Suite, remake, reboot

Halloween : le beurre, l’argent du beurre et autres histoires

Sorti il y a 40 ans par les bons soins du grand Carpenter, Halloween est resté aujourd’hui une référence absolue du slasher et même un de ses pionniers. 7 suites, un remake et sa suite plus tard, Myers est, malgré l’état épouvantable du slasher dans le cinéma d’horreur contemporain, toujours debout. Mais dans quel état ? La sortie du nouveau film, réalisé par David Gordon Green et chapeauté par Carpenter lui même, donne l’occasion de s’en enquérir.

Myers n’est pas le frère de Laurie Strode, il n’a pas été nommé fils du Diable par une secte et, non, il n’a pas eu d’enfance particulièrement douloureuse. Pour ce qu’on en sait, tout était un fantasme et le tueur d’Halloween est toujours à l’asile, des années après les faits. Mais quand il parvient à en sortir, c’est pour retrouver Laurie, qui lui a échappé… et l’attend, de pied ferme. 

Halloween
L’introduction concernant Myers à l’asile est très convaincante.

Le postulat n’est pas neuf et tient autant du caprice d’un maître que d’une volonté de clarification après un certain nombre de films ayant complexifié, et parfois abîmé, le mythe : Halloween 2018 est la suite directe du premier film, et efface donc des années d’élucubrations. Le temps d’évacuer en un dialogue les révélations de ces suites et voici le film sur les rails, pour une renaissance attendue. Drôle d’idée, alors que plus personne ne s’intéresse au genre dont les films ne s’irritent même plus au cinéma, de faire revenir ce qui n’a jamais été qu’une vache au lait parfois très maigre, à savoir la saga Halloween. Mais voilà que nous y sommes, et que les quelques connaisseurs sont mis en posture d’apprécier la continuation de l’œuvre par son créateur lui même, certes ne faisant qu’accompagner des petits jeunes aux idées nouvelles. Et c’est peut-être ce mélange de visions qui fait à la fois la richesse et l’incohérence de ce film-somme, rempli à ras-bord et loin de l’anecdote, qu’est Halloween. 

Comment faire revenir Halloween en 2018 ? Il y a fort à croire que Danny McBride, David Gordon Green et John Carpenter n’avaient, au regard du produit final, pas la même vision de ce qu’il fallait faire. En ressort une œuvre somme quasi incohérente qui aurait pu exploser en vol si toutes ces visions n’avaient pas su se conjuguer. Et elles le font, sans doute in extremis et maladroitement, ce qui explique la durée inhabituelle du film, d’une vingtaine de minutes de plus que la majorité des films du genre. Ce qui peut sembler être ici une anecdote est essentiel pour bien comprendre ce qu’est le film, ou en tous cas ce qu’on en perçoit : une œuvre ambivalente, certes résolument moderne mais définitivement handicapée par la manière dont elle résume maladroitement des idées très inégales et diamétralement opposées. Ainsi, le film est composé de plusieurs parts qui font un tout bancal : il se veut à la fois drôle et effrayant, à la fois original et dans l’hommage, complexe et archétypal. Seulement, tout ne fonctionne pas, et il est en ce sens assez heureux qu’in fine ce soient les éléments les plus pertinents qui prédominent, bien que d’autres parasitent sans excès le film.

Halloween
La brutalité efficace du film n’avait pas besoin d’humour pour la désamorcer.

En effet, en premier lieu Halloween n’a ni à être drôle, ni ne l’est vraiment. Pire, l’humour fait bien du mal au film, et d’autant plus quand il fonctionne, puisque tout est désamorcé. Halloween par David Gordon Green est un peu la Marvellisation d’une série de films qui n’en avait pas besoin, utilisant à outrance certains tropes et poncifs du cinéma horrifique pour les ridiculiser. À plusieurs reprises, le film confond Halloween et Scream, et on se surprend à voir pour la dixième fois les personnages se faire peur entre eux, voir même le potentielle victime à tomber d’une façon ouvertement comique … avant d’être brutalement et sauvagement assassinée. Rien ne fonctionne alors dans une scène pourtant léchée plastiquement (on y reviendra, c’est presque un autre problème du film), qui aurait pu être effrayante si mieux coupée. On sait pour avoir vécu les films de James Wan que la peur tient à très peu de choses, et cette manière de la désamorcer rend décalé, voir désagréable un film qui mérite bien mieux que ça.

