Macha ou l’évasion, une douce utopie de Jérôme Leroy

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Macha ou l’évasion est paru l’été dernier aux éditions Syros. L’auteur, Jérôme Leroy, est reconnu pour ses romans d’anticipation et a signé notamment chez Gallimard. En couverture, une jeune fille à la chevelure sauvage, en jean, avec blouson et bottes en cuir. Au-dessus d’elle, des branches d’arbre laissent entrevoir un futur lumineux. Plongeons dans l’aventure de Macha.

L’histoire commence vers 2100 et des poussières. Macha-des-Oyats a 107 ans, elle vit dans la ZAD d’Equemauville sous l’ère de la Douceur. Sous cette ère, plus de société de consommation, plus de multinationales, plus de politiciens véreux, plus de nouvelles technologies abrutissantes… Les humains se regroupent dans des ZAD, sortes de villes écolo.

macha-evasion-couvDans celle de Macha, on vit dans des cabanes construites dans les arbres. Les ressources sont mises en commun, le savoir se diffuse librement. Un beau jour, trois jeunes débarquent et cherchent Macha : Silo, Nausicaa et Révolution (surnommée Révo). Ce sont des cueilleurs d’histoire, ils ont pour charge de recueillir les témoignages de vie des zadiens ayant vécu dans le monde de la Fin, avant que la Douceur ne s’instaure. Macha, au début plutôt récalcitrante, finit par coopérer et par les suivre dans leur ZAD de bord de mer, à Merlicourt, puis débute son récit.

On se retrouve alors en 2016, dans un monde si proche du nôtre, entre montée du nationalisme (avec le Bloc Patriotique), attentats terroristes, embrasement des cités. Macha est alors Marie Le Vigan. Elle vit dans une ville de province, dans un quartier bourgeois au côté de son beau-père riche, raciste et violent et d’une mère bipolaire et démissionnaire. Marie-Macha étudie à l’institut privé de Saint-Bénodet, aux côtés de camarades lisses et élitistes. Un beau jour, survient Karim, issu du programme d’insertion de quelques jeunes brillants des cités. Une grande histoire d’amour va naître entre Marie-Macha et lui. Marie-Macha va un jour en apprendre davantage sur ses origines et son histoire. Enfermée avec sa famille dans une Résidence fortifiée destinée à les protéger des attentats et de l’insécurité, elle n’aura plus qu’une idée : s’enfuir.

La description du monde utopique de la Douceur fait rêver et on se surprend à y croire ou du moins à l’espérer. Le monde apocalyptique de la Fin ressemble trop à notre monde actuel pour ne pas en être troublé. On reste cependant sur sa faim quand au réel passage, concret, d’un monde à l’autre dans Macha et l’évasion. On ne voit pas bien comment Bloc Patriotique, politiciens, multinationales, terrorisme, vont tous disparaître au profit de villages écolo de quelques centaines de personnes… Nous a-t-on caché une épidémie foudroyante touchant seulement « les méchants » ? Il est dommage que l’utopie ne se construise pas sur quelque chose de plus réaliste.

Le style de Macha et l’évasion est fluide, le roman se lit facilement, avec plaisir. L’alternance entre les récits du Monde de la Douceur et celui de la Fin fonctionne bien. De notre avis, très personnel, ce livre convient particulièrement à un public adolescent. Petit bémol, les références à des personnages d’autres livres de l’auteur (Norlande et La grande môme) sont maladroites et assez inutiles aux yeux du lecteur qui ne les connaît pas et ne comprend pas vraiment ce qu’ils viennent faire là. Autre bémol : une opposition très binaire entre les pauvres, solidaires et courageux, et les riches, ces bourgeois cupides et cruels, racistes et égoïstes, qui paraît assez injuste et naïve.

Au final, Macha et l’évasion un livre intéressant qui laisse l’impression d’un doux rêve en cette période de grisaille et de morosité ambiante…

Ils sont arrivés dans notre ZAD un mardi.
Il y avait deux filles et un garçon. Je ne les connaissais pas.
Ou je ne me souvenais pas d’eux.
Après tout, j’ai cent sept ans depuis le printemps.
Je les avais peut-être croisés lors de ces fêtes où nous nous retrouvons à plusieurs milliers pour le plaisir d’être ensemble, d’échanger nos produits, de rencontrer celui ou celle avec qui on partagera un arbre pour quelques jours ou la vie… Qui sait, je les avais peut-être même eus comme élèves, à l’époque où j’enseignais dans les Arbres-Ecoles de la région ?

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