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Netflix France se lance dans le Direct-To-SVOD : mauvaise nouvelle pour les cinés?

Présenté au dernier festival de Deauville, « The Disappearance Of Eleanor Rigby » arrive directement sur Netflix le 1er novembre, précédé par la dramédie « St. Vincent » avec Bill Murray et Melissa MacCarthy. Deux films qui sautent directement la casse salles ou exploitation en DVD française. Bonne nouvelle pour les cinéphiles, mauvaise pour les distributeurs ciné?

On a appris la nouvelle mercredi matin au détour d’un tweet : Netflix a passé un accord avec la Weinstein Company pour mettre à disposition de ses abonnés « St. Vincent » et « The Disappearance Of Eleanor Rigby » directement, et ce….. dès aujourd’hui pour « St. Vincent ». Une annonce qui met les pieds dans le plat à l’heure où beaucoup d’acteurs s’inquiétaient du bon respect de la chronologie des médias (qui veut que Netflix mette des contenus datant de plus de 36 mois).

Dans les faits, les abonnés pourront profiter de ces deux films sans passer par la case salles ou devoir les acheter à VOD à l’acte. « Welcome To New York » était passé en direct-to-VOD il y a quelques mois, bénéficiant par là-même d’une promotion en pub TV au même titre que les DVD. Mais ici, Netflix frappe un grand coup en allant chercher les films avant même une potentielle distribution salles. Le spécialiste de la VOD Pascal Le Chevallier avance que ce « coup » est à relativiser, les faibles recettes obtenues lors de leur sortie américaine « traduisant leur attractivité commerciale ». Mais cette sortie dans plusieurs grandes métropoles est un lieu commun de beaucoup de films dans la course aux Oscars, et peut bénéficier d’un élargissement à un parc plus grand si celui-ci marche. « Birdman » d’Iñarritu est passé par la même case le week-end dernier, et il y a fort à parier que sa sortie française ne sera pas discrète, bien au contraire.

Le fait est que « The Disappearance of Eleanor Rigby » comme « St. Vincent » pouvaient se targuer de stars internationales à leur générique, en la personne de James McAvoy et Jessica Chastain pour l’un (elle qui est venue présenter le film à Deauville en plus d’un hommage en septembre) et de Bill Murray, dont la critique salue la performance et dont la campagne pour une nomination aux Oscars bat son plein. Même si dans les deux cas, ce sont des premiers films, on ne voit pas très bien ce qui aurait pu entacher une carrière française respectable pour ces deux films (on parlait de SND à un moment pour le film). Les véritables raisons de ce « coup » sont plus à chercher du côté des relations entre la Weinstein Company et le géant de la SVOD.

En effet, c’est directement avec eux qu’un accord a été passé pour distribuer « Tigre et Dragon 2 ». Et le four américain retentissant de « Sin City 2 » pousse Weinstein à trouver des nouveaux moyens de rentabiliser les films qu’il acquiert ou produit. Une exploitation salles étant fragilisée par des contreperformances, et les budgets marketing étant réduits. Mais la course est de plus en plus ténue : « Snowpiercer » est finalement sorti aux Etats-Unis en version tronquée après beaucoup de tergiversations, et le film avait Chris Evans, Octavia Spencer et Tilda Swinton, entre autres visages connus à l’affiche. Il y a fort à parier qu’outre « St. Vincent », Harvey Weinstein parie beaucoup plus sur une carrière salles pour « The Imitation Game » et « Big Eyes » de Tim Burton que « Rigby ». « Rigby » qui a été tourné comme deux films séparés « Him » et « Her », mais montré à Cannes, Toronto et Deauville avec un montage commun, « Them ». En France, les trois versions seront mises à disposition sur Netflix, alors qu’il y a fort à parier que seul le montage « Them » aurait bénéficié d’une sortie salles. Maigre consolation pour les cinéphiles, mais détail sympathique quand même.

Bizarrement, dans un récent article de Business Insider, Ned Benson, réalisateur de « The Disappearance of Eleanor Rigby », expliquait qu’il « croyait toujours au modèle de l’exploitation en salles et d’aller au cinéma, même si on vit dans une ère où on peut faire des trucs en ligne et voir des films en streaming via Netflix et la VOD ». Nul doute qu’il sera ravi que son premier film ne soit pas visible en salles.

Signalons aussi que les Weinstein n’ont plus d’accord exclusif pour distribuer leurs films en France (comme TFM il fut un temps) : « Sin City 2 » a été distribué par Metropolitan Filmexport, « New York Melody » par UGC, tandis que plusieurs autres films dont « The Giver » et « Big Eyes » sont distribués par StudioCanal. Des partenariats au cas par cas qui n’incitent pas forcément à prendre des risques sur des premiers films de la part du studio d’Harvey et Bob Weinstein. Si on ne doute pas que le deal passé avec Netflix soit lucratif, la promotion en France risque de passer inaperçue, y compris par les critiques ciné des médias traditionnels, peu enclins à parler de sorties non salles. Si, à moyen terme, ce genre de coups peut faire mentir ceux qui pensent que le catalogue de Netflix est constitué de vieilleries filmiques (comme ses concurrents de SVOD), on n’est pas sûr qu’il touche pour autant le grand public de cette façon. En tout cas, les prospectives commerciales de ces deux titres, elles, sont bien réelles : Pretty Pictures a brièvement exploité « Mademoiselle Julie » en septembre, et la présence de Chastain dans « Interstellar » ne peut qu’accentuer sa présence parmi les stars bankables du moment.

 

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