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Doctor Who (1963-1996) – Sylvester McCoy, Le Septième Docteur

En 1987, la série s’apprête à reprendre, après une production orageuse. La fin de l’ère Colin Baker s’est soldée par une saison intitulée The Trial of a Time Lord, à l’issue duquel le Sixième Docteur sort victorieux, mais pas son interprète. Colin Baker est viré ; vexé, il ne tournera pas sa scène de régénération. Un premier obstacle, symbolique, pour son successeur, Sylvester McCoy…

Le premier Doctor William Hartnell

Le second Doctor – Patrick Troughton

Le troisième Doctor – John Pertwee

Le quatrième Doctor – Tom Baker

Le cinquième Doctor – Peter Davison

Le sixième Doctor – Colin Baker

doctor who - Doctor Who (1963-1996) – Sylvester McCoy, Le Septième Docteur Doctor Who Sylvester McCoy TARDIS

L’ère Sylvester McCoy (1987-1989)

Dès son générique, l’ère McCoy laisse perplexe. Les crédits ont été composés par ordinateur, sur un logiciel aujourd’hui hors d’âge : on y voit un TARDIS faire une pirouette au milieu d’un champ d’astéroïdes, avant de s’ouvrir sur le visage du Septième Docteur faisant… un clin d’oeil. Un générique qui prête à sourire donc, et si on ne veut pas ici tirer sur l’ambulance, il n’en reste pas moins que les génériques des Troisième et Quatrième Docteurs, dix à quinze ans plus tôt, plus sobres, ont mieux vieilli… Idem pour le premier plan du premier épisode, Time and the Rani. On y voit le Docteur et Mel, couchés par terre, touchés par un tir du vaisseau de la Rani. Celle-ci entre, et demande à ses sbires de récupérer le corps du Docteur. Celui-ci est filmé couché sur le ventre, de loin (McCoy faisait 15cm de moins que Baker), et quand le sbire retourne le corps, on le voit se régénérer à grands renforts d’effets spéciaux (et d’une perruque) pour masquer la supercherie.

Première interrogation de cet épisode : pourquoi Mel survit-elle sans une égratignure, et pas le Docteur ? Les deux personnages sont séparés. La Rani profite de la confusion due à la régénération pour… se faire passer pour Mel, en se teignant les cheveux, mais en gardant la même voix (et en plus, la Time Lady renégate est plus grande que l’assistante du Docteur). Sauf que le Septième Docteur, contrairement à ses prédécesseurs, ne semble pas tellement souffrir de la confusion. Ses premiers mots d’ailleurs, pleins d’énergie, sont : « C’était une bonne sieste, maintenant, on se remet au travail ! ». Outre, ensuite, le choix de son accoutrement vestimentaire, il passera deux bons épisodes sur quatre à faire ce que la Rani déguisée lui dit de faire, sans se poser la question des motivations de celle qu’il prend pour son assistante, et sans même reconnaître ni sentir l’usurpation d’identité. Ces scènes, au mieux cocasses, au pire gênantes, d’un Docteur largué, justifient à elles seules le mauvais accueil réservé à ce premier épisode. Il décrédibilise la Rani (on ne sait d’ailleurs pas d’où elle est revenue, après avoir été coincée dans un TARDIS hors de contrôle avec le Maître et des dinosaures dedans dans The Mark of the Rani) ; il humilie le Docteur, et réduit Mel aux utilités. Après The Twin Dilemma pour le Sixième interprète, le Septième commence mal, lui aussi avec Time and the Rani.

Sylvester McCoy-Docteur

Sylvester McCoy, pourtant, n’est pas un mauvais Docteur, loin de là. Il est même très bon, et sera élu meilleur Docteur, un an après la fin de son ère, en 1990, un titre que seul Tom Baker (puis David Tennant quelques années après) avait conquis. Mais le problème du Septième Docteur, c’est qu’il est arrivé au moment du déclin de la série, et malgré tout son talent, le show, après le chaos de The Trial of a Time Lord, était condamné à terme. Les audiences déclinent (elles ne dépasseront les 6 millions de spectateurs que deux fois en deux ans, restant à une moyenne de 5 millions environ), et la qualité des scripts également. Sa première saison est oubliable, à l’exception du dernier épisode, Dragonfire, qui voit le départ d’une Mel complètement has been éditorialement parlant (ce dont se plaindra l’actrice) pour laisser la place à une fille plus dynamique, Ace. C’est à partir de ce bon épisode que l’ère de Sylvester McCoy s’envole véritablement, avec une intrigue de chasse au trésor bien fichue (inspirée des mythes grecs) et des décors plus imposants (une planète-vaisseau de glace). Il faut toutefois noter ce moment improbable où le Docteur, à cause d’un manque de communication dans l’écriture du script, se met en danger tout seul en descendant une falaise complètement impraticable, ce qui donne l’un des plans les plus incompréhensibles de la série.