D’autant plus qu’en terme horrifique, le film est d’une efficacité diabolique quand il n’est pas troublé, et c’est heureusement assez rare, par ces passages cartoonesques. La force brute de Myers est parfaitement restranscrite et cela tranche d’autant mieux avec sa discrétion féline, avec pour résultat que l’on passe tout le film dans une franche terreur froide qui n’a rien à envier à ce qu’avait pu proposer Carpenter. C’est une des fois du films où le mélange des visions fonctionne, quand la bestialité qu’avait pu apporter Zombie au personnage est conjuguée avec cette capacité de faufilement délicat. En ce sens, le film représente bien le best-off anniversaire qu’il est, d’autant que les idées créatives s’y enchaînent sans interruption.

Halloween
La capacité de Myers à se faufiler inquiète et impressionne toujours autant.

Tuerie hors champ, ou par le regard de diverses fenêtres ou miroirs, jeux d’ombres … David Gordon Green regorge effectivement d’idées de cinéma qui peuvent tout à fait rappeler le cinéma de genre d’Hitchcock dans leur recherche du plan incongru, inimaginable et pourtant redoutablement efficace. Halloween est un film de cinéaste comme son aîné et sa tendance à faire beaucoup avec peu, mantra d’ailleurs des studios Blumhouse dont il est issu, résonne avec l’œuvre originale. Pourtant, ce résonnement est aussi sa plus grande faiblesse, en cela que le film est pris au piège dans le même paradoxe soulevé déjà dans notre analyse de Jigsaw.  Comme c’était déjà le cas pour ce dernier, la beauté de l’image et l’aspect clinquant de ses couleurs tranche trop résolument avec la violence intimiste de ce qui est montré, et cette impression n’est que renforcée par la superposition de ces belles images par la classique musique au synthétiseur de Big John. Zombie l’avait déjà compris, comme Massacre à la Tronçonneuse Halloween marchait aussi grâce à son aspect crasseux et morbide, le film sonne donc ici parfois faux et il faut attendre son dernier acte, certes long et impressionnant, pour retrouver la sensation tendant attendue de voyeurisme poussiéreux et grailloneux, parfois pourtant suggérée en début de films car quelques plans cachés derrière des grilles ou fenêtres.

C’est cette sensation permanente que le film est tiraillé entre hommage et originalité totale qui, au fond, définit le film dans sa force comme dans sa faiblesse. Ainsi, les jeux de miroirs avec le premier film s’enchaînent, inégaux, quand des plans sont plus ou moins habilement reproduits (le film fonctionne quand Myers subit ce que subissait Laurie, pas quand la petite-fille de Laurie le subit elle-même). On ne sait quel état vraiment le but avoué (ou non !) des créateurs, on se demande si eux-mêmes en avaient tout à fait conscience quand d’excellents moments en terme d’écriture psychologique des personnages (tout ce qui concerne Laurie, toujours aussi magistralement interprétée par Jamie Lee Curtis, est parfait et résonne bien malgré Carpenter avec ce qu’en avaient fait ses successeurs, et sa petite-fille, excellente Virginia Gardner, dispose elle aussi d’une belle part émouvante des enjeux dramatiques quand elle ne sait pas trouver sa place) sont suivis par des monuments de clichés du genre, voir de non sens (les intrigues amoureuses n’ont aucun sens, et les quelques jeunes gravitant autour de l’héroïne sont à peine crédibles tant ils ne correspondent à rien de tangible ou de réel). Finalement, un drôle de goût ressort du film, comme si il n’avait pas été suffisamment élagué en post-production et que des scènes, qui auraient dû être coupées, y sont présentes un peu par hasard. Sans doute la version vidéo sera-t-elle, en ce sens, très instructive.

Halloween
Le duel entre Myers et Laurie est franchement iconique et tendu à souhait.

Reste qu’en l’état, le film est à recommander, ne serait-ce que parce qu’il représente bien un des derniers, voir le dernier bastion du slasher sur grand écran. Sur bien des points, le mythe d’Halloween est compris et le film se tient bien sur ses jambes malgré les quelques planches pourries sur lequel il ne peut s’empêcher de marcher. Michael Myers est toujours là, bien en cher et n’est peut être pas tout à fait prêt à être enterré de sitôt.

Sortie en salles le 24 octobre 2018 !

AMD

Adrien Myers Delarue

Résidant à Paris, A.M.D est fan de Rob Zombie, de David Lynch et des bons films d'horreurs bien taillés. Sériephile modéré, il est fan de cultes comme X-Files, Lost, ou DrHouse, ou d'actualités comme Daredevil ou Bates Motel.

Une réflexion sur “Halloween : le beurre, l’argent du beurre et autres histoires

  • Kikidouk

    Encore un !!!!! Ça n’en fini’plus..mais c’est culte…alors…normal qu’il ne finit’et meurt jamais celui-là !! Tu peux avoir 2/3 frissons dans’le cou quand tu campes et que te rappelles de ce film ou en période d’halloween .

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