SériephilieTélévision

Dans La Vie D’un Sériephile : la fusion 3/5

Tout le monde est sériephile, du moins tout ceux qui voient plus d’une série par jour. Mais un vrai sériephile de nos jours, c’est quoi ? Un adulte qui a grandi avec les séries ? Une personne qui voit toutes les séries qu’il faut regarder ? La définition est floue. Je ne cherche pas à définir le mot mais à définir les étapes de ce bonhomme étrange.


Partie 3 : La fusion – Les évènements spéciaux

Putain d’épisode ! Après 40 minutes, voici la réaction que certains ont pu avoir après un segment d’une série. Pourquoi ? Qu’est-ce qui fait d’un épisode un « putain d’épisode » ?

Faire mourir quelqu’un de façon surprenante? Non, ça ne résume pas tout un épisode. Mettre un We have to go back à la fin? Non, 5 secondes ne font pas un épisode. Durant les 9 saisons de X-Files, j’ai eu beaucoup, beaucoup d’excellents moments et la série s’est permis des épisodes de haute volée et même  hors de son concept.
Les épisodes décalés de la série sont la preuve qu’elle peut se moquer d’elle-même, se parodier, se renouveler, se fondre dans un genre, en somme elle peut tout faire. Supernatural est le parfait exemple de la série qui peut aller dans la parodie, le méta, le transgenre sans que cela choque. Même Xena a fait un épisode parodique, c’est dire ! La force de ce genre d’épisodes est qu’il transcende la série et l’emmène dans des contrées différentes et permet de jauger le potentiel des personnages plus que de l’histoire. Si les personnages fonctionnent ailleurs, le pari est réussi.

Episode spécial veut aussi dire épisode de fin de saison, épisode clé. On utilisait le terme de Phase One pour parler d’un épisode qui met tout à plat, référence à l’épisode du même nom d’Alias qui expliquait tout pour faire repartir la série vers de bons rails. Ces dernières années, à part certains épisodes de Rick and Morty, je n’ai aucun souvenir de vrais épisodes qui m’ont marqué par leur audace ou leur contenu. Pourquoi? Les séries sont plutôt à tendance feuilletonnantes et ce format ne permet pas de faire des écarts artistiques sans bouleverser l’habitude du spectateur.

Personnellement, une série doit être quelque chose d’assez formelle et coincée dans un cahier des charges pour pouvoir en sortir à de rares occasions. Elle doit offrir des expériences de répétition et de déclinaison de son concept.

Futurama n’était jamais meilleure que quand elle parlait de voyage dans le temps, des épisodes comme The Late Philip J. Fry (6×07, récompensé par un Emmy) ou Time Keeps on Slippin’ (3×14)  sont des chefs d’oeuvre ! Après avoir regardé l’épisode, on se questionne et on se dit : merde suis-je le seul à voir cet épisode? La plupart du temps oui vous êtes le seul. Trouver des fans de cartoons est une chose rare. Certains vous riront au nez de trouver un épisode de dessin animé exceptionnel. Triste sort de la vie de sériephile. Mais ce 6×07 est vraiment bouleversant et beau tout comme Jurassic Bark (5×02) qui ose aller là où peu de dessins animés sont allés. Ces sentiments, je les ai retrouvés en regardant Rick and Morty. Il y avait ce côté discret de la série qui se permettait d’offrir des moments assez hallucinants pour un programme animé.

En restant dans les voyages dans le temps et la narration, quand le sujet est maîtrisé cela donne une saison 5 de Lost plutôt convaincante. L’un de mes épisodes préférés de Lost est Exposé (3×14), le principe même de revisiter la série avec deux personnages totalement creux m’a bluffé. L’épisode a été très mal accueilli par les fans mais je trouve l’idée osée. How I Met Your Mother a réussi des tours de force plus ou moins bien accueillis comme l’épisode en rimes ou l’épisode centré sur la Mère, mais jamais, ô grand jamais, la série n’a fait ça en vain. Le seul problème est que le résultat ne touchait pas plus que ça le public. Hush de Buffy était un épisode muet, Changing Channels était un épisode parodique pour Supernatural, Urgences a eu un épisode en direct, Undateable a vu sa saison 3 entièrement tournée en direct ! C’étaient donc des expériences télévisuelles, des instants, des essais, des preuves finales que la série peut aller au-delà de quelque chose. Mais ce sont de épisodes concepts, Il reste alors les événements scénaristiques, les épisodes qui changent tout, qui changent la série.

Pour revenir à X-Files, l’épisode où Mulder sait la vérité sur sa sœur Samantha a été une expérience étrange. Comme à chaque fin de soirée X-Files, on éteint la télé et on va se coucher. Mais il y a toujours ce sentiment bizarre de « passer à autre chose » quand on termine un épisode. Etre dans l’histoire pendant 40 minutes et ensuite revenir à la « normalité » est ambigu. A la fin de l’épisode Closure ( 7×11) qui se termine sur la musique de Moby, je suis monté dans ma chambre et j’ai mis la musique de Moby un peu forte, comme pour faire comprendre à mes parents que l’on avait regardé quelque chose de magique. Bon, je me suis pris une gueulante mais je n’ai jamais compris pourquoi j’ai fait ça. Je voulais garder le contact avec cette magie qui avait opéré.

