On a terminé

The Walking Dead, à mi-parcours

Break hivernal oblige, les zombies de The Walking Dead désertent nos écrans jusqu’à la mi-février. De quoi prendre le temps de revenir sur cette première moitié de saison 6 et faire le point.

Que dire sur ce que nous a proposé la série la plus populaire (si ce type de considération a le moindre sens) du moment cet automne 2015 ?

Au début, ça n’avait pas forcément été évident. On sortait à peine de son Spin Off californien, la temporalité n’était pas très claire et les flashbacks sensés combler le saut temporel pas toujours lisibles. Les wagons se sont néanmoins assez rapidement raccrochés et on était partis pour un nouvel arc narratif, sorti un peu d’un chapeau, il faut bien le dire, mais qui avait l’avantage de situer les personnages immédiatement dans l’action. Les cartes s’en sont vite retrouvées totalement redistribuées, puisque le groupe s’est dispersé par la force des choses et les enjeux sont d’un coup montés d’un cran en intensité et en dangerosité.

Si l’on acceptait cette mise en place, on ne pouvait que se réjouir de l’accélération de rythme qu’elle permettait, ainsi que des potentialités qu’elle ouvrait pour le reste de la saison. Finies les scènes de retour plus ou moins méfiant à une forme de banalité, l’approvisionnement, la cuisine, l’installation, les relations de voisinage et l’organisation démocratico-participative. L’action, le danger et les zombies reprennent le pas sur le flottement dans lequel nous avions laissé la série en fin de saison 5 pour ne plus la quitter durant 8 épisodes.

Si, par contre, les prémisses nous paraissaient problématiques au départ, c’est l’ensemble de l’arc narratif de cette première partie de saison qui s’en retrouvait entaché. En effet, que l’on considère le plan de Rick fondé et bien pensé ou pas, la lecture que l’on donnera à la suite des évènements change du tout au tout. L’énervement face à l’énorme gâchis mis en œuvre volontairement n’a alors d’égal que les insupportables excuses des habitants d’Alexandria, qui sont pourtant les plus nombreux à en faire les frais, et la légitimation de Rick en leader naturel, une fois de plus.

AMC
AMC

Or, le plan en question était loin d’être incontestable. Sa finalité reste d’ailleurs assez floue puisque nous n’aurons jamais l’occasion d’en voir la réalisation. Mais plus que tout, il paraissait inutilement dangereux et son échec quasiment assuré, ce qui confère à l’ensemble de l’intrigue un caractère artificiel, car fondée sur une construction destinée à s’effondrer. Et plus on avance dans The Walking Dead, moins l’échafaudage narratif qu’elle monte arrive à cacher les intentions de ses créateurs.

Besoin de prouver que le groupe originel avait raison de rester sur ses gardes plutôt que de se soumettre au processus de décision régissant la vie des habitants de cette nouvelle ville, découvrons une carrière grouillante de « marcheurs » ; envie de confronter les points de vue sur la « peine de mort », expliquons comment tel personnage a pris la décision qu’il ne tuerait plus ; volonté de démontrer que cette position humaniste est dangereuse, vous rigolez ou quoi, c’est pas comme si il n’était pas couru d’avance que le bénéficiaire de cette générosité finirait par se libérer. Ah, et puis bien sûr, il serait temps que notre héros retrouve un semblant d’intérêt amoureux parce que là on arrive à cours de supports émotionnels, et puis faut bien que quelqu’un s’occupe du bébé !

Mais évidemment, la ficelle la plus grosse, que dis-je, la couleuvre qu’on a voulu nous faire passer cette mi-saison, sans même prendre soin d’en camoufler un tant soit peu les motivations, c’est la mort – sauf que non en fait – d’un de ses personnages historiques. Peu importe les explications vaseuses apportées pour justifier cette scène en fin d’épisode 3. La prolongation du suspens sur plusieurs semaines par la suite démontre les motivations réelles des scénaristes et le peu de cas qu’ils font de leur public. La manipulation était facile et vulgaire et ça s’est vu !

