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Game of Thrones, saison 5 : Dead Man

C’est fini. Des mois d’attente désormais : Game of Thrones a rendu son verdict, clôturant sa cinquième saison sur un épisode qui surpasse de loin l’épisode 9 de la saison 3 en broyage de coeur. Bilan de cette saison 5

ATTENTION SPOILER GLOBAL SUR TOUTE LA SAISON. NOUS VOUS CONSEILLONS UNE CONNAISSANCE EXACTE DES CINQ SAISONS SOUS PEINE DE SPOIL MONSTRE. LA LECTURE DE CET ARTICLE SE FAIT A VOS RISQUES ET PÉRILS, ON PARLE DE GAME OF THRONES QUAND MËME.

Dans l’épisode précédent, plusieurs événements destructeurs : d’abord, Arya retrouvait le nom en haut de sa liste, Meryn Trant ; Jaime arrivait à un deal avec Doran Martell pour ramener Myrcella à Port-Réal ; mais surtout, alors qu’un incendie ravage son camp et que ses soldats désertent,  Stannis brûle sa fille Shireen en sacrifice au Dieu de la Lumière, et suivant Mélisande dans ses prédictions ; enfin, prise par surprise par les Fils de la Harpie lors des Jeux de Meereen (ce qui coûte notamment la vie à son mari Hizdhar do Loraq), Daenerys et ses gens sont sauvés par l’intervention tout feu tout flamme de son dragon, Drogon, sur lequel elle s’envole.

Dans cet épisode final, toutes les intrigues connaissent une résolution plus ou moins sanglante, avec pas moins de sept personnages rendant les armes, au milieu de retournements de situations aussi divers que variés, rebattant un peu plus les cartes, et nous promettant encore du sang et des larmes dans une saison 6 qui rappelons-le sera entièrement originale, George RR Martin n’ayant pas fini d’écrire la suite de sa saga.

©HBO
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Un épisode final totalement en roue libre, donc, où tous les personnages et toutes les intrigues se voient renvoyées à la case départ (Sansa qui saute des murailles, Jaime qui retourne avec le corps de sa fille à Port-Réal, Arya qui va découvrir les joies de la cécité, Daenerys et ses Dothrakis, Cersei et sa marche de la honte), ou bien ont fait définitivement faillite (Jon Snow, Stannis). Cet épisode nous balance violemment ses quatre vérités à la figure, répliquant d’un violent soufflet à ceux qui trouvaient cette saison ennuyeuse que Game of Thrones n’a rien perdu de son mordant. Avec un épisode qui surpasse en chocs l’honni épisode 9 de la saison 3, choisissant de n’accorder qu’une seule séquence à chaque intrigue avec pour seule transition la mort ou le grand saut dans l’inconnu (n’est-ce pas Theon/Reek et Sansa ?), Game of Thrones a à la fois clos sa saison 5, mais aussi, déjà, posé les jalons de sa saison 6. Les enjeux sont désormais redéfinis : les Sauvageons n’ont plus Jon Snow pour les « protéger » (sans compter la menace Marcheurs Blancs), Jaime et Cersei qui ont vu leur second enfant mourir, Tyrion et Varys qui gouvernent Meereen, Cersei de retour mais sous le coup d’un procès, comme Margaery et Loras, Sansa dans la nature avec un Ramsay probablement furieux, mais aussi la mort de Stannis, prétendant au trône (tandis que Mélisandre ne se remet pas de son erreur de vision monumentale), des têtes importants sont tombées, et au travers de cet épisode, dernier épisode à avoir un fil reliant aux écrits de George RR Martin, la série coupe le cordon pour mieux renouveler, mais surtout se renouveler, vu qu’elle sera (et ce en collaboration avec un Martin producteur exécutif) à son retour en 2016 une création originale dans laquelle les lecteurs et les sérievores seront sur un pied d’égalité.

Abandonnant le style, le montage/assemblage léchés des neuf précédents épisodes, le dixième fait bande à part sur cette saison en n’étant qu’une conséquence brutale du reste de la saison. Quand on joue au jeu des trônes, on gagne ou l’on perd : l’épisode 10 était l’heure du verdict de sang. Valar Morghulis : et on ne peut s’empêcher de penser à une similitude de destin tragique et incontrôlé, le tout après une décision controversée, entre Jon Snow (qui a choisi l’alliance avec les Sauvageons) et Eddard Stark (qui s’est détourné de son honneur habituel pour s’allier avec Littlefinger et dénoncer Cersei). Mais pour continuer dans la particularité, l’épisode 10 va aussi devenir celui qui suscitera le plus de spéculations et de théories sur Jon Snow pendant des mois (et Martin ne se prive pas de l’alimenter en gardant l’ambiguïté). Et si l’une de ces théories s’avère vraie, nous pourrions assister à une vraie rupture série-livre sur ce qui fait le pilier de la saga : l’équilibre entre politique/heroic-fantasy (surtout quand l’on voit La Montagne « ressuscitée » à la fin de la marche de Cersei, et sans compter les pouvoirs de Bran). Cette balance est sévèrement mise à mal par la mort d’un prétendant au trône supplémentaire (Stannis), laissant le champ libre à une Daenerys néanmoins paumée, alors que les Marcheurs Blancs (et l’hiver) are coming, et les livres ne nous seront d’aucun secours pour nous en prémunir : les repères sont effacés et les compteurs remis à zéro à tous les niveaux. Et à ce titre, la marche de Cersei, au cours d’une séquence hallucinante de plus de cinq minutes où le rapport d’affection s’inverse entre le peuple et la reine-mère, destinée à la « laver » de ses pêchés, est symbolique.

