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Fear the Walking Dead : un pilote poussif

Fear the Walking Dead est le spin-off de The Walking Dead, la série tête de gondole d’AMC. Censée se passer avant l’épidémie et revenir sur ses premiers jours, elle se développera en parallèle de la série-mère. Alors, good or bad feeling ?

Fear the Walking Dead prend place à Los Angeles. On y découvre la famille Clark/Manawa : Madison, la mère, s’est maquée avec un autre, Travis, professeur dans le même lycée qu’elle, après la mort de son mari, ce que ses enfants Alicia, l’ado un peu rebelle mais brillante, et Nick, le junkie plus planant que Kurt Cobain et Bob Marley réunis, ont un peu de mal à accepter, ce qui nous donne un spectacle social assez pathétique où chacun court après l’autre, sauf pour Alicia qui cherche juste à se barrer. Au cours de l’épisode, après un énième bad trip, Nick semble voir sa copine dévorer un corps. Plus tard dans l’épisode, il est fait mention d’un nouveau virus prégnant, bientôt suivi par d’étranges phénomènes de gens… zombifiés.

AMC la joue pragmatique : quitte à avoir une série qui cartonne (17 millions par épisode de The Walking Dead, faut il le rappeler, et le spin-off suit avec 10 millions pour le pilote), autant capitaliser dessus. Fear the Walking Dead part donc avec une étiquette de produit marketing dégueulasse qui sera forcément moins bon que son illustre aînée. Et quelque part, c’est assez justifié. Toutefois, ce pilote dément à moitié cette affirmation : c’est toujours aussi maladroit à tous les niveaux, c’est long, c’est ennuyeux à mourir, et c’est aussi subtil qu’un bélier tentant d’enfoncer une porte, mais d’un autre côté, ce pilote est supérieur à bon nombre d’épisodes de The Walking Dead réunis. Après tout, AMC n’est plus à un paradoxe près. Plutôt bien filmé et agréable à l’oeil malgré une mise en scène paresseuse pour un pilote de soixante minutes (sic), cet épisode part d’un postulat extrêmement classique (l’épidémie mystérieuse dont on ne connaît pas l’origine constatée en premier par un junkie, histoire d’ajouter de l’ambiguïté au propos) mais qui se révèle pas trop mal mené, les masques et les murs tombant petit à petit sur ce qui apparaît bien flou à la population américaine. Bien plus habile (ce qui n’était pas trop dur) que The Walking Dead, Fear the Walking Dead n’est pas (encore) un ersatz matriciel. Elle se permet même un petit détail funky avec le faux suspense quand on voit le proviseur se retourner, parfaitement normal, alors que l’on croyait que voir son dos signifiait qu’il s’était transformé.

©AMC
©AMC

Mais que c’est long… Soixante minutes de la production zombie de AMC, c’est la quasi-assurance de basculer dans le pathos, les longueurs, et les séquences vides, surjouées, insipides, en un mot, inintéressantes. Le problème avec cette franchise télé est qu’elle est en permanence le cul entre deux chaises, entre un sujet et un autre, une ébauche et une autre, mais jamais ne semble vouloir trancher, ou même associer. Ainsi dans cet épisode, la question sociale de la famille recomposée, l’addiction à la drogue, le milieu scolaire américain, sont autant de sujets qui restent à l’état embryonnaire, faits de bric et de broc, faisant irruption dans le pitch sans jamais avoir de poids et suscitant donc la surprise du spectateur. Pour témoin cette phase dans la voiture, très « rêve américain », où Cliff Curtis et Kim Dickens se lamentent sur le sort de leur fils, amenant Curtis à nous répéter vingt fois qu’il est l’homme de la situation, que la vérité elle aurait pas pu mieux tomber en terme de nouveau compagnon, et que promis juré il enverra Nick en désintox. Fantastique. Zéro subtilité, une répétition insupportable, des fils scénaristiques plus visibles que dans Superman Returns (ou comment faire passer tout le propos sensible au mixeur en fourrant tous les dialogues à Cliff Curtis). Le pire, c’est que la série insiste sur le larmoyant : la scène où Nick se fait nourrir par sa soeur, sur son lit d’hôpital, pour nous faire passer la pilule de l’amitié fraternelle alors que durant tout l’épisode elle ne lui a pas décoché un mot est difficile à avaler. Le problème de ces grosses productions estampillées Hollywood, c’est le passage en force émotionnel pour être certain de toucher le spectateur moyen et de le faire revenir : The Walking Dead abusait du cliffhanger, Fear the Walking Dead installe une fausse tension durant tout l’épisode où elle va nous endormir en zigzaguant, puis va subitement grossir le trait pour que le spectateur oublie tout ce qui s’est passé auparavant. Le personnage de Nick en est le chantre : surjouant le junkie, il va marcher en boitillant comme s’il avait pris dix grammes de coke et va balbutier chaque particule de mot. La différence avec un autre personnage d’AMC, Walter White Jr, c’est que RJ Mitte n’avait pas besoin de jouer l’handicapé, il l’était (dans tous les sens du terme), sans trop en faire, et en réussissant forcément à nous toucher de par son statut de personnage ovni au milieu de ses parents plus vicieux l’un que l’autre. Cela donne un embrouillamini que l’on tente de faire passer pour de la profondeur, mais qui finalement reste à la surface. C’est frustrant.

