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Ouija, les Origines : quand les préjugés s’écroulent

Aaaaaaah, les préjugés. J’ai horreur de ça, je suis le premier à gueuler quand j’entends dire du mal d’un film qui n’est même pas sorti. J’aime pas qu’on juge avant de voir, c’est un frein à la création, quand on est réalisateur il faut avoir les reins solides comme Paul Feig pour ne pas ceder à la panique. Et comme je suis un être plein de contradictions, j’avais forcément des préjugés en allant voir Ouija : les Origines, préquelle de la pire daube horrifique de l’an dernier.

Alors, forcément, en sortant du film, je me suis senti stupide. Ne jamais dire jamais ? C’est un peu la morale de la soirée. Ouija : les Origines n’est pas seulement meilleur que son grand frère, il est un vrai bon film de genre en lui-même. D’abord, il fait peur. Vraiment, l’ambiance est palpable et pleine de tension, les jumpscares sont très peu nombreux, les idées horrifiques sont suffisamment intelligentes pour que le manque de moyens, marque de fabrique de BlumHouse, ne se sente pas trop ressentir. La bouche de la jeune fille possédée s’ouvrant de manière démesurée quand le démon s’exprime, les différentes voix entendues dans les scènes de frayeur, les déformations physiques et autres cauchemars à la Matrix, tout est réussi et surtout bien dosé. Contrairement à son aîné, Ouija : les Origines ne se repose pas sur un seul concept et tente au final beaucoup de choses qui fonctionnent, et pas seulement d’un point de vue purement horrifique.

D’un point de vue scénaristique, on ose dire que le film va bien au delà des attentes. Vu le niveau du premier film (quelques jeunes filles bien jolies se battant contre un amoncèlement de clichés et d’effets dramatiques sans intérêt) et les habitudes du genre en général, on a souvent tendance à se contenter d’un scénario simple et solide quand James Wan n’est pas à la barre. C’était le cas de Sinister ou de La Dame en Noir, films considérés à raison comme des réussites malgré leurs simplicité évidente. Ici, non content de développer la mythologie du spectre, Ouija : Les Origines propose une très sympathique incursion dans l’Histoire, s’empare de son contexte temporel pour en extraire une esthétique visuelle et une caractérisation des personnages assez originales. On évolue vraiment dans le passé, pour une fois l’idée d’une préquelle n’est pas seulement commerciale mais trouve tout un intérêt artistique dans la construction d’un univers qui n’appartient qu’à lui et qui lui permet aussi de se placer ailleurs que les autres films du genre, souvent contemporains ou alors beaucoup plus loin dans l’histoire (l’Angleterre victorienne souvent, ou meme des temps presque immémoriaux). Le contexte spatial ne varie pas puisque les maisons de l’original et de celui-ci sont à priori les mêmes mais l’effort de reconstitution est assez présent pour ne pas se lasser de l’endroit.

Ouija : Les Origines
Une des bonnes idées du film !

Là où le film faiblit beaucoup, c’est dans son traitement référentiel. La mise en scène est classique, léchée, rappelle Wan mais le film montre des éléments horrifiques piochés un peu partout sans forcément les transcender comme pouvait le faire The Conjuring. La séquence de l’escalier presque un remake que le côté de L’Exorciste, la fillette a un jeu convaincant mais un peu emprunt à Dakota Fanning, les apparitions rappellent trop The Conjuring. Pourtant, quand Ouija : Les Origines a des idées, elles sont bonnes, comme le modus operandi du Démon qui prend Doris par la bouche (devenue donc démesurément grande) pour la faire exécuter ses quatre volontés. Inquiétant et dérangeant, le film fonctionne et ne se fait pourtant pas assez confiance pour ne fonctionner qu’avec ses propres idées. C’est dommage.

ATTENTION : À PARTIR DE CE POINT DE LA CRITIQUE ET JUSQU’À LA FIN DE CELLE-CI, DES SPOILERS APPARAISSENT. 