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Le rapport aux livres, justement, parlons-en. Si la saison 4 avait pu connaître des longueurs et des moments trop scrupuleux (dans tous les sens du terme, ce qui est le comble pour une telle série), c’est aussi par son rapport trop fidèle aux écrits de George RR Martin : adapter un livre à la lettre serait le vrai moyen de la rendre imbuvable. En annonçant durant la tournée promotionnelle que cette saison serait très sanglante, la série n’a pas seulement fait monter notre taux d’adrénaline, elle s’est aussi indépendantisée de sa production-mère, le tout sous le regard de Martin (qui d’ailleurs n’a pas écrit le scénario d’un épisode comme c’est de coutume chaque saison). De plus, il était écrit (sic) que la série finirait par dépasser les livres, car la première marche plus vite que les seconds. Et c’est bien ce qui a fait toute la force de cette saison : plus de comptes à rendre aux livres riment avec une liberté agrandie. Alors bien sûr, pas d’inventions totales : si le sort de Stannis est en suspens à l’écrit, il est réglé à l’écran, tandis que Jon Snow a bien péri dans l’un et dans l’autre. Associant le punch du livre au punch qu’elle produit depuis maintenant cinq ans, Game of Thrones nous a livré une saison 5 bien plus efficace, assumant ses choix, toujours fidèle à son esprit mais racontant sa propre histoire, qui, ainsi que l’avait déclaré Martin, doit arriver à la même conclusion que le livre, mais par différents moyens. Cela permet notamment à la série d’être jugée en tant que telle, et non pas selon telle phrase du livre, ce qui fait notamment le succès d’une série comme Sherlock, qui bouleverse la forme et le fond par rapport aux écrits de Conan Doyle.

La saison 5 peut néanmoins se voir reprocher, puisqu’elle a tout de même gardé une base littéraire sur laquelle elle s’appuie, son traitement parfois disproportionné des intrigues : ainsi, si Daenerys a enfin eu une certaine progression (même si elle ne bouge pas), mai cela s’est fait au détriment des intrigues d’Arya et de Jaime (et par ricochet des Dorniens que l’on croyait plus réactifs que cela après la mort d’Oberyn), les deux qui se sont vues étirées en longueur sur dix épisodes, surgissant par petites touches, avant de connaître leur propre conclusion abrupte à l’épisode 10. Côté Jaime, il y avait presque une prévisibilité à la fois de la réussite des négociations, considérant le caractère du prince de Dorne, mais aussi de la mort de Myrcella qui augmentait au fur et à mesure des épisodes, et le baiser de la mort d’Ellaria Sand, personnage comme ses soeurs sous-exploité toute la saison, n’en était que l’aboutissement. Quant à Arya, on se demande véritablement quand son entraînement a débuté : parfois carrément absente d’épisodes, elle a fait le ménage pendant 7 épisodes, est sortie au huitième empoisonner un homme, a remarqué Meryn Trant au neuvième, et l’a tué avant de devenir aveugle au dixième. C’est peu, pour un personnage que l’on attendait vraiment actif durant cette saison, et pas seulement comme bourreau new look.

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Mais la série a aussi brillé par ses trouvailles, au premier rang desquelles l’association Jorah Mormont / Tyrion Lannister. Pas loin de Laurel et Hardy dans la forme, ces deux-là ont surtout laissé le fond de leur pensée s’exprimer pour former un couple atypique, offrant deux des choses qu’on aime le plus dans cette série : les punchlines de Tyrion et les qualités de combattant de Jorah Mormont. Mini-intrigue dans l’intrigue principale, elle n’a de plus rien d’anodin puisqu’elle laisse Jorah infecté par la maladie des Hommes de Pierre. La saison nous a aussi offert un baroud d’honneur au talent de chevalier de Barristan Selmy, malheureusement tragique pour celui-ci. De façon étendue, la série a enfin fait bouger les choses, et en bien, chez Daenerys, confrontée à une guérilla de tous les instants dans son royaume apportant un peu de piment loin de Westeros. Enfin, l’introduction du Grand Moineau (splendide Jonathan Pryce, outsider face aux Littlefinger et Olenna Tyrell) comme élément perturbateur de la situation à Port-Réal (conjuguée à une critique en sous-main de l’omnipotence de la religion sous des atours louables) est une des meilleures idées de la série dans son optique de renouvellement du jeu politique. La série a par ailleurs gardé ses valeurs sûres, notamment sa capacité à nous prendre de court quand on ne s’y attend pas (n’est-ce pas Jon Snow ou Shireen ?) et à nous proposer des plans et des séquences (ou les deux à la fois) épiques, signe que la puissance du propos passe autant par la forme que par le fond, en témoignent les fins des épisodes 8 et 9 sur les morts-vivants et Drogon, et que cette série n’a jamais su être ennuyeuse, qu’il y ait de l’action active ou passive.

