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Le Vent Se Lève : dessine-moi un avion

Pour ce qui est présenté comme son ultime film, Hayao Miyazaki livre une allégorie du métier du créateur, en étant plus ambitieux et en gardant son animation 2D comme fétiche. Une autre franche réussite made in Studio Ghibli.

Terminer une brillante carrière cinématographique par une biographie filmée d’un concepteur japonais d’avions de guerre, on avait connu sortie plus discrète. Eviter les pièges attenant au pro-militarisme ou rouvrir les plaies d’une nation rongée par sa défaite était loin des intentions de Miyazaki. Mais là n’est pas l’essentiel. Il choisit de se concentrer sur ce qu’il a en commun avec Jiro Horikoshi : son inspiration et sa ténacité.


Le Vent se lève – Extrait – Le Patron – VOSTFR par FRFilmFactory

L’inspiration vient de l’Italien Caproni, qui sert autant de muse imaginaire que de sésame onirique à Jiro. Jamais production Ghibli n’avait incorporé d’art psychédélique, avec des avions bariolés remplis de personnes, on se croirait carrément dans une fantaisie sixties. Cette imagination vivace est aussi magique que son passé est terne, de son strabisme au séisme  de Kanto, dépeint de façon crue.

Pourtant, il se dégage du « Vent se Lève » une majesté visuelle difficile à nier. Les avions Mitsubishi, dont Horikoshi est le créateur, sont des bêtes larges, circulaires, sublimées par le trait sûr des animateurs. Miyazaki utilise toutes les forces de l’animation en 2D, à savoir une palette de couleurs plus nuancée et riche que d’habitude, et ne fait absolument pas regretter les débauches de l’animation en 3D, plus rapide, luxuriante mais aussi moins marquée émotionnellement. Cela devient particulièrement clair pendant les scènes de test dans les airs, qui n’ont rien à envier aux meilleurs films du genre tout court.

En gardant le focus sur Jiro seul, Miyazaki n’est pas intéressé par la reproduction d’un Berlin qui aurait ses traits, ni par la figuration de l’Allemagne nazie qui a aidé à la conception des modèles. Jiro pense avions et créations avant tout, et le film épouse ce point de vue, ce qui ne conduit pas à un point de vue étroit d’esprit mais une étude psychologique passant par l’animation. Et c’est en cela que la véritable ambition du « Vent se Lève » laisse pantois.

Le Vent se lève – Extrait – Le travail de Jiro… par FRFilmFactory

Alors, certes, il  y a quelques longueurs : le film s’attarde un peu trop sur la famille de Jiro par exemple, au détriment de son histoire avec Nahoko, sa femme. Miyazaki n’a pas son pareil pour mettre en scène sa rencontre en écho avec les thèmes généraux du film : fibre artistique, houle, harmonie avec la nature dans laquelle elle se trouve… Leur histoire se fond autant dans le film que dans le psyché de Jiro ; mieux, elle l’habite.

 

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