AMC
AMC

Au final, je crois donc pouvoir dire qu’en ce qui me concerne l’ennui ne s’est réduit que pour laisser place à l’énervement. La clarté des intentions scénaristiques n’ont d’équivalent que l’unilatéralité du propos qu’aucune subtilité ne semble pouvoir modérer. Chaque espoir de voir le point de vue misanthrope et paranoïaque des héros démenti ou contrebalancé par une position opposée se voit systématiquement déçu, les nouveaux arrivants se dévoilant les uns après les autres comme autant d’occasions d’en confirmer la pertinence. La générosité est faiblesse et l’humanisme, inconséquence dont le prix à payer est toujours très lourd collectivement.

Sans doute peut-on douter de la portée de ce message lorsqu’il s’appuie sur les ficelles aussi grosses. Peut-être aussi la série finira-t-elle par démonter ce discours paranoïaque en changeant le regard qu’elle porte sur ces personnages. Je crains cependant que l’espoir soit en réalité assez faible. Alors que les personnages qui ont la faveur du public sont ceux qui restent le plus en retrait sur ce point idéologique, se contentant de faire ce que d’autres s’occupent à justifier, on comprend, en effet, assez mal pourquoi The Walking Dead s’obstine à alourdir ses intrigues de discours et nombreux débats s’il n’y avait là aucune prétention à porter un propos.

La suite, en février.

Rose Digitale

Sériephile pathologique, également auteur d'un podcast sur les séries : http://seriesfolie.be/podcasts/feed/

4 réflexions sur “The Walking Dead, à mi-parcours

  • Ces décisions chaotiques sont un effet stylistique propre aux séries qui a pour but de relancer la tension narrative. Si les protagonistes ne prenaient que des décisions rationnelles, il n’y aurait pas beaucoup de saisons ! C’est The Rules of Drama (http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/RuleOfDrama)… moi j’appelle ça la règle du bordel permanent.

    Répondre
    • Rose Digitale

      OK. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas ici d’une décision irrationnelle. Au contraire, c’est un plan organisé et débattu dont le but purement utilitariste est de minimiser les chances de se retrouver envahi par les zombies accumulés. Par ailleurs, à aucun moment ce plan est remis en cause comme étant une mauvaise décision mais tout le monde continue à soutenir qu’il n’y avait pas d’autre choix au point de reconnaître son instigateur comme un visionnaire.

      Répondre
      • Je comprends tout à fait ton point de vue. Je vais être plus nuancé cependant car je pense me souvenir que le plan ne faisait pas forcement l’unanimité au début. Je me suis moi-même posé la question de savoir si c’était justifié ou non scénaristiquement. Je pense que ça l’est dans la mesure où le groupe de Rick tente d’être proactif face à un problème qui va inévitablement leurs tomber sur la gueule (il faut se rappeler que c’est la chute du camion qui décide de l’exécution du plan). Ce qui est intéressant avec cette intrigue, c’est que 6 ans après l’épidémie, le nouveau paradigme est accepté par l’ensemble de la population. Ils essaient de ne plus survivre en vivotant, la survie devient organisée. Cette intrigue tente de nous montrer ce que l’on pourrait appeler l’aspect « logistique » de la survie dans un monde qui essaie de se réinventer face à une situation sans précédent.
        Après, que l’on trouve le plan bon ou mauvais est une affaire de subjectivité. De mon côté je l’ai trouvé assez fun et audacieux, même si il est vrai, il aurait plus simple de foutre le feu à la horde quand elle était piégée… encore une fois, si c’était aussi simple, il n’y aurait plus d’intrigue :p.

        Répondre
  • Personellement j’ai décidé de regarder la saison d’un coup pour eviter les frustration.
    Au moins si ca m enerve ca m enervera 1 semaine et pas pendant 6 mois.
    Merci de ta critique hyper eclairante sans trop de spoiler.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *