Sériephilie

[Retro-Manga] Pourquoi il faut (re)voir Death Note

   Le 4 février dernier, l’éditeur Shueisha a mis en ligne gratuitement et en anglais le nouveau one-shot « Death Note » de Tsugumi Oba et de Takeshi Obata. Ce qui est pour nous l’occasion de revenir sur l’un des plus grands mangas du début du XXIème siècle. Que dis-je… Probablement l’un des plus grands mangas de tous les temps.

Toujours aussi énigmatique, cette œuvre n’a pas cessé de soulever bon nombres de questions, aussi bien du point de vue existentiel que du côté de sa narration. Car même si cette histoire repose sur de nombreux aspects métaphysiques, elle s’inscrit pourtant bien dans notre époque, à ce qui nous touche au plus près, d’où cette fascination incroyable qu’elle exerce encore.

Attention, cet article comporte bon nombre de gros spoilers. Merci de ne pas poursuivre la lecture si vous voulez garder la surprise.

    Les premières pages du manga paraissent au Japon dans le Weekly Shonen Jump de décembre 2003 à mai 2006, à une époque où internet n’était même pas encore dans nos mœurs. Je dis internet car le héros de l’histoire, Light Yagami, ne manquera pas une seule occasion de se servir du manque de « preuves » pour mener à bien ses desseins. Car oui, un lecteur lambda, quand il ne connaît pas l’histoire de « Death Note », pense qu’il s’agit d’un lycéen qui s’amuse à tuer des gens via un cahier magique. Mais non. Quand on ouvre les première pages du manga, difficile de ne pas se sentir happé par l’histoire digne d’un roman policier. La narration est très serrée, pleine de rebondissements, et on n’a pas du tout l’impression d’avoir entre les mains l’énième histoire d’un lycéen qui souhaite avoir de super pouvoirs. Light Yagami est un jeune homme surdoué mais il a un premier grand défaut : il s’ennuie. Lorsque Ryuk, un Shinigami venu d’un autre monde, jette un « Deah Note » sur Terre pour savoir quel humain va le récupérer, il ne se doute pas qu’il se trouvera une personne de choix en Light Yagami. Ryuk s’ennuie lui aussi, et il aime voir les humains s’entre-tuer rien que pour se « divertir ». Light va s’en servir car il a un autre défaut, pour ne pas dire un pêché : celui de l’orgueil. Il va éliminer les plus grands criminels de la planète non pas par amour de la justice, mais pour devenir un Dieu. Il se fait surnommer « Kira », car ce terme japonais se rapproche du terme « Killer » en anglais. Jamais il ne ressent le moindre remord, la moindre compassion quand il tue. Pour lui, ses actes sont pleinement justifiés, car il « purifie le monde ». D’où cette question insondable : Light est-il une bonne ou une mauvaise personne ? 

Death Note

    Sur sa route, il va croiser  le plus grand détective du monde en la personne de L. Impossible de faire l’impasse sur ce personnage emblématique, à l’intelligence hors du commun. À noter que l’auteur du manga Death Note,  Tsugumi Oba, lui ressemblerait beaucoup. Tout comme L, Tsugumi n’est qu’un nom d’emprunt pour un auteur qui souhaite demeurer totalement anonyme. Selon l’éditeur de la Shueisha, cet auteur ressemblerait physiquement à Near, et « tout comme le personnage de L, il se tient souvent sur une chaise en repliant ses genoux, en particulier lorsqu’il a écrit le scénario de Death Note»* Il n’y a pas à dire, un véritable cerveau est derrière la narration. Même l’ajout d’un des rares personnages féminins de l’histoire, Misa Amane, ne se contente pas de tenir uniquement le rôle d’une jolie fille : elle possède les « yeux de la mort » au prix de la moitié de sa durée de vie, et incarne à elle seule un dangereux « deuxième Kira ». Light, quant à lui, va devoir doubler de ruse et de prudence pour ne pas se faire prendre, face à un L bien plus intelligent que lui. Ce manga n’a rien d’un simple shonen : c’est un polar à l’ancienne, bien ficelé. Les duels psychologiques entre Light et L n’ont rien à envier à un choc entre Sherlock Holmes et Moriarty. Certains passages demeurent à tout jamais cultes, comme la prise d’otages dans le bus, l’élimination de l’agent du FBI dans le métro, ou l’exécution de sa femme qui en savait trop… Et que dire du moment où le « deuxième Kira », à savoir Misa, fait une déclaration en direct sur Sakura TV, et que toute personne accourant devant le siège de la chaîne de télévision tombe raide morte… Le récit est si rondement mené qu’il frôle la perfection. Et si l’animé vous intéresse, foncez. Il est tout aussi parfait. 

Death Note

    Cependant, beaucoup diront que l’histoire traîne en longueur suite à la disparition de L, remplacé par un Near loin d’être aussi charismatique. Mais c’est lui qui va sceller le destin de Light qui, trop aveuglé par son propre orgueil, ne verra pas le piège final se refermer sur lui. (Il est possible aussi que Light ait perdu la raison à force de tuer des gens). La fin de Death Note a pu en décevoir plus d’un car c’est Light qui finit par perdre. Mais c’est peut-être plus réaliste ainsi : nous ne pouvons pas faire justice nous-mêmes impunément. On ne peut rien contre « l’ancienne justice », qui certes, comporte bien des failles… Mais plus sérieusement, de quelle justice parle-t-on ? Même les agissements de L et de Near bafouent les droits de l’homme en voulant arrêter Kira. Et Light, dieu auto-proclamé qui juge l’humanité, n’est-il pas du bon côté, malgré ses actes expéditifs ? Impossible de répondre clairement à cette question du bien et du mal. Mais une chose est sûre : un humain ne doit pas se prendre pour un dieu, car c’est ce dieu qui finit par le punir. En plus de l’orgueil, on peut parler de « l’hybris » présent dans les tragédies grecques : les Dieux ne manquaient jamais de gravement punir les héros chez qui elle se manifestait. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que Ryuk lui-même tue Light en inscrivant son nom dans le Death Note. C’est toute une symbolique.

Death Note

    Pour ce qui est du One Shot, nous vous en proposerons une analyse plus poussée, et vous pouvez d’ores-et-déjà lire cette oeuvre en anglais ici. Mais en ce qui concerne les grandes lignes, ce one-shot concerne Minoru Tanaka, lui aussi lycéen, qui se verra confier un death note par le même Ryuk. Celui-ci compte bien l’utiliser, mais pas du tout de la même manière que Light Yagami…

https://www.youtube.com/watch?v=8QE9cmfxx4s

 

 

* Source : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Tsugumi_%C5%8Cba 

 

Rebecca

Juste une Otaku qui a chopé le virus de la Japanimation et qui ne guérira jamais ! Egalement incurable en ce qui concerne le cinéma, les blockbusters, les comics et la littérature

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