Critiques de films

Beyond Clueless – L’illusion des teen movies

A travers un documentaire analysant les teen-movies de la fin du XXe et du début du XXIe, voici une replongée totale dans les années lycée.

Beyond Clueless propose en cinq chapitres une discussion autour de la réflexion des lycéens américains dans le genre des teen movies.

C’était il y a plus ou moins longtemps, ces années avec un Eastpak où une seule bretelle pendait sur une épaule asymétrique, ou je ne sais quelle marque à la mode aujourd’hui, mais principalement du Jansport aux Etats-Unis. Des années qu’on souhaite enterrer définitivement ou qu’on se remémore avec nostalgie…
La voix off de Fairuza Balk remonte le temps et retrace des scènes tirées de The Craft (dans lequel elle joue), Disturbing Behavior, Idle Hands, Mean Girls jusqu’à The Girl Next Door et d’autres films cultes de toute une génération. Pendant 1h30, le regard du jeune Charlie Lyne, Anglais de nationalité né en 1991, se pose calmement sur chacun des extraits qu’il a sélectionnés, datant du milieu des années 90 au début des années 2000. Journaliste de son état, ayant débuté comme blogueur, Lyne réussit à retirer l’essence même de ce qui a rendu ce genre populaire, dans son documentaire Beyond Clueless financé par le crowdfunding. C’est avec intérêt qu’on suit sa démarche et qu’on tente de retrouver les noms de ces films vus dans une jeunesse passée.

Charlie Lyne
Charlie Lyne

Lyne aborde les thèmes habituels et éternels des adolescents, l’appartenance ou l’exclusion à un groupe, la place dans la hiérarchie scolaire, la curiosité sexuelle (beaucoup de sexe), le passage à l’âge adulte, il ne cherche pas forcément à critiquer ou à chanter les louanges de cet environnement mais se contente de relever des faits sociologiques. Les athlètes sont au sommet de la chaîne alimentaire tandis que les marginaux subissent des brimades. L’individualité disparait au profit du collectif. Cela engendre des romances interdites et des lieux communs à tous les films pour ados. S’ensuit l’espoir de s’améliorer dans les études supérieures en ayant découvert la sexualité avant, tout de même. La narratrice explique comment les codes du lycée ne diffèrent pas d’un film à un autre, la différence étant d’alterner le message principal. Ici, pas de témoignages ou d’entretiens avec des gens qui ont interprété ces rôles, ou qui ont expérimenté le lycée à cette période, mais une énonciation des catégories appliquées à ces films. La seule mise en perspective se cantonne au texte, plutôt bien documenté quand il ne se borne pas à raconter l’histoire de l’extrait, récité par Balk.

Le résultat mitigé tend vers une approche trop académique et répétitive d’un côté, avec un découpage en cinq parties dont deux qui se rapprochent, et un épilogue, mais de l’autre, il s’agit d’un bel hommage à ce genre souvent piétiné. Finalement, l’ensemble donne plus une impression de description que d’une véritable analyse, et du haut de ses 24 ans, le réalisateur est peut-être encore trop jeune pour avoir le recul nécessaire. En tout cas, on sent son expertise et son attachement dans le choix des extraits montrés, malgré une véritable préférence envers les sombres titres inconnus (Josie et les Pussycats, un chef d’œuvre ignoré). C’est d’autant plus frustrant que de nombreux clips de films plus borderline et noirs (Rushmore, The Rules of Attraction, etc.) passent furtivement alors qu’on aurait apprécié voir certains plus approfondis… On s’aperçoit que de nombreuses stars ont fait escale à l’arrêt teen movie, de Joseph Gordon-Levitt à Reese Witherspoon, sans oublier les Mark Ruffalo ou Emile Hirsch.

The Craft
The Craft

Des millions d’ados se sont identifiés dans ces personnages, des millions de gosses français ont envié le fonctionnement du système scolaire américain. Si de nos jours, des lycées français copient la mode des bals de promo, ce n’était certainement pas le cas une décennie plus tôt. Ironiquement, en France, les générations précédentes ont développé un dédain non dissimulé envers la pop culture outre-Atlantique, tandis que les membres de cette prétendue génération Y ont été nourris par le rêve américain et il suffit de voir l’omniprésence de leur culture pour comprendre que l’invasion est déjà terminée. Bémol toutefois, si ces films touchent particulièrement les twentysomething ou ceux autour de la trentaine, il semble difficile d’y trouver son compte pour les autres tellement Beyond Clueless manque de structure et de contenu en dehors des extraits, puisqu’il n’explique en rien comment le genre a fleuri, fait totalement abstraction des Breakfast Club, Ferris Bueller’s Day Off ou autres classiques. Ou alors l’effet obtenu change radicalement.

(P.S. : Alors oui, ça donne envie de revoir plein de teen movies, mais Dieu qu’ils ont vieilli…)

Aki

Une énième fangirl de Whedon, obsédée par les comédies musicales, la nourriture et les drames britanniques.

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