Quand on insiste à 40 minutes d’évènement télévisuel, on est souvent l’un des seuls à vivre ça, la vie du sériephile est finalement une vie solitaire. Il y a plusieurs années, les forums étaient remplis et les fans discutaient des heures sur les épisodes. Chose révolue, le sériephile débat seul. Ou alors il tweete, s’en va se coucher et n’ira pas voir les réactions des autres. Il pond un article de 1000 mots pour dire son amour pour l’épisode et c’est tout.

Vous n’avez jamais eu ce moment où vous vous êtes demandé ce que les autres faisaient à cet instant T alors que vous, vous veniez de regarder un épisode de folie ?

Moi, souvent. Lors de la saison 7 de CSI Les Experts, j’ai eu ce sentiment très souvent. Saison d’une qualité incroyable, la 7 a offert des épisodes grands, dignes des plus grands polars et films policiers. Cette idée de Miniature Killer a tenu en haleine avec une efficacité redoutable. Il y avait tout et surtout ce désir d’en parler à tout le monde mais de se prendre un mur le plus souvent… Car ce sont les Experts… car ce sont des séries moins mises en avant. Il y a eu American Horror Story. La série était en marge avec ce que je pouvais voir. La saison 2 était marquante, la 4 également. IL y a des scènes qui ont marqué, des épisodes qui étaient des moments intenses. On a beaucoup parlé de Westworld pendant sa diffusion de la saison 2. Il semblerait que chaque épisode était un petit événement… Etant totalement hors du buzz des séries qui le font ces dernières années, je n’ai vécu depuis 2/3 ans que peu de moments intenses. Il y a eu une fin d’épisode de This Is Us où j’étais assez bouleversé parce que la scène m’avait profondément touché. Mais en tant qu’épisode, plus rien ne semble marcher sur moi.

Ne regardant pas Game Of Thrones je ne peux pas vivre en même temps que les fans les événements extraordinaires de la série, seule encore à même de créer un phénomène de buzz. Mais je suis certain que parmi les 450 séries diffusées chaque année, il y a une personne qui ressent ce que j’ai expliqué plus haut et ce, pour des séries moins enclines à produire de l’événement.

Alors finalement qu’est-ce qui fait d’un épisode un moment ? Le rythme soutenu, des personnages utiles et bien utilisés, une intrigue prenante et une fin qui permet de ponctuer le tout. La fin de la saison 2 de The Office a réussi le pari de faire d’une comédie, un moment intense. La romance entre Jim et Pam passait enfin la vitesse supérieure et je dois le dire, c’est une des plus belles histoires d’amour des séries télévisées. Je ne parle pas du ronronnement des dernières saisons mais au moins, pour cet épisode, il fallait les voir se chercher pendant une saison et demie. Le principe de faux documentaire renforçait cet aspect de voyeurisme et d’intimité brisée et rendait cette histoire attachante et hautement mignonne et romantique. Dans cet épisode final qui  était l’accomplissement de quelque chose, le sériephile devient témoin de quelque chose et c’est souvent le cas lors d’épisodes spéciaux. Il devient témoin d’un évènement qui le marquera plus que raison. Si l’écran s’éteint est-ce une raison d’oublier ce qu’on a vécu devant lui ?

https://www.youtube.com/watch?v=EjJ7gy17y_c

Le spectateur se rue sur Twitter pour partager son avis et se retrouvera bien souvent hors du temps, parce qu’il a regardé l’épisode avant/après tout le monde, parce que le buzz est passé ou tout simplement parce que la « masse » n’a pas encore vu et réagi comme lui.

Cette fusion dont on parle, c’est celle de la série avec son spectateur, celle où on peut rendre l’instant palpable où la série crée un sens qui va au-delà du simple divertissement. De cette fusion nait un partage avec les autres spectateurs, la notion de moment intime avec la série devient un mouvement social où l’idée d’avoir vécu un « moment » avec sa série fait date.
Finalement ce qui ressort de l’article est la notion de partage / fusion assez importante. Si l’envie de partager se fait sentir c’est que l’épisode a atteint son but. Je regardais Scrubs à une époque ou plus personne ne semblait savoir qu’elle existait. Je matais deux ou trois épisodes avant d’aller au travail et le plus souvent, la morale de l’épisode impactait le reste de ma journée. Quand l’épisode du frère de Perry est arrivé (My Screw Up, 3×14), ce fut un choc et revenir à la vie « normale » juste après était étrange. Episode sensationnel et troublant, cet épisode prouve qu’une comédie peut offrir 20 minutes parfaites.
Grand fan de Community, c’est sur la durée que j’ai pris mon pied véritablement et si le déclic a été fait avec l’épisode d’Abed en Batman (Introduction to Statistics, 1×07), c’est l’épisode spécial Paintball qui m’a a scotché (Modern Warfare 1×23). Community était née et c’était un beau bébé. 20 minutes d’écriture soignée me poussent souvent à parler de la série mais avec peu d’échos. Série méconnue, Community mourrut dans l’indifférence générale mais pas dans le coeur de sériephiles assidus. Mais quand une série comme Community devient moins bonne, que la surprise n’est plus là, que la série peine à convaincre à nouveau, on ne peut se poser qu’une question : quand une comédie n’est pas drôle, est-ce qu’elle est mauvaise?
American Horror Story a vécu, le meilleur est derrière elle. Quand une série qu’on suit devient moins intéressante, comment lui dire au-revoir?

A suivre.

Partie 1 : Le constat – être sériephile

Partie 2 : La rencontre – Le pilote 

Partie 4 : L’évidence – Quand ça devient moins bien

Partie 5 : Le deuil – La fin d’une série

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *