[Nostalgie] Frankenstein ou le Prométhée moderne : un classique à l’écho intemporel

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Frankenstein ou le Prométhée moderne est paru dans sa toute première édition en 1818. Un soir de juin 1816, il fait un temps effroyable sur les bords du Lac Léman, et Lord Byron voit là le moment opportun pour lancer un défi littéraire à ses invités : « Chacun de nous va écrire une histoire de spectres. » En répondant à cette invitation, Mary Shelley est loin de se douter qu’elle va donner naissance à l’une des créatures littéraires qui va fasciner ses lecteurs pendant des siècles. Un mythe de la littérature fantastique va naître ce soir-là.

Quelque part dans les années 1700, au mois de décembre, le jeune Walton décide de se lancer dans une expédition de découverte scientifique vers le cercle polaire. Sur sa route au milieu des glaces, son navire recueille à son bord un homme mystérieux aux portes de la mort : Victor Frankenstein. Celui-ci va finir par se délivrer du poids qui l’écrase en lui dévoilant le récit de son existence. Un récit à glacer le sang.

L'une des éditions françaises de Frankenstein

L’une des éditions françaises de Frankenstein

Le roman de Mary Shelley porte en titre complet Frankenstein ou le Prométhée moderne, et ce avec raison puisque c’est l’une des quêtes les plus sombres de la science, oserais-je dire des fantasmes, qu’elle explore à travers ce conte fantastique : celui de la création et de la maîtrise de la vie. Un thème intemporel qui fascine et questionne autant l’éthique que l’imagination. Emporté par ses recherches et la certitude de toucher au but, le jeune Victor Frankenstein ne réfléchit pas aux conséquences d’une telle création. La victoire de la science seule importe alors. Mais lorsque sa créature prend vie, il est totalement horrifié et dégoûté par son œuvre. De cette réaction autant que sa création même, il va alors devoir porter les conséquences et ce jusqu’à sa mort.

A travers un récit répondant aux critères de la littérature gothique et romantique de l’époque (communion de l’homme avec une nature éblouissante, héros emportés par leurs sentiments) Mary Shelley nous livre avec Frankenstein un récit au fondement étonnement moderne qui trouve écho jusque dans notre monde contemporain. A travers les errements et les dilemmes moraux de la créature comme de son créateur, elle pose des problématiques qui s’appliquent encore quant aux conséquences de notre science et de notre médecine modernes. Si le terme d’éthique n’apparait évidemment pas dans l’ouvrage, c’est pourtant à lui que nous ramène notre lecture actuelle de l’histoire. Au nom de la science, Victor, avait-il réellement le droit de donner la vie à une créature dont il savait qu’elle serait monstrueuse ? Dans quelle mesure est-il responsable des agissements de celle-ci ?

Nombre de questionnements apparaissent ainsi au fil du récit qui alterne, à partir de leur première véritable rencontre, le point de vue de la créature et du créateur. Une alternance qui ne manque pas de susciter un débat intérieur chez le lecteur qui ne peut se ranger sans regrets à l’opinion de l’un ou de l’autre. Et au fil de l’histoire, ressurgit une vieille question philosophique qui opposa Voltaire et Rousseau : l’homme est-il bon par nature ? Dans le cas de la créature, peut-on considérer que son rejet par ses semblables est le seul responsable de ses pulsions violentes et assassines ? Victor Frankenstein se pose lui-même la question dans le récit.

Mary Shelley

Mary Shelley

Si le style romantique de Mary Shelley contraste parfois avec la modernité du concept de son histoire, on se laisse pourtant emporter par le fil du récit, dévorant les pages dans l’angoisse du dénouement et avec l’espoir peut-être que l’issue finale apportera des réponses à nos questions. Mais en réalité, il n’en est rien, car si l’œuvre de Mary Shelley continue de fasciner de façon intemporelle et d’être adaptée encore aujourd’hui, c’est bien parce qu’elle aborde des mystères qui touchent au cœur même de la nature humaine. Si l’on est horrifié par l’idée même de l’existence d’une telle créature et que Victor parvient à nous en faire partager son dégoût, on ne le fait pas sans une certaine culpabilité. Car, finalement cette créature est le reflet de qu’il y a à la fois de plus humain et de plus noir chez l’homme. L’horreur qu’elle inspire ne fait qu’à nous renvoyer à nos propres limites morales en tant qu’individu et en tant qu’espèce.

Posant les bases de ce que l’on pourrait appeler le fantastique réaliste, et riche de nombreuses références littéraires et philosophiques de son temps, Frankenstein s’impose assurément comme un incontournable classique. On ne peut regretter qu’une chose : que Mary Shelley ait remanié la première version plus radicale du récit sous l’influence de son mari.

« Je songeais aux indices de la vertu qu’il avait manifestés au début de son existence et à la dégradation ultérieure de ses bons sentiments, imputable à la haine et au mépris que lui avaient manifesté ses protecteurs. Dans mes calculs, je ne faisais pas abstraction de sa force herculéenne, ni des menaces qu’il avait proférées. »

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