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Muppets Most Wanted : Mauvais Baisers (Bien Baveux) de Russie

Kermit, Miss Piggy, Animal et le gang sont de retour dans les cinémas américains et britanniques depuis une dizaine de jours pour « Muppets Most Wanted ». Si le film ne sortira pas en salles en France (faute de doublage), une projection a été organisée il y a quelques semaines pour quelques chanceux. SmallThings y était, et fait un rapport complet sur cette suite un peu inférieure mais divertissante au possible.

James Bobin et son compère Nicholas Stoller (scénariste de « Cinq Ans de Réflexion et Sans Sarah », « Rien Ne Va! ») ont choisi de faire de la suite de leurs « Muppets » de 2011 (de retour au cinéma après plus de 10 ans d’absence au cinéma et 3 ans à la télévision) un miroir du « Great Muppet Caper », qui avait également un vol de bijoux pour intrigue principale. Mais ici, l’idée est que Kermit est loin d’enquêter sur ces vols; il est déporté dans un goulag en Russie et confondu avec un criminel machiavélique qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, Constantine. Celui-ci va s’allier avec un manager véreux, Dominic Badguy (Ricky Gervais) et vont mettre sur pied un plan ingénieux de vol par effraction dans plusieurs musées d’Europe pendant des représentations des Muppets. Sam l’aigle et un inspecteur d’Interpol interprété par Ty Burrell de « Modern Family » vont se lancer à leur poursuite…

« Muppets Most Wanted » dit dans sa première chanson que « tout le monde sait que les suites ne sont jamais aussi bonnes ». Les critiques ont retourné cette affirmation contre eux, et il est vrai que l’absence de Jason Segel et Amy Adams se fait souvent sentir, mais les Muppets sont bien au complet, et c’est d’abord LEUR film. Leur arme première c’est d’abord l’humour méta, et de ce point de vue le film est brillant : de l’exploration d’idées pour une suite en chansons aux apparitions gratuites et furtives, le film ne perd jamais en rythme ni en gags à la minute. Il est même poussé plus loin avec une réflexion sur le leadership et le rôle de Kermit en chef de troupe : le côté condescendant de Constantine, traitant les Muppets par-dessus la jambe, fait perdre les spectacles en qualité, idée exploitée à son paroxysme à Madrid, avec des numéros bassement commerciaux et faciles (Piggy chantant « My Heart Will Go On »!). Le film compte aussi sur sa botte secrète : Bret McKenzie, qui a parfaitement su recapturer le style musical des marionnettes de Jim Henson, et s’en donne ici à coeur joie en mariant les sensibilités Muppets à celles de son groupe, les Flight Of The Conchords (Jemaine Clement a rejoint la distribution, encore méconnaissable en prisonnier dur à cuire du goulag). Et si le film démarre assez mollement de ce côté, l’exploration du doo-wop (« The Big House »), du disco-funk (« I’ll Give You What You Want ») et des prisonniers reprenant les Boyz II Men a capella enfonce aisément le premier film. Mais malgré la visite de plusieurs capitales européennes et de gags impliquant l’ensemble des Muppets, le film a un final vraiment en demi-teinte, un peu trop long et ne redoublant pas en humour malgré une des séquences les plus Bondiennes jamais réalisées dans un film des Muppets (tout ça pour dire : c’est tout relatif). Et Ricky Gervais et Tina Fey ont du mal à trouver leur place : chacun a sa grande scène musicale et, dans le cas de Fey, un accent russe à couper au couteau, mais ils s’effacent assez vite au profit de la poursuite de Constantine et de la vie au goulag de Kermit.

Le film a du mal à se construire avec l’ensemble de ses (luxueux) ingrédients, et le cœur émotionnel du film (la relation Kermit/Piggy) a autant de mal à trouver de l’importance tant l’intrigue de l’usurpateur prend de la place pour menacer la liberté des Muppets plus que pour embobiner Piggy. Là où Bobin n’avait aucun mal à jouer sur l’affect et la particularité des Muppets (en grande partie avec Jason Segel, il est vrai), le délire divertissant et le défouloir ultime de cette suite manque un peu de consistance. Ce qui n’excuse en aucun cas le flop relatif du film, malgré une campagne sur les réseaux sociaux et un marketing viral très intelligents, voire carrément brillants. Espérons que cette suite ne soit pas une voie de garage pour l’avenir de la franchise Muppets, qui a définitivement trouvé une équipe créative capable de les respecter et leur assurer une place dans la pop culture actuelle.

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