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Game of Thrones : le calme avant la tempête

Game of Thrones, le show phare de HBO est enfin de retour sur les écrans ! Après une saison 5 particulièrement sanglante, la saison 6 était très attendue, d’autant plus qu’elle se déroule, désormais, sans l’égide des livres de George RR Martin…

ATTENTION SPOILER SUR LA SAISON 5 ET LE SEASON PREMIERE DE LA SAISON 6 DE GAME OF THRONES. LECTURE A VOS RISQUES ET PERILS.

Et pour cause, souvenez-vous : à la fin de la saison 5 de Game of Thrones avait lieu un tournant décisif pour les personnages. Arya était rendue aveugle après avoir tué Ser Meryn Trant via ses nouvelles capacités de Sans-Visage. Daenerys, ayant fui à dos de dragon de Meereen, était trouvée par une horde de Dothrakis. Tyrion et Varys se retrouvaient donc maîtres d’une ville un peu bordélique. Theon et Sansa, eux, sautaient des remparts de Winterfell pour échapper au tyran Ramsay Bolton. Stannis Baratheon semblait avoir été tué par Brienne de Torth, qui avait juré de lui faire la peau. Cersei avait, elle, fait l’expérience du lavage de péchés façon Grand Moineau, en défilant nue dans les rues de Port-Real (« Shame, shame… »). Du côté de Dorne, les Aspics des Sables, échaudées par la mort d’Oberyn Martell, faisaient leur première victime : Myrcella Baratheon. Mais l’attraction principale était bien sûr la mort de Jon Snow, accusé de traîtrise et assassiné par une conspiration menée par son vieil ennemi Alliser Thorne…

La question est désormais de savoir si Jon Snow est mort, ce qui a alimenté le débat dans le hiatus inter-saisons, mais aussi les conséquences à tirer de tous ces événements tous aussi dramatiques les uns que les autres. Chaque camp, dans ce season premiere, panse ainsi ses plaies, et prépare la contre-attaque…

@BBC
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Un épisode donc de transition, chargé de faire le lien entre les événements tout juste passés, et la vendetta sanglante qui pourrait bien se profiler dans les épisodes à venir. Ce premier épisode de la saison 6 demeure ainsi très politique, à différents niveaux et surtout différentes conceptions de l’appliquer. Chaque camp a ainsi son temps de parole post-émotionnel, et réagit plus ou moins dans l’urgence, face à ce qui a pu menacer d’une part leur libre-arbitre, d’autre part leur champ d’action au sein de Westeros. Le point commun ? La mort, bien entendu, qui se fait de plus en plus pressante au fur et à mesure des escalades meurtrières, avec en valeur ajoutée les Marcheurs Blancs. Chez la Garde de Nuit, c’est surtout une lutte d’influence, amorcée dès la saison dernière et continuée cette saison, entre les partisans d’une « nouvelle » Garde, incarnée par Jon Snow, ou bien une conservation de l’ordre traditionnel, représenté par Alliser Thorne. Les Bolton ont vu Sansa et Theon leur filer entre les doigts et doivent les rattraper pour valider leurs ambitions de grandeur, Cersei et Jaime doivent eux se serrer les coudes et répliquer après la double humiliation subie (même Cersei semble désormais admettre qu’il y a quelque chose, une entité, supérieure à sa cruauté, puisque déjà deux de ses enfants sont morts), Daenerys doit se sortir de griffes de Dothrakis pas aussi conciliants que la horde de son défunt mari Khal Drogo (c’est là que Daenerys aimerait être un peu moins séduisante), tandis que Tyrion et Varys doivent eux prendre la main sur une cité de Meereen (et apprendre le valyrien, pas vrai Tyrion ?), qui, on le voit bien dans l’épisode, est littéralement à feu et à sang, ville sans tête plongée dans un chaos orchestré probablement par les Fils de la Harpie. Quant à Dorne, la question est de savoir de quelle manière interférer dans les affaires de Port-Réal, car depuis la mort d’Oberyn, leur indépendance est nulle et non avenue. Or, les Aspics des Sables devraient jouer un rôle de trouble-fête assez conséquent, étant donné qu’elles n’attendent pas longtemps avant de signifier leur position : c’est ainsi que l’infirme prince Doran est assassiné en pleine séance plénière, aux côtés de son garde du corps et de son messager, tandis que son fils le rejoint peu après. Et à voir la réaction d’une Aspic face à une congénère qui lui « vole » la mort de Trystan Martell (« tu es une sale garce, tu sais ca ? »), le ton est vite donné.

