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Christopher Eccleston parle The Leftovers et bien d’autres choses

Dans le cadre du Festival Séries Mania, nous avons eu la chance de rencontrer Christopher Eccleston, alias Matt Jamison dans The Leftovers, mais aussi un acteur à la carrière riche, dense, éclectique, du TARDIS à la cour britannique, en passant par le Marvel Cinematic Universe. Interview.

Christopher Eccleston semble déjà fatigué par toutes les festivités et promotions autour de The Leftovers, dont la saison 3 est, rappelons-le la figure de proue de ce 8e Festival Séries Mania. Mais en gentleman, il est cordial, accueillant, agréable, sympathique, souriant, bref, un vrai Britannique. Outre The Leftovers bien sûr, il répond sur tout, sauf sur Doctor Who, pour laquelle il garde un affect paradoxal, celui du bonheur d’y avoir joué mais la rancoeur dans laquelle il a quitté la série, et nous éconduit poliment et gentiment. Et en filigrane, à 53 ans, nous dit ce qu’il en est d’être un acteur et de la difficulté d’être acteur aujourd’hui.

Comment décririez-vous Matt Jamison dans The Leftovers ?

Très humain, ce qui veut dire qu’il a beaucoup de défauts, déterminé, irascible, contradictoire, emmerdeur (rires), aimant, en colère, violent… C’est un personnage très dramatique, il s’est impliqué toute sa vie, il a embrassé passionnément la voie religieuse, il a souffert d’une grande tragédie… C’est un très bon personnage pour le genre dramatique.

Matt représente une religion au pouvoir relatif dans la série, notamment parce qu’elle est concurrencée par les Guilty Remnants. Comment diriez-vous qu’il s’inscrit dans la série, et quel message peut-il apporter ?

Hmm… Je pense que le personnage de Matt, dans le spectre dramatique, fonctionne comme un outsider, et notamment dans le pilote de la série, où il est presque comme un virus : il pue, il crée énormément de douleur chez les gens, dans leurs vies, c’est un bouc émissaire, et il se fait bouc émissaire. Les personnages les plus en contact avec lui sont sa soeur Nora, et Kevin, qui ont une drôle d’affection pour lui. Et je pense qu’il les fait réfléchir sur leurs propres vies. Mais c’est un homme très, très compliqué.

Où diriez-vous que sa trajectoire doit l’amener ?

Je pense que dans les deux premières saisons, Matt était très concentré sur son propre microcosme, sa relation à la foi, à sa femme, à sa congrégation. Je pense que dans la saison 3, il y a quelque chose de très significatif dans le fait qu’il quitte les Etats-Unis, ce qui est très inhabituel dans un show américain, quitter le sol américain comme nous le faisons, et je pense que cela a un impact sur Matt dans le sens où il commence à penser sur un monde plus large, et il a une vision plus macrocéphale.

Considérant la fin de la saison 2, pensez-vous qu’il a trouvé sa voie, après avoir été contraint à tant de compromis ?

Oui, je pense que Matt, comme tous les personnages, réussit toujours à trouver sa voie… pour le reperdre, puis le retrouver ensuite (rires). Et comme le disait John Lennon : « la vie est ce qui vous arrive pendant que vous faites d’autres plans » (sourire).

La série a ce caractère très dense, presque lourd, c’est une atmosphère particulière. Comment décririez-vous la série, et qu’est-ce qui vous a attiré ?

J’ai été surpris par la réception de la saison 1, parce que les gens ne semblaient pas ressentir l’humour. Les gens décrivaient la série comme « lourde », je ne la vois pas du tout comme ça, je la vois comme très drôle, comique, comme la vie, c’est aussi la vision de Damon Lindelof. C’est une tragi-comédie, et c’est ce qui m’a attiré dedans : comme lecteur, comme possible spectateur, je ne savais pas vraiment quel serait le ton de la série, il y a une incohérence, un décalage satisfaisant, par moments, dans le show, qui, je pense, reflète la vie, c’est très sophistiqué. A la télévision, on tâche souvent de mettre des choses dans des boîtes, des genres, mais je pense que la série défie les boîtes et les genres, et c’est très satisfaisant d’en faire partie.

Décrivez-nous un peu l’ambiance sur le tournage

C’était génial ! Il y avait un bon feeling général chez tout le casting. Evidemment, Justin et Carrie sont les personnages principaux, mais il n’y avait aucun sentiment de division. Par moments Carrie et Justin se retiraient, et d’autres acteurs comme moi-même ou Ann Dowd faisions notre entrée. C’était une très belle expérience. Et cela va nous manquer, de faire cette série. De très belles amitiés se sont créées.

Vous faites partie de ces acteurs britanniques partis aux Etats-Unis pour faire carrière. Est-ce un passage obligé selon vous ?