Quant au jeu des trônes, il s’est vu bien chamboulé : Cersei s’est brûlé les ailes et a vu son stratagème « Grand Moineau » se retourner contre elle, et si elle a encore la mainmise sur un grand nombre de choses, elle est sous le coup d’un procès, et son roi de fils ne sert à rien ; la Garde de Nuit, certes à l’écart, a comme Jon Snow tenté son entrée dans la danse, mais la mort de celui-ci et l’arrivée toujours plus proche des Marcheurs Blancs leur a mis du plomb dans l’aile ; les Tyrell sont discrédités, avec Loras et Margaery en prison ; chez les Stark, l’hécatombe continue ; et Stannis a définitivement perdu la bataille et sa dignité en brûlant sa fille et en mourant seul, dans une forêt. Seuls les Bolton ont gagné en puissance, mais ne semblent pas encore être très entreprenants politiquement, et les Dorniens pourraient jouer les trouble-fêtes dans les semaines à venir…  Quant à Daenerys, difficile à évaluer : les Dothrakis la reconnaîtront-ils comme leur chef ? La suivront-ils ? Chez les dragons, deux restent enchaînés tandis que le troisième est encore blessé, et pour l’heure, Tyrion, Varys et Ver Gris contrôlent Meereen. Pour quel résultat ? La saison 6 nous le dira…

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Enfin, comment parler de cette saison sans évoquer ce qui a fâché : les différents chocs au fil des épisodes, et en première ligne, la violence. On a entendu ici et là, après le viol de Sansa, le sacrifice de Shireen, la mort de Jon Snow, la marche de Cersei, des appels au boycott, des étranglements devant la violence du propos, des cris de scandale. Ces réactions sont paradoxales : premièrement parce qu’avant la saison, on nous avait annoncé une saison sanglante, violente, où les têtes tombent. Deuxièmement, parce que c’est l’ADN même de Game of Thrones ! Il apparaît bizarre de reprocher à la série ce qui justement a fait, fait, et continuera de faire sa force et son identité. D’abord parce que, concernant les femmes, ce fut toujours ainsi : le sexe féminin souffre énormément depuis le début de la série, de Daenerys à Sansa en passant par Cersei, s’étendant depuis 5 saisons, quand des personnages masculins, eux, voient leur sort réglé au bout d’une saison (Stannis, ou Eddard Stark). Sexisme ? Après 5 saisons, il serait de meilleur ton de parler de ligne de conduite : George RR Martin a lui-même parlé de son oeuvre comme se déroulant dans une société où les femmes au même titre que les hommes sont soumises aux mêmes règles, et sont tout aussi victimes qu’actrices. Les femmes sont en effet victimes de ce jeu à plusieurs entrées, où la force brute et la malignité sont les moyens privilégiés de prendre le pouvoir, mais, à l’instar de Cersei ou Mélisandre par exemple, elles peuvent aussi être vues comme des féministes, à leur facon, offrant leur corps pour protéger leurs intérêts (plus ou moins louables, on vous l’accorde). La supposée gratuité reprochée à ces scènes qui durent depuis plusieurs années maintenant ne seraient alors que l’expression d’impuissance et de frustration des spectateurs incapables de réagir face à quelque chose qu’ils croyaient impossible. La marche de Cersei, qui s’appuie sur un châtiment ayant réellement été infligé (Jane Shore, une des maîtresses d’Henri VIII, le subit) est certes violente visuellement par les moyens et le nombre d’acteurs colossaux engagés d’une part et sa longueur d’autre part, mais n’en est pas moins symbolique du point de vue de cette souffrance des femmes (le Grand Moineau étant l’opposé de cette utilisation du corps des femmes), puissante du point de vue du rapport de force qui s’est inversé entre la reine toute-puissante Cersei et son peuple, et rappelle que l’hubris est sévèrement condamné dans Game of Thrones. Les spectateurs ne sont pas pris en otage, ou en tout cas ne le sont que de leur plein gré : ils ont signé le pacte cinématographique et littéraire, et comme les personnages, en paient les conséquences.

Cette saison 5 aux multiples paris se solde donc sur une réussite. Avec les retours programmés de Bran et Hodor, ainsi que la réaction des personnages en place, le spectacle va pouvoir continuer sur HBO ! Rendez-vous l’an prochain !

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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