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Dans Game of Thrones, cela tient surtout à la capacité de réaction de chacun d’une part, mais aussi de ce qui définit profondément et intrinsèquement chaque camp : si les Aspics des Sables sont le chantre d’une réaction froide, calculée, pulsionnelle, les Dothrakis, peuple quasi primitif, est lui nettement plus défini par un aspect traditionnel (« on ne couche pas avec une veuve de khal ») et par un pulsionnel moins réfléchi (à quoi pense-t-on quand on a une prisonnière blonde aux yeux flamboyants ? A la violer, bien entendu !), tandis que le couple Tyrion/Varys ou Cersei/Jaime sont des politiciens chevronnés, rompus à toutes les situations, même les pires (remember Tyrion en armure de combat), et parfaitement capables de calculs stratégiques pour orchestrer une réplique de circonstance. Les Bolton, eux, se situent à l’embranchement, guidant leur réflexion politique par la pulsionnalité, dût-elle être cruelle (ce ne sont pas Robb Stark, trahi par le père, ou Myranda, la fille du chenil, sur le corps de laquelle le fils se lamente avant de décréter qu’elle ne sera pas honorée mais jetée aux chiens, qui diront le contraire). A cela s’ajoutent deux autres formes politiciennes marginales : l’insurrection, représentée par les Fils de la Harpie, responsables notamment de la mort de Barristan Selmy, que Tyrion soupçonne d’avoir une tête pensante pour organiser ses actions ; et l’obscurantisme religieux, poussé à l’extrême, avec le Grand Moineau et ses septas tyranniques, pour qui il faut être pure, pour être parfaite, sinon il faut se confesser, seul moyen de « purger le péché ». Ces deux extrêmes, en tant qu’interférents, devraient avoir une influence relativement décisive des deux côtés de la carte de Game of Thrones.

@BBC
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Un épisode de Game of Thrones donc relativement calme, qui tâche de (re)poser les enjeux en place pour ces innombrables camps, et où les deux cautions qui en font le « charme », la mort (brutale si possible) et le sexe, sont de sortie. Ainsi, le prince de Dorne et son fils sont tués, personnages seulement symboliques dans ce monde cruel, tandis Brienne (et Podrick) vient sauver Theon et Sansa des griffes des limiers de Ramsay Bolton. Et Mélisandre, elle, nous fait part de son secret le plus intime (si intime veut encore dire quelque chose pour une sorcière rouge qui se dénude à la première occasion), puisque dans son dernier passage charnel, elle dévoile son côté Dorian Gray : son collier lui maintient l’apparence d’une femme séduisante, mais sans lui, elle n’est qu’une vieille femme repoussante de plus de 100 ans au moins. Il est ainsi à mettre au crédit de la série de détourner le topos de la nudité qui lui est inhérent, surtout donc chez Mélisandre, en offrant un plan de dos quand Mélisandre est belle et attractive, et un plan de face quand elle est répugnante, jouant ironiquement avec l’excitation du spectateur et l’effet que le personnage est censé créer dans ses actions, tout en rappelant que le surnaturel est aussi une part importante de la série, et pourrait avoir son rôle à jouer dans les semaines à venir (n’est-ce pas Bran ?). Cependant, et pour répondre à l’interrogation la plus haletante, une résurrection de Jon Snow, fantasmée par les fans, ne semble pas à l’ordre du jour : le bâtard de Ned Stark est mort et bien mort, et ses quelques partisans épars, parmi lesquels Ser Davos, tentent d’établir une petite rébellion. Si tout est possible dans cette série, avec des créateurs qui savent jouer avec les attentes des spectateurs, il semble qu’il faille attendre encore quelque temps avant d’en savoir plus sur son sort.

Game of Thrones fait ainsi un retour efficace et offre en ce season premiere tout ce qu’on attendait d’elle. Wait and see pour les 9 prochains épisodes.

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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