECTURE DE CET ARTICLE SE FAIT A VOS RISQUES ET PÉRILS.

Rappelez-vous : à la fin de la saison 8, Leonard et Penny filaient à l’anglaise pour Vegas et se marier dans le temple des néons américains. Cependant, sur le chemin de cette idylle parfaite, un obstacle de taille : Leonard avoue une infidélité à Penny, en qui pousse alors le germe du doute et de la frustration. Dans le même temps, Amy, excédée par les atermoiements de Sheldon, décidait de faire une pause dans sa relation avec lui, au grand dam de celui-ci qui avait aussi prévu de la demander en mariage. Enfin, Raj prenait la décision de quitter Emily, avant de rapidement se raviser, trop heureux de l’avoir, et Howard et Bernadette ne réussissaient pas à virer Stuart de chez eux.

@CBS
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Et comme toujours dans The Big Bang Theory, il sera surtout plus question des deux premiers groupes nommés que du troisième. Déjà, en coulisses, puisque Johnny Galecki, Kaley Cuoco, et Jim Parsons sont bien mieux payés que leurs congénères. Et puis surtout, depuis le mariage de Howard, qui semble avoir rendu celui-ci relativement consensuel du fait de son mariage. Le Juif le plus célèbre du network a un rôle qui a toujours été plus secondaire, tandis que Raj est toujours empêtré dans ses affaires de coeur et vient pour appuyer une ou deux punchlines. Cette saison, les scénaristes ont bien tenté de les remettre un peu sur le devant de la scène, mais les atermoiements amoureux de Raj restent limités en terme d’intérêt (sauf pour l’épisode de Saint-Valentin dans lequel il s’y donnait vraiment corps et âme, faisant irradier sa personnalité si attachante) ; tandis que l’annonce de la grossesse de Bernadette n’a eu qu’un effet feu de paille, une fois le choc fait et les conséquences rapidement élucidées, et que la création d’un GPS n’a qu’une portée faible. Il n’y a que dans le final, où Howard se croit observé par l’armée américaine (jolie critique grotesque des écoutes), et semble enfin se libérer et récupérer cette espèce de paranoïa nombriliste qui le rendait si drôle. Fatalement, leurs compagnes en souffrent : Emily est quasiment invisible et insignifiante cette saison, à part pour pleurer sur l’épaule d’un Raj qui n’a pas su rompre une bonne fois avec elle ; tandis que Bernadette est elle enfermée dans son rôle de femme enceinte réduisant ses interventions de sa voix aiguë à la portion congrue, situation assumée par les scénaristes quand ils bricolent un « rapprochement amical » avec Sheldon au cours d’une soirée de jeux.

Mais plus encore, excepté sur la fin de saison où le rapport de forces s’est un peu équilibré, la saison 9 de The Big Bang Theory a vu se développer une certaine prévalence de Sheldon, à tel point que le fameux 200e épisode de la série, tant attendu, qui réunissait des personnages d’hier et d’aujourd’hui (dont Leslie Winkle, Barry Kripke…), a été fait autour de Sheldon lui-même, puisqu’il parlait de son anniversaire, ce qui a réduit quelque peu la portée célébratrice de l’événement, pour en faire un épisode juste un peu spécial, avec des invités de prestige qui n’ont eu qu’une intervention chacun (Leslie, justement, si drôle dans les premières saisons, et qui revient pour dire « ça fait longtemps les gars ! »), mais qui finalement concerne LE personnage emblématique de la série. Beaucoup d’épisodes, autrement, concernaient les névroses et autres coups tordus de Sheldon, entre son côté entasseur compulsif qu’il révèle à Amy, l’arrivée de sa grand-mère, le fait que quand le gang se met à l’escrime, Kripke, l’ennemi de Sheldon, soit le professeur, l’incapacité de celui-ci à se faire au départ de Leonard, le film du fils de Leonard Nimoy, acteur favori de Sheldon, sans compter bien sûr la remise à niveau de sa relation avec Amy. Si cela a d’ailleurs contribué à bien plus forger un caractère à celle-ci, qui est passée du statut de simple jouet des élucubrations de son petit ami à celui de femme forte qui lui dit de se mettre sur son portable plutôt que d’énoncer des évidences, cela a pu se faire au détriment des autres personnages, et on ne peut s’empêcher de penser qu’Amy est très dépendante de son petit ami pour exister, car autrement elle est véritablement en retrait.

