Agatha : un texte méconnu de Marguerite Duras adapté au théâtre

1

Agatha est jouée depuis quelques jours au Café de la Danse. Cette pièce mise en scène par Hans Peter Cloos (auquel on doit maintes adaptations de classiques, notamment Shakespeare) est l’adaptation d’un texte méconnu de Marguerite Duras et raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur qui se retrouvent dans leur maison d’enfance au bord de la mer. Ce frère et cette sœur, joués par Florian Carove et Alexandra Larangot, sont – c’est le moins que l’on puisse dire – proches. Très proches.

Marguerite Duras a écrit Agatha en 1981. On connaît le talent de l’auteure de L’Amant et d’Hiroshima mon amour pour écrire sur l’amour, mais l’amour dramatique, l’amour compliqué. C’est l’amour interdit qu’elle aborde dans Agatha en mettant en scène ce frère et cette sœur qui s’aiment passionnément et au-delà de la morale. Dans cette maison d’enfance délaissée sont réveillés les souvenirs de ces rapprochements qui ne devaient pas être, de cette relation incestueuse qu’ils ne nomment pas mais qui est omniprésente.

Au moment où Agatha commence, on ne connaît pas la nature du rapport entre les personnages. Le texte de Duras nous dit simplement qu’on « dirait » que l’homme et la femme « se ressemblent ». Rien de plus. L’un des grands intérêts de la pièce est de découvrir comment les personnages finissent par révéler leur vraie relation. À l’aide de quels mots, de quels souvenir… Et comment ces mots, ces souvenirs indicibles, sont finalement mis au grand jour.

C’est bien sûr la gêne que Hans Peter Cloos a voulu créer avec une mise en scène hyper travaillée qui n’oublie aucun détail. Un salon, quelques portes pour aller et venir, beaucoup d’accessoires dont certains absurdes tels qu’une poupée, un couteau, des costumes ridicules… L’homme se déguise en fille pour signifier un rapprochement contre nature, il se maquille comme un clown. Les personnages font saigner la poupée, mettent des masques, se déshabillent, se rhabillent et ainsi de suite… L’absurde est au cœur de la mise en scène d’Agatha. On note aussi un côté « scary circus » à la Ça, avec une petite musique bien flippante façon comptine pour enfants. Des images bizarres projetées sur les murs, etc. Aucun souci : le travail de mise en scène est là, c’est indéniable. Dans le cas d’Agatha, elle serait presque une œuvre à part entière, capable d’être détachée du texte, signifiante par elle-même. 

Pour cette adaptation d’Agatha, Hans Peter Cloos a choisi d’accentuer le côté absurde et déjanté, pour mettre en lumière la folie de ce frère et de cette sœur. Ils sont fous d’entretenir cette relation et les éléments sont là pour nous le rappeler à chaque instant. Un choix esthétique qui se comprend et sera apprécié par les amateurs de théâtre hyper travaillé. Mais cela sert-il le texte ? Les mots de Duras n’auraient-ils pas mieux conservé leur force au cœur d’une mise en scène plus minimaliste ? Car c’est la question posée : sont-ils fous ? L’immoralité est là, mais cette relation est insupportable parce qu’elle a les deux pieds dans le réel. La réalité de ce frère et de cette sœur qui doivent se séparer et vivre leurs vies amoureuses respectives mais qui n’y arrivent pas.

Agatha est à voir quand on aime Duras, les mises en scène travaillées et les thèmes dramatiques un peu fucked up ! 😉

Plus d’infos sur le site du Café de la Danse.
Pour les curieux qui auraient envie de lire les premières pages du texte de Marguerite Duras : c’est par ici.

About Author

Un commentaire

  1. Cette adaptation n’est pas à voir quand on aime Duras car elle passe à côté de Duras. Pire, elle la nie. La mis en scène, bien qu’esthétique, gâche le texte. le côté burlesque du frère rend inaudible la force des sentiments qui les animent lui et elle. Car Duras ne condamne pas l’inceste. Au contraire. Comme l’écrit Laure Adler : « Sur l’inceste, Marguerite se montre violente, stigmatisant ceux qui le critiquent et interdisant à ceux qui ne le connaissent pas de pouvoir en juger. Plus elle vieillit, plus elle le considère comme un des modèles les plus achevés de l’amour. »

    Le jeu du comédien était trop grossier et son fort accent allemand créé une distance génante. Et comment l’expliquer d’ailleurs cet accent alors que sa soeur elle ne l’a pas et qu’ils ont toujours vécu ensemble ? Et les différences de physique entre les deux comédiens rend leur fratrie plus improbable encore alors même que Duras en prologue écrivait « Ils ont trente ans. On dirait qu’ils se ressemblent. »

    Ce texte beau, puissant, intriguant, aurait vraiment mérité une autre mise en scène.

Leave A Reply