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L’Etrange Festival 2018 : Lune Froide, L’Heure de la sortie, Des cowboys et des indiens, Amalia, Violence Voyager, The Spy Gone North

Les jours 4 et 5 de cet Etrange Festival étaient marqués par une multitude de nationalités : la France avec Lune Froide et L’Heure de la sortie, la Belgique avec Des cowboys et des indiens, les USA avec Amalia, le Japon avec Violence Voyager et la Corée avec The Spy Gone North.

Ces propositions diverses, que l’on ne verra pas toutes en salles sont incontestablement ce qui fait la richesse de ce festival – et la joie de votre humble rédactrice qui commence à manquer de sommeil à force d’enchainer les films.

On plonge, pour entamer ce nouveau bilan, dans l’océan sous une lune glaciale, avec un film français de 1991, réalisé par Patrick Bouchitey et projeté au festival dans le cadre de la carte blanche Jackie Berroyer. Lune Froide suit les aventures de Simon et Dédé, deux quadra un peu marginaux et alcooliques qui ne respectent pas grand-chose et pas grand monde. Au-dessus de ces personnages détestables, se tient la mort – mais en prennent-ils seulement compte ? Il est dommage que l’on doive attendre aussi longtemps devant des sketchs pseudo-subversifs pour que Lune Froide parvienne enfin à atteindre un sommet de malaise. Le film parvient néanmoins à briser bien plus de conventions que prévu, affrontant avec une géniale indélicatesse le pire de nos peurs les plus profondes.

Il est temps de se réchauffer avec un peu plus de bienveillance (ce qui n’est pas foncièrement difficile à trouver quand on sort de Lune Froide). On couple cela avec le visionnage d’un des documentaires projetés lors du festival, Des cowboys et des indiens. Il s’agit du portrait de Vincent Patar et Stéphane Aubier, maestros de l’animation et auteurs de notamment Panique au village. Commande de la cinémathèque belge à Fabrice du Welz, ce documentaire très complet présente comme il approfondit le travail de Patar et Aubier. Parfait pour découvrir un univers, parfait pour le retrouver.

Enfin, le quatrième jour se termine avec Amalia d’Omar Rodriguez-Lopez, un film américain qui prend place dans un El Paso en noir et blanc ou plutôt noir et gris assez anxiogène. Tout n’est pas très clair dans cette sorte d’introspection à clef ou voyage dans les prémices d’une folie meurtrière mais Amalia dispose d’une ambiance efficace, à la fois élégante et poisseuse, ainsi que de bonnes idées visuelles.

Le cinquième jour, votre humble rédactrice est d’attaque pour plonger directement dans un film d’horreur (histoire de bien digérer le sandwich de midi) avec Violence Voyager. Bobby et son meilleur ami Akkun décident d’aller rendre visite à pieds à leur ami qui a déménagé dans un village de l’autre côté de la montagne. En chemin, ils tombent sur un mystérieux parc à thème dont ils n’avaient jamais entendu parler. Les deux enfants s’empressent de vouloir y participer, sous l’œil bienveillant du gérant. Mais le parc se révèle vite être un piège.

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Second film du cinéaste japonais Ujicha, Violence Voyager se compose de dessins découpés animés devant la caméra – un procédé qui rappelle le théâtre de marionnettes. Le résultat évoque à la fois un univers enfantin et inquiétant, le tout lié à l’aspect assez fragile des figures peu flexibles. Le début de l’histoire se situe du côté de Stephen King et des creepypastas que l’on voit fleurir sur le net : deux enfants peut-être même des pré-adolescents, partent en innocente excursion. Ils croisent un élément étrange à même pas une heure de route à pieds de chez eux. Ce mystère planant et cette entrée progressive dans l’horreur encore sous-jacente est ce que le film réussi de mieux. La suite n’est pas mauvaise pour autant, l’inquiétant laisse place au dérangeant et au gore, à travers un scénario qui se suit toujours avec plaisir mais aux éléments un peu moins fins (bien que tout reste relativement assez inventif). En somme, Violence Voyager est une petite réussite en son genre, composant, avec toutes ses inspirations, son propre univers magnétique pour le spectateur friand. Le film, présenté à l’Etrange Festival en hors-compétition, dans la sélection Mondovision est rediffusé au Forum des images le vendredi 14 à 16h15.

Rendez-vous ensuite en Corée pour The Spy Gone North de Yoon Jong-Bin.  Au début des années 90, un agent secret sud-coréen est prié de se faire passer pour un simple homme d’affaire afin d’infiltrer les hauts dirigeant de la Corée du nord pour obtenir des informations sur l’armement nucléaire du pays. Un film d’espionnage classique et élégant qui avait été diffusé en séance de minuit au Festival de Cannes. Il s’agissait de la deuxième et dernière séance du film en compétition à l’Etrange Festival mais si le film vous intéresse, notez qu’il sort le 7 novembre dans les salles françaises.

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Enfin, vous vous souvenez peut-être d’Irréprochable, le premier long-métrage de Sébastien Marnier, co-écrit avec Elise Griffon. Le cinéaste est de retour et amène cette fois une ribambelle d’adolescents sur la scène de la salle 500 du Forum des images. Son nouveau s’intitule L’Heure de la sortie et met en scène le toujours impeccable Laurent Lafitte en rôle principal. Pierre Hoffman est professeur de français remplaçant pour une classe de troisième composée d’élève « à haut potentiel », leur précédent enseignant s’étant défenestré sous leurs yeux. Rapidement, la situation tourne au vinaigre, Pierre perd sa patience face à des élèves un peu particuliers, tout comme il découvre d’inquiétants secrets.

L’Heure de la sortie (par ailleurs présent à Venise) mêle avec grâce plusieurs éléments. Tout d’abord on note, à travers la paranoïa du personnage, un thriller psychologique, qui se transforme au fur et à mesure du film, en thriller écologique. L’Heure de la sortie se distingue des pamphlets moralisateurs convenus autour du sujet par son approche sensible, menée par une anxiété adolescente extrêmement bien traitée. Quelque part par entre le cri d’alarme et l’angoisse collective, l’œuvre évoque même, à travers ce second point, le Melancholia de Lars Von Trier. L’abominabilité d’un fait connu que l’on choisit d’ignorer pour vivre plus sereinement côtoie la peur panique ; et si Melancholia traite de la dépression mélancolique, L’Heure de la sortie semble aborder un sujet similaire. On peut regretter, vers son milieu, une petite redondance des évènements qui nous amène à craindre quelque chose de lourd mais le film se rattrape très vite et nous offre par ailleurs un final admirablement réalisé, qui devrait rester dans les mémoires.

Cette très belle surprise repasse le mercredi 12 à 15h30 au Forum des images et, pour ceux qui ne peuvent y aller, notez que le film sort en janvier 2019 – retenez bien cette information.

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Il est temps pour votre humble rédactrice de prendre congés et d’aller regarder tous les épisodes de Panique au village. Rendez-vous très bientôt pour la suite de ce carnet de l’Etrange…

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