@CBS
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Certes, Sheldon est l’un des trois piliers de la série, et son statut a finalement peu évolué selon les standards de la série : il a une petite amie mais n’est pas marié, il est toujours aussi enfantin spirituellement, il fait des caprices, et le seul qui se rapproche de cela est Raj, mais qui n’a pas le même poids que lui. Mais de fait, les auras immenses de Jim Parsons comme de son personnage de Sheldon, associé à l’obligation de valider la confiance de CBS qui avait renouvelé la série pour 3 saisons dès la saison 7, commencent à prendre de plus en plus le pas sur la série, faisant valoir leur importance au point que les autres personnages se définissent beaucoup par rapport à lui. Depuis 10 ans, tous ont bien évolué, sans perdre de vue leur identité geek bonne pâte qui contribue parfois à les mettre dans l’embarras (l’affaire du brevet du GPS, ou même la future paternité d’Howard). De fait, l’arrivée prochaine d’un bébé dans cette grande famille va un peu plus modifier le cours habituel des choses ; mais on sait que quoi qu’il arrive, ce nouveau rapport de forces va continuer de mettre en lumière le plus grand bébé de tous, à savoir Sheldon (même sa mère l’affirme), car il est la locomotive directrice et comique de The Big Bang Theory. En tant que Sheldon active les autres personnages (notamment dans la relation avec Leonard), cet aspect de la série lui permet de rester efficace, mais laisse un goût de frustration sur une série qui n’arrive pas forcément à se détacher de l’importance de son personnage principal, et se voit d’autant plus que le 200e épisode a choisi de se concentrer sur lui.

Rendons à César ce qui lui appartient : dans toute cette affaire, The Big Bang Theory a apporté une nouvelle dimension, pas forcément évidente auparavant, à tous ces personnages, celle du prisme relationnel. Même Sheldon a compris qu’il devait évoluer : et le jeu impressionnant de Jim Parsons, toujours étincelant 10 ans après, fait que l’ambiguïté reste toujours très bien maintenue entre la partie de lui qui devient adulte et celle qui demeure attachée à sa personnalité d’enfant perdu. De fait, Sheldon, quand il extériorise son propre rapport de forces interne, devient très touchant d’authenticité, en témoigne sa manière de récupérer Amy (le tout bien sûr dans une situation héroï-comique savoureuse où Dave, l’amant d’Amy, est là au moment des retrouvailles), ou même de lui « offrir » sa virginité tout en disant le lendemain « je t’ai déjà offert ma virginité, n’en demande pas trop, femme », comme pour illustrer cette dualité. Ce sont ce genre de saillies, peut-être classiques, mais performantes, qui sauvent cette saison de The Big Bang Theory d’une grosse déception. Au dernier épisode, la série semble se retrouver avec l’arrivée notamment du père de Leonard (parfait Judd Hirsch) qui revoit son ex-femme Beverly (la toujours impeccable Christine Baranski), ou encore la relation entre les mères de Leonard et de Sheldon. Mais auparavant, elle tente un tragique assez risqué pour son statut de sitcom comique, qui a fonctionné de manière assez mitigée, cela pendant environ une moitié de saison, jusqu’au retour du couple Shamy, et qui ne fonctionnait que lorsqu’il créait de vraies divisions entre les personnages, en permettant à leurs personnalités un affrontement d’une intensité parallèle à leurs années de déambulations, et donc intéressant dans son extériorisation, comme lors de la soirée Game of Thrones où deux camps s’établissent, rappelant les querelles qui ont émaillé la série, comme quand Howard en avait voulu à Sheldon quelques saisons auparavant.

©CBS
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Cela a laissé un malaise latent et entretenu dans la saison, entre les tensions Sheldon/Amy, les hésitations caractérielles de Penny pas toujours très heureuses (ses doutes après l’aveu de Leonard durent environ 4 épisodes, ce qui est un peu long), tandis que l’on a souvent vu des rebondissements calculés pour sensationnaliser l’épisode (la grossesse de Bernadette, la demande en mariage avortée de Sheldon…). The Big Bang Theory n’est jamais aussi touchante que quand elle laisse les personnalités de ses personnages décider de leurs futurs, aussi farfelues soient-elles comme lors du départ de Stuart qui laisse une drôle d’impression à Bernadette et Howard, lors de l’épisode sur Game of Thrones, ou bien le dilemme de Raj concernant Emily. C’est en cela qu’Howard n’est pas totalement perdu, car s’il perd en comique, son acceptation de sa qualité de père à venir, lui qui a grandi sans, le rendent bouleversant et authentique. De même, Leonard et Penny ne prennent pas une ride ni ne perdent un seul de leurs talents dans leur nouvelle situation maritale, et offrent une figure identificatrice masculine et féminine de très bonne facture, tout en prenant en main leur destin de néo-adultes, au point même de se remarier, pour faire face au monde extérieur incarné par des parents qui dans The Big Bang Theory sont soit des hurluberlus (le père de Penny, le père de Leonard) ou des illuminées (Beverly Hofstdtater par la psychanalyse, Mary Cooper par la religion) jamais très présents. Le plus intéressant sera de voir, désormais, comment ce qui a façonné l’intimité du gang, avec toutes les relations, va affronter ce que le final révèle, à savoir un grotesque absolu voyant une possible union entre le père de Leonard et la mère de Sheldon. Ce qui en ramène une nouvelle fois à l’idée de déséquilibre entre les personnages, puisque Raj, Howard et Bernadette ont leur propre intrigue secondaire.

On ne peut pas reprocher à The Big Bang Theory d’avoir osé ; cela ne lui a parfois pas réussi, mais ses acquis restent suffisamment forts pour offrir une saison encore une fois de qualité. Toutefois, il faudra apporter encore plus pour la saison 10, qui ne sera certainement pas la dernière.

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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