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Festival de la Roche-sur-Yon : critique d’Eden, de Mia Hansen-Love

Ni film musical à part entière, ni vrai-faux biopic, « Eden » brouille les pistes et ne se révèle pas à la hauteur de sa délicate photographie. En reste une BO pointue qui fera fondre les nostalgiques.

L’histoire récente musicale française est compliquée à couvrir, et encore plus la nébuleuse « french touch » qui a vu une poignée d’artistes électro français passer de l’underground au mainstream et ramener leur son de house, funky et érudit, sur la FM et sur les dancefloors du monde entier. Une tempête à peine effleurée par « Eden » qui choisit de raconter le parcours de Paul, DJ de son état, sur une quinzaine d’années, avec des fréquentations faisant partie du milieu.

La nostalgie est une corde tenace, et quelques scènes d' » »Eden » montrent la réalité du monde de Paul : un voyage en forme de pélerinage à New York et Chicago en compagnie de sa copine, Louise à la rencontre du mythique producteur Terry Hunter. La disco élégiaque et alors omniprésente de « One More Time » qui envahit une gigantesque party new-yorkaise, de nature à filer des frissons ; les soirées « Respect » reconstituées au millimètre ou encore les prémisses de la garage house londonienne…. Mia Hansen-Love et son coscénariste (par ailleurs DJ) Sven Love savent caresser l’auditeur/spectateur dans le sens du poil. « Eden » puise ses forces et son énergie dans les beats et l’originalité de traiter de ce monde si proche, mais pourtant si loin, à l’heure des Boys Noize et autres Gesaffelstein.

Pas d’effets stroboscopiques et autres clichés de films de dance : le mode « sex, drugs & rock’n’roll » est abordé de façon tantôt sérieuse (liée à l’addiction de Paul), tantôt en troisième plan. Pas de volonté de sensationnaliser les choses en créant des perosnnages de junkies artificiels. Il faut aller chercher du côté des films de la Generation X et ses bandes de potes pour trouver des rapprochements cinématographiques à « Eden », comme « Dazed & Confused ».

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Crédit : Ad Vitam

La bande-son de « Eden » compte bien sûr sur les Daft Punk, qui est l’angle (un peu facile) retenu par les médias pour différencier le film des autres sorties ; mais les Hansen-Love traitent la présence du duo casqué comme une note de bas de page, de manière aussi astucieuse que respectueuse. Et ils ont le bon goût de ne pas gâcher les utilisations de titres du duo versaillais : l’incrustation de « Veridis Quo » dans une scène de spleen noire pour le personnage de Paul est une des meilleures idées du film.

Vincent Macaigne, excellent en second rôle d'animateur radio qui prend Cheers sous son aile. (Crédit : Ad Vitam)
Vincent Macaigne, excellent en second rôle d’animateur radio qui prend Cheers sous son aile. (Crédit : Ad Vitam)

Hélas, « Eden » tourne très vite court une fois son troisième acte entamé. Et c’est là où la reconversion et les malheurs sentimentaux de Paul se font jour. Beaucoup de personnages évoluent sans lui, et outre le curieux choix de ne pas faire ressentir le temps qui passe à ses acteurs, le film baigne dans un pathos personnel qui nous éjecte en dehors du film. Une gueule de bois assez singulière ajoutée à une dernière scène d’une prétention rare qui font perdre le souffle à « Eden ». Des talents comme Félix Givry ou Pauline Etienne n’en ressortiront pas ridiculisés, bien au contraire : mais l’angle de bandes de potes parisiens qui ont vécu des soirées mythiques aurait mieux gagné à être creusé, et accoucher de séquences aussi singulières que son pitch de départ.

Sortie le 19 novembre.

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