La préquelle, elle a aussi un intérêt dans les explications du premier film. On peut prendre l’exemple des suites des films déjà évoqués, à savoir La Dame en Noir : Ange de la Mort et Sinister 2 pour mettre en lumière qu’une suite ou prequelle explocatjve n’est pas toujours une bonne idée. Sinister 2 raccrochait les wagons de manière correcte mais y perdait son potentiel horrifique, quand La Dame en Noir 2 n’apprenait rien de nouveau au sujet du spectre et se contentait de placer des personnages bien écrits dans des situations assez proches de celles du premier film, se gardant bien de développer la mythologie d’un spectre qui en aurait eu fort besoin. Ouija : Les Origines est un film tout en un, s’empare de l’histoire pataude originelle pour y apporter des ramifications qui donnent envie au spectateur le plus dubitatif de s’y replonger. Expliquer l’histoire du Ouija en lui même aurait été une grave erreur et un nouveau procédé proche du whitewhashing en un sens, expliquer l’histoire de Doris permet de poser des bases plus américaines et contemporaines à l’histoire en posant éventuellement les bases d’un troisième volet. Le film de Flanagan fait tous les bons choix que ne faisait pas le film original, dans le sens où la prequelle trouve aussi tout son sens ici.

Ouija : les Origines
Il est beau ce démon.

On sait en effet les américains friands des traumatismes originels menant à l’apparition d’un Fantôme. Le cimetière indien est devenu un cliché presque running gag, le meurtre familial a déjà été trop exploré… Ouija : les Origines prend le gros risque de lier les Fantômes à l’Allemagne Nazie et ses débouchés contemporains, l’idée est ultra nanar mais suffisamment bien traitée pour offrir un vrai background convaincant au film. L’idée est que le Fantôme de Doris (spectre du premier film, donc), a été créé par l’action d’autres Fantômes. À ce niveau là, le film remplit bien sa fonction de prequelle : personnage principal de Ouija : Les Origines, Doris est morte encore possédée, la bouche cousue par sa sœur. C’est la raison de son modus operandi dans le film original. La scène est assez graphique, choquante, et plutôt osée pour un PG-13. La mère de Doris meurt, et sa grande sœur est en HP. Tout est prêt pour Ouija.

Toutefois, ce sont bien de nouveaux Fantômes qui tourmentent la famille de Doris. Loin de se reposer sur une éventuelle nouvelle prequelle, Ouija : les Origines tente aussi d’expliquer d’où ils viennent. Je reverrai le film pour m’en persuader, mais les justifications données sont pour moi assez floues pour élaborer des théories. 1h30, c’est court, trop pour ce que le film met en place. Ma théorie principale est que la maison, comme le montre notamment le nombre de squelettes dans la cave, contient en fait plusieurs esprits. L’esprit principal, celui qui possède Doris, est le savant fou nazi qui cousait la bouche de ses victimes. Ainsi, coudre la bouche de celui qu’il possède aurait dù suffire à conjurer le sort, c’est ce que pense la sœur de Doris au moment de commettre cette acte. Mais on sait que le corps de la petite fille a disparu dans l’épilogue, et que c’est elle qui hante la maison dans Ouija. Le sort n’est donc pas conjuré, l’esprit est même plus puissant puisqu’il parvient dorénavant à faire subir des sévices physiques à ses victimes. L’inconnue est donc la suivante : pourquoi le spectre du père de Doris apparaît il à sa sœur pour lui dire de coudre la bouche de la possédée ?

Ouija : les Origines
Sauf erreur, je n’ai pas vu ce plan de la bande-annonce dans le film. A voir.

Plusieurs explications sont possibles, à l’issue du film. La plus simple, c’est que le père a fait une erreur : conjurer le sort en miroir classique aurait du fonctionner, mais ça n’a pas été le cas. Mais l’explication ne me satisfait qu’à moitié. J’ai cru remarquer que dans la scène finale, l’esprit ne se défendait qu’à moitié, alors qu’il le sait au fait de sa puissance, il passe meme aisément d’un corps à l’autre. Ma théorie, c’est que l’esprit a fait exprès de subir cette intervention, et que l’apparition du père était en fait soit une hallucination comme on sait que l’esprit peu en provoquer (puisqu’il parvient à faire croire à un personnage que sa bouche a disparu), soit une manipulation de l’esprit réel du père, comme on sait qu’il a pu en pratiquer sur les esprits de ses victimes. Toujours est il que le plan semble bien huilé et qu’il est bien agréable d’avoir dans un film un esprit aussi retors.

En salles aujourd’hui, le film est une excellente surprise, à voir bien vite !

AMD

Adrien Myers Delarue

Résidant à Paris, A.M.D est fan de Rob Zombie, de David Lynch et des bons films d'horreurs bien taillés. Sériephile modéré, il est fan de cultes comme X-Files, Lost, ou DrHouse, ou d'actualités comme Daredevil ou Bates Motel.

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