©AMC
©AMC

Cerise sur le gâteau, les personnages n’en profitent pas, et suscitent un sentiment qui oscille entre le désintérêt et le rejet total. D’Alicia dont les tribulations amoureuses sont aussi captivantes qu’un épisode de Derrick à Travis qui à chaque phrase se prend les pieds dans le tapis (et Cliff Curtis ne résout rien par son acting monotone et monocorde) en passant par le surjeu absolu de Kim Dickens (qui gâche son talent montré dans la saison 3 de House of Cards) et Nick dont on se demande si le vrai zombie, ce ne serait pas lui (Frank Dillane, qui n’a pas hérité du talent de son père), ainsi que tous les autres personnages interchangeables, on a du mal à ne pas céder à l’agacement et à la hâte de voir des zombies faire un peu le ménage. Fear the Walking Dead, et c’est un paradoxe, manque encore clairement de mordant, malgré quelques idées qui à terme pourraient un peu hausser le niveau de jeu d’une franchise zombie qui a déjà bu le calice jusqu’à la lie en terme d’ennui… mortel

Le pilote est disponible, et la saison sera de 6 épisodes. 

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

10 réflexions sur “Fear the Walking Dead : un pilote poussif

  • illiac

    « Kim Dickens (qui gâche son talent montré dans la saison 3 de House of Cards) »
    Bien sur…, elle n’avait jamais rien montré avant ni dans Treme, ni dans SOA, ni FNL, ni dans Deadwood,…

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  • « Le personnage de Nick en est le chantre : surjouant le junkie, il va marcher en boitillant comme s’il avait pris dix grammes de coke » Si il boîte c’est parce qu’il c’est fait renverser par une voiture et pas parce qu’il est un junkie. Critiquer c’est bien mais avec les yeux ouverts quand on regarde l’épisode c’est mieux… 😉

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  • Leo Corcos

    Illiac : Et alors ? J’ai juste cité House of Cards parce que c’est là que je l’avais vue. C’est un exemple comme un autre, en attendant, ramener sa science n’aide pas au débat.

    Sig : Non non : en sortant de l’hôpital, il semblait marcher drôlement bien. Des problèmes de coordination peut être ? Sinon, il faut me pardonner, l’ennui ressenti a dû se jouer de moi 😉

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    • illiac

      Ah mais mon message n’a jamais eu vocation à amener un débat, et ça n’avait pas but à étaler ma science, c’était juste pour savoir.

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    • Si il marche bien en sortant de l’hôpital, c’est peut être que les médicaments qu’ils lui ont donné faisait encore effet, comme des anti-douleurs et des substitues d’héroïne par exemple… Et c’est aussi pour cela que sa descente est difficile dans la suite de l’épisode, et qu’il semble devenir fou.
      Personnellement le fait que Kirkman (le papa du comics) soit à la création et à la production je trouve que c’est un gage de qualité.
      Et s’il te plait Leo, le terme « zombie » n’est utilisé à aucun moment dans tous les supports de TWD. Et si tu trouve que je joue sur les mots alors on peut dire que les extraterrestres dans Dr Who sont des Cylons, après tout ce sont des cyborgs d’une autre planète…

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      • Leo Corcos

        J’accorde le bénéfice du doute, alors, pas de problème.
        Gage de qualité peut-être, m’enfin ca ne se voit pas trop. Entre le comics et l’adaptation, j’ai fait mon choix, après 5 saisons et un pilote d’un ennui mortel…

        Tu parles des Cybermen ? Bah je peux chipoter aussi : eux ont un nom, et on les appelle par leurs noms. Là, l’appellation officielle dans TWD est « walker », marcheur. Mais c’est pas non plus exagéré de dire zombies, hein, n’importe quel visionneur de la série le dira…

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  • nicokg

    RJ Mitte est peut-être handicapé dans la vraie vie mais pas au point de Junior dans Breaking bad ! Il a surjoué son handicap pour la série.
    En tous cas, encore un article totalement exagératif sur l’univers TWD ! Si ça marche crescendo depuis le début c’est que c’est pas ennuyant à mourrir…

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  • Leo Corcos

    Il ne l’a pas surjoué, mais exagéré, et il n’a pas eu besoin d’en faire des caisses, il était déjà dans son rôle. Il est toujours juste, et jamais dans le trop plein pour arracher les larmes aux spectateurs. Mais ca fait longtemps que je n’accorde plus de crédit aux casteurs de TWD…

    Ah bon, et quels sont les critères de l’exagératif, s’il vous plaît ? Donc en fait, si ca marche absolument bien, que ca fait du fric, qu’il y a un spin-off, des audiences etc, bah c’est que c’est bien et que donc tout article allant dans le sens contraire est exagératif ? Parce que c’est ce que vous me dites là, et ca pour le coup c’est exagératif, et quelque peu étriqué. Chacun a le droit à son avis, c’est subjectif, et on peut l’exprimer. En outre, désolé pour la sensibilité de fan, mais je ne suis pas le seul à le penser (cf l’article bilan de la saison 5 de TWD où j’ai pu constater que des gens avaient pu penser comme moi). Le fait que ca marche n’empêche pas certaines personnes de ne pas aimer, et on ne reproche pas cela aux gens qui n’aiment pas GoT non plus

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  • J’ai vu un épisode poussif.
    Qu’il est réalisé un taux d’audience de ouf, ne veut pas dire grand chose pour moi, a part qu’il y avait une grosse attente. On verra par la suite.
    Sinon, beaucoup de longueurs ( seigneur que c’est long et çà devient chiant ), une réalisation très classique, un jeu d’acteur qui frise avec le surjeu …donc, moi je suis déçu apres le visionnage du premier épisode.
    J’attends la suite et espere, une réal plus nerveuse, du rythme ..bref..Fear the walking dead, va falloir se sortir les doigts du cul ! Que le show nous en mette plein la vue et nous donne envie de le suivre !

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    • Leo Corcos

      Merci Seth ! Content de voir que je ne suis pas seul dans cette affaire ^^

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