Vous savez, je viens d’un petit pays, d’une petite industrie, il y a énormément d’acteurs, et c’est très compétitif. Donc vous devez, comme acteur, aller où le boulot se trouve. J’ai bossé ici, en France, en Amérique, en Roumanie… J’aime aller en Amérique, passer des castings, ça ne me dérange pas d’en passer, c’est ce que j’ai fait en grandissant. En Amérique, je ne suis pas catalogué comme je le suis en Grande-Bretagne, je peux jouer n’importe quel rôle. Alors qu’en Grande-Bretagne, je dois rester, dans une certaine mesure, avec ma « classe », et c’est très frustrant.

Vous avez une carrière impressionnantes avec un nombre de personnages très différents, comme le Duc de Norfolk, le Docteur, Matt Jamison… Comment choisissez-vous vos rôles ?

D’habitude, par le script. Mais il y a eu quelques exceptions où je n’ai pas vraiment regardé le script, j’ai surtout pensé à l’argent, et je finissais par faire une mauvaise performance, mais je gardais l’argent (sourire). Généralement, je choisis par le script. Quel que soit le réalisateur, le talent des autres acteurs, si le script n’est pas bon, je n’ai aucune chance. Un bon script peut rendre un mauvais acteur bon, mais un bon acteur ne peut pas rendre bon un script mauvais. Le scénariste est le plus important. Les mots sur papier sont ce qui me font prendre une décision.

Préférez-vous jouer au cinéma ou à la télévision ?

J’aime tout faire ! Je pense que le cinéma et la télévision, comme médias, sont une affaire de réalisateurs et de scénaristes, tandis que le théâtre est une affaire d’acteur. Donc évidemment, j’aime pouvoir faire tous types de performances, qu’elle soit vivante, hors des sentiers battus… Quand j’ai décidé que je serai acteur, je pensais être un acteur de théâtre, je n’aurais jamais pensé que je me retrouverais devant une caméra.

Vous avez joué avec David Cronenberg sur eXistenZ. Pourriez-vous nous décrire ce qu’il en était, et comment était David Cronenberg ?

David est extrêmement intelligent. Très, très, très drôle, très sensible, il comprend vraiment le travail des acteurs, le boulot des chefs-opérateurs et des directeurs de la photo, il est très respectueux de la contribution de chacun, très démocratique, très singulier. C’est un super mec.

Vous êtes peut-être au courant qu’il a déclaré préférer se consacrer à l’écriture de livres, plutôt que réaliser, notamment parce qu’on ne lui accorde plus vraiment de fonds… 

Il a dit ça récemment ? C’est une tragédie pour nous tous. Parce que nous savons tous que c’est un excellent écrivain, mais aussi un excellent réalisateur, un excellent directeur d’acteurs… J’ai vu tout ce qu’il a fait. C’est un type magnifique.

A propos de Doctor Who, avez-vous continué de suivre la série ?

Non, non, j’ai fait la saison que j’ai faite, j’ai adoré le personnage, le jouer, j’ai vu l’épisode anniversaire avec David, Matt, Peter, et je pense que ce sont de très bons Docteurs.

Vous ne verrez donc pas le reste ?

Je pense que je regarderai un épisode pour voir où mon vieil ami le Docteur en est (sourire). C’est du passé pour moi (sourire)

Vous avez joué dans Thor 2, dans le Marvel Cinematic Universe. Quelle expérience en avez-vous retiré, et pensez-vous que ce soit un bon plan pour les acteurs, aujourd’hui ?

Oui je pense. Avec cela, vous vous présentez à un public plus large, et si ces films sont bien faits… La meilleure manière de faire des films adaptés de comics est celle que l’on adopte pour faire n’importe quel film. Si vous faites un film adapté de comics, que vous voulez le faire bien, vous devenez obsédé par l’aspect visuel, notamment. Et le public ne laisse pas son cerveau à l’entrée : ils veulent le visuel, l’action, mais aussi que leur intelligence soit respectée. Donc il est important que le film ait un visuel ultra-solide, c’est ma vision, et même parfois, les scripts sont très solides, comme dans Masters of the Universe (film de 1987, ndlr). Mais parfois les scripts de ces films se perdent, et là ils ont des problèmes (sourires). Donc c’est une très bonne opportunité pour les acteurs, vous avez de très bons personnages, regardez la brillante performance d’Heath Ledger en Joker, les gens ne s’attendraient pas forcément à un truc pareil de la part d’un film Batman.

Vous-même êtes un fan de comics ?

Je l’étais quand j’étais plus jeune, moins quand je devins adulte. Un très bon ami à moi, réalisateur et scénariste, l’était bien plus, il connaissait des comics de divers horizons. Je ne me rappelle plus les titres, mais je les lisais quand j’étais plus jeune. Mes comics préférés était « The Beano » et « The Dandy ». Et d’ailleurs, le film Inside Out, de Pixar, se basait sur une histoire parue dans « The Beano » ou « The Dandy », parue dans les années 60-70, qui m’avait obsédée. Et il devrait en avoir le crédit.

Merci infiniment au Festival Séries Mania de cette possibilité d’interview ! Le festival, où nous faisons partie du jury blogueurs, a commencé hier, et finit le 23 avril. Si vous êtes sériephile, ne manquez pas d’y aller !

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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