Le bout du monde de Marc Victor, périple introspectif

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Paru en janvier aux éditions JC Lattès, Le bout du monde de Marc Victor, co-scénariste de la série Kaboul Kitchen, est un étrange voyage. Un récit dépaysant et languissant qui se tisse au fil des souvenirs et des conflits aux quatre coins du monde. Le tableau de l’amitié d’une vie entre deux hommes qui sont peut-être restés au final des étrangers l’un pour l’autre.

bout-du-mondeDésabusé par son existence de reporter sur tous les conflits du globe, Pascal a ironiquement échoué en Afghanistan, à Kaboul, où il a ouvert le restaurant « Le bout du monde ». Dans son troquet de luxe pour expatriés se croise une faune insolite, mêlant tous les intérêts politiques, économiques, humanitaires et médiatiques qui puissent cohabiter au sein d’un tel conflit. Léthargique, englué dans la torpeur afghane, Pascal regarde passer ce monde depuis son canapé. Jusqu’au jour où disparaît son ami Corto. Son ami d’enfance. Son compagnon d’errance. Mais pour suivre les traces de Corto, Pascal va devoir dévider le fil de leurs souvenirs… Une quête éprouvante qui confine à l’introspection.

Relevé d’une pointe d’humour, Le bout du monde est un récit sinueux qui démarre lentement, laissant au narrateur le temps de planter le décor et cette langueur presque étouffante qui ne quittera plus le lecteur. Au fil des rêveries et de ses souvenirs, se dessine progressivement le portrait de Corto, personnage mystérieux et insaisissable qui hante le roman mais aussi, à travers lui, celui de Pascal lui-même. L’histoire de deux jeunes hommes, brillants et beaux parleurs, partis sans véritablement savoir eux-mêmes pourquoi, à l’autre bout du monde. Pour se trouver, pour donner un sens à leur vie, pour se challenger ? Que fuient-ils ? Que cherchent-ils ? Qui a suivi qui au final dans cette aventure et qu’y-ont-ils trouvé ? Quadragénaire en Afghanistan, Pascal se pose encore la question et, se faisant, cherche la réponse à la disparition de son ami.

Mais que connaît réellement Pascal de Corto ? Ces deux hommes qui ont vécu côte à côte les pires conflits, parfois dans une forme de décadence occidentale post-colonialiste, se connaissent-ils réellement ? C’est la question que l’on vient à se poser, au fur et à mesure que se déroule ce récit, presque onirique, envoûtant et dépaysant comme la volute d’une Chicha. Bien que l’on embarque sans peine pour ce singulier voyage, intrigués par les secrets qui s’y cachent, on regrette quelque peu de ne pas parvenir à s’attacher plus aux personnages. Malgré cela, le périple est riche de saveurs, Marc Victor mettant à profit son expérience, pour faire vivre des ambiances et des décors avec intensité. Un dépaysement total au goût d’introspection, qui vous transporte au bout du monde avec le « désir profond de vivre plus intensément. »

« Etais-je encore en Afghanistan parce que je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais devenir ? Comment mettre de la distance entre moi et moi-même, alors que je vivais déjà aux confins du monde. »

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