Mais c’est dans cet épisode que se révèlent les qualités de ce Septième Docteur. C’est un homme brillant, fin stratège, charismatique, manipulateur mais doté d’un grand sens de l’humour. Moins grand que ses quatre derniers prédécesseurs, qui dépassaient tous le mètre 80, Sylvester McCoy pointe à 1m68. Mais ce qu’il n’a pas en taille (ce qui ne le complexe jamais d’ailleurs), il le compense avec un art de la rhétorique redoutable, utilisant tout ce qu’il peut avoir à sa disposition, quitte à flirter avec le faux. Et le fait aussi bien sur un ton léger que dur. Dans Dragonfire, il lance une grande conversation sur la condition philosophique de l’univers avec un garde. Dans Remembrance of the Daleks (son meilleur épisode), il se présente comme président-élu du Haut Conseil des Seigneurs du Temps, ce qui est techniquement faux, car il y a renoncé dans The Ultimate Foe. Mais surtout, là où le Cinquième Docteur avant lui et le Douzième après lui refuseront, lui n’hésite pas à envoyer Davros à la mort, le frappant d’un « Adieu Davros. Ce ne fut pas un plaisir ». C’est le seul point positif de ce peu subtil pull à points d’interrogations : il montre que ce Docteur est aussi fourbe qu’il est sympathique. Même Ace, qu’il couve de son attitude paternelle (il accepte même qu’elle l’appelle « Professor ») en fait les frais. Dans The Curse of Fenric, un démon que le Docteur avait bloqué revient en force, manipulant Ace pour se libérer. Le Seigneur du Temps n’hésite alors pas à rabaisser Ace pour lui faire perdre foi en lui, et ainsi faire baisser la pression exercée par Fenric sur la jeune fille. Un climax d’un épisode en forme de partie d’échecs (littéralement), où le Docteur, responsable de la situation puisqu’il n’a pas bien fait son boulot en amont, n’hésite pas à mettre tout le monde en danger. A la fin de Silver Nemesis, Ace demande même « qui est le Docteur ».

doctor who - Doctor Who (1963-1996) – Sylvester McCoy, Le Septième Docteur Sylvester McCoy Doctor Who Time and the Rani

Un trait de caractère qui n’est pas assez mis en valeur dans la série. Plusieurs fois, Ace, hyper-énergique, est envoyée au charbon, pendant que le Docteur se soucie d’abord de sa propre persistance, et sans que jamais la première ne s’interroge sur les agissements du deuxième. Ensuite, le Docteur ne semble jamais fondamentalement mis en danger. Très rares sont les moments où Sylvester McCoy perd le contrôle (il le perd furtivement à la fin de Survival, où il hésite à frapper le Maître). Et très souvent, il se sort de situations qu’il a lui-même causées (The Curse of Fenric, Silver Nemesis, Battlefield). Les épisodes, étirés, en sont donc souvent ennuyeux (The Greatest Show in the Galaxy, Paradise Towers, Ghost Light, Delta and the Bannermen). Plus que jamais, il y a un sentiment de gâchis autour de ce Docteur et de cette fin de série, car il y a un bon interprète, mais la qualité des scripts est d’un niveau trop aléatoire. Sylvester McCoy se plaindra qu’on n’ait pas renouvelé la série alors qu’Ace et lui affichaient une complicité fonctionnelle et fusionnelle ; mais cette entente ne parvient pas à sauver des scénarios en manque d’idées, malgré les retours du Maître (Survival) et du Brigadier Lethbridge-Stewart (Battlefield).

La série est coincée entre le flicage d’une BBC encore traumatisée par le chaos interne de la production sur The Trial of a Timelord, et la nécessité, avec un nouveau Docteur, d’acter son habituelle rupture dans la continuité. Elle ne survit donc qu’artificiellement, par des fulgurances, par son acteur principal, et par ses piliers (le Maître, le Brigadier, les références aux débuts de la série dans Remembrance of the Daleks…). Elle peine à se renouveler complètement, manque de moyens (les Cybermen n’ont pas changé de design en dix ans, les effets spéciaux sont cheaps avant l’heure, et les décors hors d’âge), et ses audiences ne font que baisser (entre 3 et 5 millions sur la dernière saison), signe que le public n’adhère plus à une série au bout du rouleau.

Après Survival, dernier arc de trois épisodes de la 26e saison, la BBC décide de ne pas renouveler la série. C’est la fin de Doctor Who à la télévision, pour seize longues années. L’aventure continuera à travers les comics et les audios de Big Finish.

Sur le plan télévisuel, seul un film tentera de relancer la série, en 1996. Ce sera un échec à tous les niveaux.


Léo Corcos

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